Tandis que l'engouement des institutions financières pour la blockchain ne semble pas vouloir se calmer, elles sont confrontées à des difficultés croissantes dans le recrutement des experts dont elles auraient besoin pour mener à bien leurs projets. Cependant, derrière cette pénurie de talents se profile un enjeu plus global et beaucoup plus critique…
Quantifié au Royaume-Uni par une enquête du cabinet de recrutement Robert Half, le constat est universel : il existe sur le marché une forte demande, non satisfaite, de spécialistes capables de prendre en charge les initiatives en cours autour de la blockchain. Sans surprise – car, comme pour tout nouveau concept, les formations se mettent tout juste en place –, les compétences les plus recherchées sont technologiques, notamment dans le développement logiciel, l'analyse de données et la cryptographie.
Dans ce panorama, il manque toutefois une discipline essentielle, qui n'est pas plus orientée purement métier (par exemple en gestion d'investissement, qui constitue une des cibles les plus fréquentes) qu'exclusivement technique. En évoquant l'engagement de BBVA dans une démarche transverse et horizontale, impliquant à la fois ses différentes lignes d'activité et ses directions fonctionnelles (juridique, sécurité, qualité…), un article de Teresa Alameda sur le sujet commence d'ailleurs à effleurer cet oubli majeur.
En effet, les personnes indispensables pour tirer parti des opportunités (éventuelles) de la blockchain dans l'entreprise sont celles qui maîtrisent parfaitement ses fondements techniques tout en ayant une vision très claire des besoins des métiers susceptibles de la mettre en œuvre. À défaut de cette double perspective, les projets sont inéluctablement tirés vers l'échec, soit parce qu'ils succombent à la séduction de la technologie pour elle-même, soit par excès de crédulité vis-à-vis de promesses intenables.
Le phénomène est commun à tous les concepts émergents (tels que les « big data », par exemple) et s'explique très simplement. Dans un premier temps, c'est-à-dire dans sa phase d'incubation, une nouvelle technologie n'intéresse qu'un petit cercle d'experts informatiques, plus fascinés par sa « beauté » intrinsèque que par une généralisation possible de ses applications. Dans le cas de la blockchain, le déclic a été sa révélation comme socle du bitcoin, suivi des premières déclinaisons de « smart contracts ».
Arrive ensuite le moment de la découverte, quand quelques rêveurs d'innovation se mettent à imaginer comment exploiter le potentiel du nouveau « jouet » afin de répondre à des problématiques concrètes. Cependant, leurs propositions demandent à être éprouvées dans la réalité. Pour ce faire, il faut faire appel aux seuls spécialistes disponibles, à savoir les pionniers qui ont été conquis par la technologie et sont prêts à l'appliquer sans discernement, par passion pour une aventure en terrain vierge.
Le danger est alors l'effet d'emballement, lorsque les idées arrivent plus vite qu'elles ne peuvent être expérimentées et validées… Quand les applications suggérées par ceux qui n'entendent que les promesses superficielles de la blockchain sont confiées à des spécialistes toujours enthousiastes à la perspective d'ajouter une réalisation à leur palmarès (surtout quand elle a les honneurs de la presse), et qu'elles s'enchaînent sans cesse, le risque est grand d'oublier de vérifier s'il y a eu création de valeur…
C'est pourquoi le rôle le plus important – et la compétence la plus rare – dès qu'il est question d'appréhender une technologie en vogue est celui qui consiste à garder la tête froide et éviter toute passion excessive dans l'évaluation des possibilités qu'elle est censée offrir. Il requiert de comprendre le fond du sujet considéré et de savoir identifier objectivement ses avantages et inconvénients, dans le contexte de l'utilisation envisagée. Si vous recherchez ce genre de profil, n'hésitez pas à me consulter ;-)