Titre:
La Bicyclette
Auteurs :
Cheah Sinann (scénario et dessin)
Editeur :
La Boîte à bulles
Collection
: Contre-Jour
Année :
2017
Pages
: 112
Résumé :
A
Singapour, un vélo est remonté du fonds d'un puits par l'équipe de
M. De Souza, le directeur du musée de la guerre. Après
vérification, ce dernier contacte aussitôt M. Lim Ah Cheng, un
vieil homme qui rejoint le soir même le directeur au musée.
L'émotion l'envahit en voyant la vieille bicyclette cabossée, qui
comporte un trou à l'arrière. Ah Cheng va alors raconter à M. De
Souza une vieille histoire qui remonte à la seconde guerre mondiale,
une histoire d'amitié entre un soldat Japonais, envahisseur de la
ville de Singapour, et un jeune garçon, Ah Cheng, singapourien et
donc victime de l'invasion...
Mon
avis :
Une
histoire simple et incroyable à la fois, comme il a dû s'en
produire effectivement pendant la guerre. Cette petite anecdote
historique prend de grandes proportions au fur et à mesure de la
lecture. Ce qui lui donne toute cette force, c'est aussi l'aura de
mystère entourant les personnages. Le soldat Toshiro Iwakura,
d'origine noble, s'est engagé néanmoins dans l'infanterie, pour des
raisons qui ne regardent que lui. Sa rencontre avec le jeune Ah Cheng
ne va pas le changer, car il agit toujours comme il pense qu'il doit
agir mais elle va néanmoins bouleverser sa vie. Cette histoire
touchante rappelle que dans une armée, exactement comme dans tout
regroupement de personnes, il y a des gens biens et des gens beaucoup
moins biens, il y a des personnes qui gardent leur humanité là où
d'autres la perdent. Toshiro fait partie de ceux qui vont tenter,
malgré l'horreur de la guerre, de conserver leur humanité.
Ah
Cheng, que la guerre va rendre orphelin, tente simplement de
survivre. Ce qui va rapprocher ces deux personnages, c'est une
bicyclette !
Pour
ceux qui l'ignoraient (et j'en faisais partie), il faut savoir que
l'infanterie Japonaise a traversé la Malaisie pour envahir Singapour
en se déplaçant à... Bicyclette !
Le
deux-roues est donc l'engin de déplacement réglementaire de
Toshiro. Et pour un jeune comme Ah Cheng, qui s'entraînait à faire
du vélo avant qu'un bombardement le frappe, voir cette bicyclette
militaire lui donne tout de suite des envies de reprendre
l'apprentissage du deux roues, surtout quand il voit Toshiro s'en
servir de manière spectaculaire lors d'une attaque de taureau. Mais
sur les rebondissements de l'histoire, je vous en ai déjà trop dit.
Si
la guerre rattrape très rapidement ces deux personnages, le récit
se centre énormément sur leur relation. En quelques instants, en
quelques moments passés ensemble, quelque chose se noue. Certains
pourraient trouver cela rapide mais en temps de guerre, il ne faut
pas oublier que les choses vont vite, on s'attache, on se détache,
on tue, on aime, on hait à une vitesse alarmante. Et ces deux
personnages vont beaucoup s'apporter l'un à l'autre, alors même
qu'ils ne s'y attendent pas. Une amitié qui ne va pas faire basculer
le cours de la guerre mais bien changer deux vies pour le meilleur et
pour le pire...
Vous noterez les traits de contour très appuyés des personnages !
Au
dessin, Cheah Sinann opte pour un trait naïf. Les personnages
gauches, figés, évoluent dans un monde qui part en ruines. Un
dessin qui illustre bien la relation qui s'installe, elle aussi
inhabituelle, gauche, où chacun donne et apprend ce qu'il peut, sans
trop savoir où il va. Les traits de contour très marqués
renforcent le côté figé des personnages. Et quand l'action prend
le dessus, c'est grâce au cadrage et à la composition que le temps
se dilate, se ralentit, s'accélère le temps d'un coup de feu.
Mais
ce style naïf touchant convient au final tout à fait à cette
histoire simple et touchante aussi. Les décors sont en même temps
réalistes et stylisés, dans un style qui s'accorde parfaitement aux
traits des personnages. Figés (c'est mieux pour des décors urbains,
me direz-vous) et un peu lourds, patauds.
Ce
récit au style particulier, en noir et blanc jouant également sur
les nuances de gris, peut surprendre au premier abord les amateurs de
ligne claire mais pour ma part, je m'y suis fondu assez vite. Et j'ai
trouvé cette approche graphique originale plutôt agréable. Elle
m'a même rapproché des souvenirs de Lim Ah Cheng. Comme si cette
histoire ne pouvait remonter à la surface qu'avec un graphisme qui
l'immobilise, qui la sédimente dans la mémoire.
Ce
beau récit, ces quelques moments passés en compagnie de Toshiro et
Ah Cheng - même si le déroulement des événements se construit de
manière classique -, reste pourtant émouvant, par sa simplicité
narrative et graphique. C'est une belle découverte que nous propose
la Boîte à bulles en publiant ce récit Singapourien.
Zéda
à bicyclette !
David
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