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L'art de la Renaissance et l'art du 20e siècle

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit
L’homme occidental à travers son art (suite)
L'art de la Renaissance. L'économie marchande et la concentration urbaine, le commerce à longue distance, ont créé une forme nouvelle d'économie : le capitalisme. La classe qui détient les formes nouvelles de la richesse est en pleine ascension. Les découvertes scientifiques et techniques, à la fois cause et conséquence de cette métamorphose de l a société, l'exploration des mondes nouveaux, tout relativise les valeurs anciennes, fait passer l'esprit d'entreprise et d'aventure avant les vertus anciennes de l'obéissance et de la  
     
L'art de la Renaissance et l'art du 20e siècle Dessin de Léonard de Vinci. Les proportions du corps humain d'après Vitruve. Vers 1492. (Académie royale, Venise.) résignation, les valeurs de la raison qui transforme le monde avant celles de la contemplation et de la foi. Le langage plastique est bouleversé par cette nouvelle vision du monde et de l'homme. La perspective n'est plus théocentrique comme dans l'art byzantin ; l'espace n'est plus compartimenté, comme dans la peinture gothique. La perspective est définie à partir de l'homme, de l'homme individuel. Tout s'ordonne à partir de son regard. Il est le centre et la mesure de toutes choses. Il prend possession de l'espace, qui devient le chantier de son activité. Tous les compartimentages sont balayés et, jusqu'à l'horizon d'un espace sans limite, règne un seul réseau géométrique de rapports où tout est mesurable, transparent à la raison, soumis à la maîtrise de l'homme q u i a pris la relève de Dieu. A l'humanisation du divin a succédé une divinisation de l'homme.
L'art du XXe siècle.Cette esthétique de la Renaissance, définissant la peinture comme reconstruction du monde selon un plan humain, régnera pendant trois siècles. Elle dégénérera en académisme dès la fin du XVIIe siècle (c'est-à-dire qu'elle continuera à mettre en oeuvre les mêmes formules mais sans être vivifiée par l'expérience conquérante du monde qui en était l'âme). Elle ne commencera à être mise en question que lorsque seront elles-mêmes mises en question les fins de la vie et de l'histoire. Avec la Révolution française germe l'idée que l'homme peut créer un autre ordre de la société (au lieu de se limiter à reconstruire l'ordre existant). La conception même de l'art s'en trouve changée. Tout comme dans les sciences, la vérité apparaîtra de moins en moins comme une concordance de l'idée avec les choses, avec un monde tout fait ; l'Allemagne de Goethe et de Fichte, comme l'écrira Delacroix après Madame de Staël, « ne considérait point l'imitation de la nature comme le principal objet de l'art ». Le rôle de l'art sera de plus en plus de créer un univers autonome ayant ses lois propres. Il n'aura plus pour tâche n i d'évoquer un ordre divin ni d'explorer l'ordre naturel, mais de préfigurer un ordre futur, un ordre possible. Cette conception, née en Allemagne dès la fin du XVIIIesiècle, se développa notamment avec Turner, avec Delacroix, Baudelaire, puis Manet, Van Gogh et Gauguin, Paul Klee, Matisse et Picasso, Delaunay et Mondrian. Dans cette nouvelle voie, les artistes cherchent des confirmations de leurs recherches dans les arts non occidentaux:
Manet découvrira l'arabesque et l'aplat
de couleur chez les Japonais ; Van Gogh seul retrouvera,

L'art de la Renaissance et l'art du 20e siècle

Picasso, « Femme à la Mandoline », 1909.

du dedans, l'âme de la peinture japonaise et pas seulement ses procédés; Matisse et Paul Klee découvriront les arts de l'islam ; les expressionnistes allemands, les cubistes, les surréalistes, les arts de l'Afrique et de l'Océanie ; les peintres de l'« action painting » retrouveront la démarche de la peinture Zen et les abstraits, la calligraphie chinoise ou les grands mythes amérindiens. En dehors de cet effort de renouvellement par une intégration des plus hautes découvertes de l'art de tous les peuples et de tous les temps, il n'y a que des aventuriers du « non-art », en quête d'aberrations inédites et capables seulement de refléter la désintégration d'un monde occidental de la croissance sans finalité humaine. Un réseau commercial de galeries marchandes, relayé par la publicité, se charge de faire croire qu'il s'agit là d'art et d'originalité subversive, et de donner à ces déchets un prix.
En dehors des errants, les peintres occidentaux les plus conscients cherchent à rejoindre, après vingt siècles de sécession, la voie royale de l'art mondial : « rendre visible l'invisible », comme l'écrit Paul Klee et, selon un artiste Song du XIe siècle : « Faire pousser des branches nouvelles sur l'arbre de la réalité. »
Roger Garaudy
Comment l’homme devint humain
pages 306 à 313
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