Pascalin est heureux. Son beau troupeau, sa liberté et le ciel bleu le rendent heureux. Il a dix-huit vaches, il les connaît toutes, elles ont des prénoms, Blandine, Hématite, Divine et Liberté (toujours ensemble), Jacote, Faena, Chorale (car elle est la chef de la chorale meuglante), Camarona, je n'ai pas noté les prénoms des autres, des races : Blonde d'Aquitaine, Normande, Maine & Anjou avec donc cette farandole de prénoms pour chacune, de belles robes pour aller danser au champ : claire, blonde, marron, une ribambelle de museaux luisants, des langues lestes, prestes et vives qui se fourrent dans les trous de nez ou qui lèchent avec gentillesse le pelage de la copine, des regards étonnés (normal, elles ne me connaissaient pas), doux toujours, de vrais beaux regards de vache.
Pascalin est attaché à la ferme "du Peyra" de Castel-Sarrazin depuis près de soixante-dix ans, il fait partie des meubles comme il me dit ce matin en me servant un café, la patronne est une amie, une presque soeur. Il ne peut imaginer de prendre sa retraite, il a pourtant quatre-vingt ans.
Pascalin fait partie de la grande lignée des gentils, des simples, des doux et des artistes, comme le professeur Monod, Séraphine de Senlis ou le facteur Cheval. Son art c'est son troupeau qu'il aime avec passion, qu'il soigne, qu'il élève, les miss élues de son coeur qu'il amène parfois dans de grands concours de miss vaches, il a gagné des médailles, nombreuses, dans de grandes foires, de grands salons de l'agriculture, celui de Paris, où il a remporté une médaille d'or avec une belle blonde de mille cent quatre-vingt kilos.
Je voulais lui rendre hommage ce matin. Sans avoir une âme "bisounours" je sais les drames des Ramblas, de partout ailleurs, je sais les poisons et les pestes dans les coeurs de nombreux hommes, je sais les cons et les salopards, je sais les cerveaux qui puent, mais je sais aussi que le vrai monde appartient aux humbles, aux simples et aux doux, que des Pascalin participent à son sauvetage, à son étayage, à son humanisation. Que les vrais coeurs comme le sien formeront toujours un choeur vivant, joyeux, fraternel, libre et chantant. Un coeur miraculeux.
étonnée
curieuses
le troupeau de Pascalin
entre papa (dont on devine les attributs) et maman
prisonnière et gourmande
les médailles (quelques unes) de Pascalin