Will est une nouvelle série de dix épisodes diffusée depuis le début juillet sur les ondes de TNT aux États-Unis. Le personnage principal dont fait état le titre, c’est William Shakespeare (Laurie Davidson) et la chaîne nous propose un retour dans sa jeune vie adulte alors qu’il vient tout juste de quitter sa femme et ses enfants pour tenter sa chance à Londres en tant que dramaturge et acteur. Seulement, on ne s’arrache pas encore ses textes et c’est sans compter sa foi catholique qui pourrait lui attirer de gros ennuis. Adaptation extrêmement libre au point ou de Shakespeare, il ne reste de que le nom, Will est une fiction indigeste qui ne vaut même pas le moindre coup d’œil. Mise en scène criarde, intrigues passant du mièvre au gore toutes les cinq minutes : à force de trop réinventer l’histoire, on en perd son essence au point où plus rien n’a de sens.
Le sérail londonien
L’action commence en 1589 alors que le jeune écrivain décide de quitter la province dans le but de vivre dignement de son art et de leur offrir un avenir meilleur… mais à distance. En effet, à le voir aller avec son air juvénile, la vie commence à peine. En poche, il a la copie de sa plus récente pièce : « Edward III » qui finit par charmer James Burbage (Colm Meaney), le directeur du Globe Theater. Cependant, cette tragédie historique prend quelques allures de Vaudeville afin d’accommoder un public peu éduqué et surtout très bruyant. Mais peu importe si ses débuts ne sont pas à la hauteur de ses attentes, il noue en contrepartie plusieurs liens avec les acteurs du théâtre, dont les enfants du propriétaire Richard (Mattias Inwood) et Alice (Olivia DeJonge). D’ailleurs, cette dernière n’est pas insensible à ses charmes, mais lorsqu’elle apprend qu’il est déjà marié, son intérêt s’étiole quelque peu. En parallèle à cette « école de la vie » il ne faut pas oublier que l’Europe connaît de terribles déchirements à propos de la religion et l’Angleterre ayant choisi son camp avec le protestantisme poursuit les catholiques avec une verve démesurée. Justement, les soldats de la reine ont un large réseau d’espions, dont le jeune Presto (Lukas Rolfe) qui rôde autour du Globe Theather.
Il n’est pas rare en fiction que l’on se réapproprie un classique de la littérature ou autres et de le remodeler en passant soit par l’esthétisme, soit par souci de le rendre plus actuel. Justement, les exemples de succès regorgent avec notamment les Sherlock, les Agatha Christie en plus de Still Star-Crossed au niveau du casting multiethnique. Même le personnage de Shakespeare s’est fait renipper dans Upstart Crow diffusé l’été dernier sur BBC Two sous forme de sitcom. Il s’agissait là d’une façon originale de célébrer le 400e anniversaire de la mort de celui-ci avec certains gags très drôles.
On ne peut cependant pas en dire autant de Will qui en quelques minutes seulement a raison de notre patience avant même que les intrigues se soient réellement installées. C’est que la mise en scène pour le moins exubérante est signée Craig Pearce qui a auparavant travaillé sur plusieurs films avec le réalisateur Baz Luhrmann. Dès lors, Londres prend des airs de ville du Moyen-Orient avec ses tissus de couleurs vives, autant pour les draperies de toutes sortes que pour les guenilles que porte la populace. À ce sujet, les gens des faubourgs ne sont peut-être pas assez riches pour s’occuper de leur hygiène corporelle, mais investissent massivement dans le maquillage qui couvre la moitié de leurs visages… Et c’est sans compter la teinture de leurs cheveux avec des couleurs qui n’existaient probablement même pas à l’époque. Le personnage de Richard incarne ce mauvais goût généralisé avec ses pantalons de cuir et sa coupe de cheveux à la Elvis. Mais on n’en est pas à un anachronisme près. Sur scène comme dans les rues, on a plus de gens de couleurs que dans toutes les fictions saisonnières annoncées pour l’automne 2017 de CBS. Dès lors, on n’est donc guère surpris d’entendre du heavy-metal dans la trame sonore accompagner l’action.
Dans quel but ?
C’est LA question que l’on se pose en regardant Will. Parce que mis à part faire parler d’elle, on ne voit pas vraiment ce que ça apporte au récit. Est-ce pour s’attirer un auditoire plus jeune à coup de dialogues du genre : « We must live fast, die young, and leave a pox-ridden corpse » ? Si tel est le but, la production échoue lamentablement. Le meilleur exemple concerne Alice qui dans le premier épisode qui se plaint de sa condition de femme en ces termes : « I’m not free. You’re a man. Don’t talk to me about not being free. » Mais comment prendre au sérieux cette fille de producteur de théâtre qui administre l’entreprise, porte des pantalons et sort le soir boire un pot avec ses copains masculins ? La crédibilité est aussi nulle que les intrigues des trois premiers épisodes. On a d’abord ces grands seigneurs (très vilains évidemment) affairés à traquer les catholiques de l’île… dont William. Pas de logique ici non plus puisque Shakespeare dans la vraie vie était protestant. En fait, ces scènes ne sont que des prétextes pour nous montrer de la torture aussi explicites que gratuites. Du côté des comédiens, on a Richard (encore lui) qui à temps perdu se prostitue. Pendant l’acte au deuxième épisode, il ne cesse de déclamer des vers à sa partenaire qui lui demande une bonne dizaine de fois de se taire ; sans succès. Son excuse ? « I am an actor, and when I act, I am moved to greatness » ; ce qui ne fait aucun sens. Quant au personnage principal, à part réciter quelques beaux vers, on n’apprend absolument rien sur son parcours et il se révèle aussi intéressant qu’une plante verte. Cette période de « peak tv » que nous vivons nous a donné récemment des biopics fabuleux tels que The Crown de Netflix relatant la vie d’Elizabeth II ou encore Genius de National Geographic avec son portrait d’Albert Einstein. Quant à Will, c’est en quelque sorte la pire insulte à la mémoire du dramaturge que l’on aurait pu concocter.
Dans la même veine, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le premier épisode a attiré 633 000 téléspectateurs avec un taux de 0,16 chez les 18-49 ans. En deuxième semaine, ils étaient encore 477 000 toujours présents, mais avec un taux dérisoire de 0,09. Sans surprise, la fiction se retrouve au plus bas des créations de TNT pour la saison 2016-17. Quand on sait que le projet avait d’abord été commandé par Pivot, la chaîne aurait mieux fait d’y penser deux fois avant d’acquérir ce navet.
Publicités