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"Politique, hommes politiques, vertus et sainteté"

Publié le 28 juin 2008 par Micheljanva

Jlb C'est le titre d'une intervention de monseigneur Jean-Louis Bruguès, secrétaire de la Congrégation pour l'éducation catholique, qu'il pronoça au cours d'un séminaire international sur "la politique, forme exigeante de charité" organisé par le Conseil pontifical "Justice et paix".
Notons deux points avant de rentrer dans le vif du sujet  :

  • voilà bien longtemps qu'un évêque français ne s'était pas risqué sur une question aussi délicate;
  • certains points, qui ne remettent pas en cause l'essentiel du discours, risquent de froisser les lecteurs catholiques, comme de citer Edmond Michelet comme modèle d'engagement politique. Chacun sait la polémique (ici, ici ou ) dont il est l'objet dans l'Église qui est en France, surtout depuis qu'on parle de procès en béatification. Sans leur enlever toute leur importance (au contraire), ces points de divergence ne seront pas soulevés ici car ils méritent d'être traités du mieux possible ailleurs et nous préférons nous arrêter sur l'essentiel du message de monseigneur Bruguès plutôt que de juger les exemples qu'il utilise.

Monseigneur Bruguès part dès son introduction de l'image du vitrail de Saint Louis :

Vsl "pour le spectateur se trouvant à l'intérieur de l'édifice, une figure de vitrail ne réfléchit pas la lumière comme les autres images. Elle est elle-même source de lumière. Or, c'est bien ainsi qu'il faut voir ce roi et ce saint : une fontaine de clarté illuminant tout et tous autour de lui, et dont les rayons nous parviennent encore à travers sept siècles de vicissitudes diverses".

Il déplore ensuite le désintérêt des jeunes pour la politique. Il y voit trois "excuses" majeures qu'il réfute :

  • La politique divise;
  • La politique salit;
  • Il y a mieux à faire que de la politique.

"Vous n'avez pas le droit de détourner votre cœur et votre intelligence de la cause politique". Il fallait redire l'importance capitale qu'elle revêt pour celui qui veut suivre l'évangile et en vivre. Au milieu du siècle dernier, entre les deux guerres, alors que le nazisme montait en puissance, Pie XI expliquait que la politique était la chose la plus importante, après la religion. Il y voyait la force suprême de la charité. Il existe donc une forme de sainteté politique, de sainteté par la politique - et non pas malgré elle -, illustrée de multiples manières...".

Il développe ensuite les deux convictions à posséder dans l'engagement politique :

  • " Il n'y a de pouvoir politique que dans le service.
  • En politique, ce qui unit doit être plus fort que ce qui divise.

Le respect de la personne humaine, de sa dignité et des droits qui en découlent (...) Une politique qui ignorerait la dignité de la personne humaine, ou la bafouerait délibérément, perdrait du même coup sa légitimité [on regrette le manque de référence à l'avortement et autres crimes organisés. NDL].

La défense et la protection du groupe considéré. Une politique doit se munir des moyens nécessaires et proportionnés pour faire face aux menaces, extérieures et intérieures, qui mettraient en cause son unité, son existence et son avenir. Une politique qui laisserait le groupe sans défense perdrait du même coup sa légitimité.

L'accès de tous à la culture du groupe.

Cette notion de bien commun permet de comprendre que si, le plus souvent heureusement, la politique emprunte les voies de la confrontation pacifique, quand le bien commun est remis en cause de manière très grave et répétée, elle peut revêtir exceptionnellement des formes de résistance et de rébellion. Le légal n'est pas le légitime. La loi n'est pas la référence suprême. Depuis Antigone et depuis Socrate, depuis les premières générations chrétiennes, sans oublier les témoignages sanglants qui jalonnent l'histoire de notre Église, nous savons qu'il est des « lois murmurées au cœur » (Sophocle), lois divines de la conscience, qui sont supérieures à celles de la Cité. Il est conforme à la dignité humaine de les suivre, au prix de sanctions redoutables, quelquefois même au prix de la vie".

Sa dernière partie porte sur les devoirs :

"Nos devoirs envers notre communauté politique sont tout simplement des devoirs d'appartenance familiale, selon la présentation qu'en fait le Catéchisme de l'Eglise catholique (Troisième partie, seconde section, chapitre II). Ce rattachement de la chose politique à la vie familiale, que n'acceptent guère les philosophes politiques du moment, me semble se trouver au cœur de la sainteté politique. Ils fournissent, en effet, la trame de ce que l'on nomme l'engagement (...)

  • L'intérêt (...)
  • La civilité (...)
  • La gratitude.(...)Je rappellerai que l'intercession en faveur des autorités figure parmi les plus anciens témoignages de la prière chrétienne.
  • La participation".

Il conclut en abordant de manière très juste la question de fond de la fraternité vue sous l'angle politique :

"La fraternité appartient désormais au vocabulaire commun des hommes politiques ; on ne peut que s'en réjouir. Le terme figure dans la devise de plusieurs États.   

Une question se pose cependant à laquelle nous devrions accorder la plus grande attention. On se reconnaît frères dans une commune référence à un père. Or, une société sécularisée qui rejette le principe d'un fondement extra-séculier, de nature métaphysique ou religieuse, récuse de ce fait toute figure paternelle.

Ainsi s'expliquerait à mes yeux l'impossibilité pour nos sociétés de vivre une réelle fraternité, comme s'il s'agissait d'un mot utopique, toujours rêvée, jamais réalisée. En abandonnant les convictions religieuses au seul espace privé de la conscience individuelle, la société sécularisée « oublie » la question de Dieu et, plus généralement, celle de la transcendance. Le Dieu de la Bible est un Père ; le Christ est venu nous révéler cette paternité. En faisant de chacun de nous un fils adoptif d'un même Père, il a posé les fondements d'une fraternité vraiment universelle. En se passant du christianisme, une société s'interdit de vivre réellement la fraternité.   

Peut-on parvenir à une fraternité authentique sans se référer à un Père commun ? Voilà un défi inédit pour notre temps de sécularisation".

Le bien commun n'est exclusif de personne, surtout pas des chrétiens. La fraternité des chrétiens, fils de Dieu, doit se voir sur la place publique où se joue une partie de la politique à cette seule exclamation de saint Paul : "regardez comme ils s'aiment"!

Le bien commun appelle le combat commun dans la charité fraternelle.

Lahire


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