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Par Julien Leray @Hallu_Cine

Précédé d’une réputation flatteuse depuis sa sélection en Compétition Officielle lors du dernier Festival de Cannes, Good Time des frères Safdie, outre le film en lui-même, a d’ores et déjà permis à Robert Pattinson, sa populaire tête d’affiche, de franchir un palier. En terme de reconnaissance de la part du milieu notamment, sa notoriété ayant, elle, été acquise avec Twilight depuis bien longtemps.

Un première semestre 2017 on-ne-peut-plus faste pour ce dernier, également au générique de l’acclamé Lost City of Z de James Gray, sorti en début d’année.

Entérinant par là même la direction prise par Pattinson depuis la fin des aventures d’Edward et Bella, à savoir chercher coûte que coûte à s’affranchir de cette étiquette trop lourde à porter, notamment sur le plan de sa crédibilité.

Comme une évidence, sa carrière est alors partie se réfugier du côté du cinéma indépendant. Une volonté de construire film après film une filmographie exigeante, à même de démontrer tout le potentiel de son jeu, qui serait bien plus complet que ce que les Twilight en ont fait.

De ce point de vue, Good Time apparaît dès lors taillé sur mesure, un cadre parfait pour produire une prestation écorchée, complexe, démente, et nuancée. Rien de surprenant donc à ce que Joshua et Ben Safdie aient en fait écrit le rôle de Connie spécifiquement pour lui.

Connie Nikas, petit braqueur new-yorkais haut en couleurs, va tout faire pour libérer Nick, son frère handicapé, emprisonné après un casse (dans lequel Connie l’a embarqué) ayant mal tourné. Amasser la somme nécessaire au paiement de sa caution, ou tentative d’évasion : dans un cas comme dans l’autre, Connie, roi des mauvais choix noirs, s’apprête à affronter une nuit qu’il ne sera pas près d’oublier…

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C’est quelque chose que l’on ne pourra, quoi qu’il en soit, pas leur enlever : les frères Safdie ont mis toutes les chances de leur côté. Pour se démarquer, sublimer leur histoire par une esthétique extrêmement travaillée, stimuler visuellement, produire du sensitif agressif constamment.

La réussite de l’entreprise était de toutes façons à ce prix. Même si carré et bien écrit, le scénario de Good Time, pris au premier degré, n’est finalement pas davantage qu’un terrain propice aux élans esthétiques des frères Safdie.

Réflexion aidant, on pourrait néanmoins appréhender la trame de Good Time sous le jour d’un dédoublement de la personnalité de Nick, dont Connie en serait la part sombre et indomptable, cherchant à fuir coûte que coûte les soins dont il aurait pourtant besoin. Un pan de son être dont la fuite en avant l’amènerait, in fine, à supprimer ses pensées noires, potentiellement déviantes, irresponsables et violentes.

Délire d’interprétation ? L’un des nombreux tiroirs d’un récit allégorique profond ?

En soi, quelles que soient les intentions que l’on souhaitera lui prêter, de la plus pragmatique à la plus fantasmée, l’essentiel dans Good Time ne se situe même pas là. Au-delà de l’énergie et des moyens déployés, les frères Safdie ont avant tout cherché à filmer un bad trip tel qu’on pourrait l’éprouver après un shoot à l’acide.

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S’inscrivant en ce sens dans les pas d’Enter The Void de Gaspar Noé, Good Time se joue lui-aussi de couleurs sursaturées, d’une lumière incandescente hallucinée, pour envelopper le spectateur des atours d’un cauchemar éveillé. À ceci près qu’à la tragédie du réalisateur d’Irréversible, les frères Safdie y opposent, eux, de nombreux moments de pure comédie.

C’est une certitude, la photographie de Sean Price William ne laissera personne insensible. Sa richesse, la densité des formes, les changements de textures et de grains d’image confèrent à Good Time une identité bien affirmée, tout comme une patine dont on peut (res)sentir les moindres aspérités.

Saturation chromatique, saturation des formes, également saturation du son.

Non content de stimuler constamment la cornée, voilà l’ouïe elle-aussi sollicitée. Voire même par moment agressée, comme un trop plein de musique et de sonorités à digérer (attention aux systèmes de son en salles mal égalisés). Les compositions d’Oneohtrix Point Never, électroniques versant dans l’expérimental, explosent littéralement les enceintes et l’écran, de tout leur dynamisme et leur rythme strident. On se sent écrasés, en même temps électrisés par une telle profusion d’effets. Sans atteindre la perfection de Baby Driver d’Edgar Wright dans l’harmonie du montage et du son, Good Time a de la proposition à revendre, et des idées à défendre.

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Ce mélange assez audacieux de musiques déstructurées, chaotiques et cohérentes confère à ce dernier un côté magnétique difficile à nier, en faisant, couplé à cette esthétique de clip pictural spécifique, un objet composite assez fascinant.

Déployant d’ailleurs sa pleine mesure dans les séquences de poursuite ou d’actions, où le rythme, la grammaire à vif, conjugue littéralement le son.

Or cette fascination induite par les fulgurances visuelles et sonores émanant ci et là a finalement tendance à prendre le pas. Sur l’histoire, les rebondissements, les agissements de Connie.

Les stimuli et l’immersion sensoriels se substituent alors trop souvent à l’impact émotionnel pour ne pas faire de Good Time un métrage certes percutant, mais fatalement désincarné.

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À l’image d’un junky en pleine surdose, la décharge d’adrénaline assénée par les frères Safdie se fait si forte que l’effet produit, plus que l’extase attendue, engendre alors une perte de sens de l’esprit quand le corps, lui, n’éprouve plus rien, presque sous anesthésie.

Se pose alors pour Good Time la question de la sincérité. Dans la profusion des moyens déployés pour ce qu’il a finalement à raconter. Dans sa propension à formellement impressionner, pour mieux masquer une certaine forme de vacuité. Une logique que l’on retrouve même dans le jeu de Robert Pattinson, prétendant être sans avoir vraiment été. Calculant l’inconscience et la folie plus qu’il ne les joue, plus qu’il ne les vit. Tout le monde n’est pas Christian Bale ou Tom Hardy.

En résulte ainsi une œuvre schizophrène, terriblement ambitieuse, profondément vaine. Impressionnante, autant qu’irritante. Aussi électrisante qu’elle sait se faire frustrante.

« Un rail de coke, un café », à fuir ou embrasser.

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Film vu lors de sa première nord-américaine, dans le cadre du Festival Fantasia 2017 :

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