
Car l'échec fait partie intégrante de ce récit. L'échec venant de la phrase que l'on a ratée, qui mettra le feu aux poudres, ou de la phrase qu'on n'aurait pas dû dire, et qui provoquera la polémique, l'échec qui se joue sur des mots, sur le fait que des dizaines de personnes s'expriment, remontent, proposent, et que quelques uns doivent faire la synthèse, l'échec qui consiste à refuser aussi de prendre ses responsabilités face aux problèmes.
Alors, oui, on pourra dire que Matthieu Angotti se donne le beau rôle dans cette histoire, malgré l'échec. Il nous présente son personnage comme celui qui fait de la politique autrement. Mais ce beau rôle, il le partage avec quelques autres, qui montent au créneau avec lui, derrière lui, ou devant lui ! C'est son point de vue, mais c'est aussi une aventure commune qu'il nous raconte. Notons le titre judicieusement choisi, désintégration, pour un récit qui traite du dossier de l'intégration, ça vous donne tout de suite un aperçu de ce qui attend notre conseiller...

Pour illustrer ce récit écrit par Matthieu Angotti lui-même, Robin Recht adopte un style simple, agréable, jouant sur des personnages stylisés aux lignes simplifiées, mais paradoxalement facilement identifiables et différenciables les uns des autres. Les décors semblent réalistes mais quand vous regardez bien, vous découvrez la cohérence avec les personnages. Ils sont souvent précis, détaillés mais sans être lourdement chargés, le trait s'efface pour laisser place aux éléments essentiels. Cela ressort de manière frappante dans la couverture, avec la cour de Matignon et la bibliothèque de Matthieu. Mais à côté des décors, les ambiances de couleur sont aussi nettes, tranchées, uniformes, jonglant entre deux teintes, le bleu pâle, tirant vers le violet et un orange pâle aussi, tirant vers l'ocre. Ces deux teintes alternent d'une scène à l'autre et permettent tout de suite de réaliser qu'on a changé d'endroit, de décor, de moment. Ou qu'on passe dans l'imaginaire. Une idée simple mais appliquée avec talent.
Le découpage et la composition reposent aussi sur un modèle simple, que Robert Recht se plaît, comme le reste, à tordre dans tous les sens pour l'exploiter au mieux : Un classique gaufrier de trois fois trois cases, comprenez trois bandes de trois cases par page, toutes les cases restant de la même taille. Mais, détail important, elles sont dépourvues de traits de contour. Ce qui permet au dessinateur de dessiner des images qui s'étalent sur une case, deux, voire trois, voire toute la page. Ou même, encore plus subtil, de commencer par un dessin sur une case qui prend son sens quand vous regardez la page dans son ensemble, comme si les cases vides l'entourant servait à marquer le temps qui passe à la lecture, mais aussi à placer le personnage dans un décor que vous découvrez en voyant la page entière. C'est très agréable et cela évite la monotonie qu'un gaufrier peut risquer d'amener à la lecture. Ce récit est donc plus qu'un retour sur une année de politique, il est aussi un bel exemple de ce que peut apporter le neuvième art à la narration documentaire. « Désintégration, journal d'un conseiller à Matignon » vaut donc la peine d'être parcouru, lu, et commenté avec vos amis ! Alors ne vous privez pas. Et voici en prime une courte interview de Matthieu Angotti : Zéda dans la politique ?

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