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Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 245

Publié le 27 août 2017 par Antropologia

Robot ou pas robot !

Il est 12h  plus que quelques minutes avant la pause déjeuner… il me tarde…. Moi, je ne poinçonne pas des billets mais passe machinalement des produits devant un scanner…Bien sûr, je regarde les clients,  comme j’y suis invitée par ma hiérarchie, je dis bonjour avec un joli sourire mais de plus en plus souvent les clients sont en grande discussion sur leur portable et ne m’adressent même pas un regard…. Certains arrivent même  à poursuivre leur conversation tout le long de notre transaction…. Alors comme un pantin gesticulant ils se contorsionnent pour sortir leur portefeuille, enfoncer leur carte dans la fente ad hoc, faire leur code, remettre tous les produits dans leur panier, retirer leur carte, récupérer leurs tickets et sans même me dire merci ou au revoir partir d’un pas indifférent.  Heureusement il y a aura toujours ceux comme celui qui, à ce moment précis, me tend ses produits. Celui-là me dévisage, reprend lentement un autre produit de son panier pour me le tendre puis un troisième et comme cela jusqu’à ce qu’il soit vide. Je n’ai pas l’habitude de ce ralenti qui n’en finit pas… je me cale à son allure les clients suivants aussi… il est prêt maintenant pour payer… il sort son porte- monnaie, le rapproche de ses yeux pour mieux l’inspecter…. S’aperçoit qu’il ne va probablement pas avoir assez d’argent…. Ressort un article de son sac…. Je le retire de l’addition… pas encore assez… un deuxième article est enlevé… pas encore l’appoint… Il finit par redonner un de ses trois sacs. Celui des produits frais, ceux sans code barre qu’il faut repasser sur la balance et  les déduire un à un de la note. Les clients attendent s’impatientent  que très légèrement…clairement, le monsieur a un problème de vue certes mais  pas seulement…Pour remettre ma caisse enregistreuse à flot je dois appeler ma responsable… elle enregistre l’erreur, valide et tourne vite les talons pour un autre problème logistique.  Maintenant je repars poser le sac plastique rempli des victuailles  déduites dans le stock des invendus. La dame suivante n’a que quelques articles… mon scanner fait de son mieux pour rattraper le temps perdu…. Je lui donne le montant  à payer, montant d’une trentaine et quelques d’euros. J’entends ma cliente me demander d’une voix stressée et inquiète si elle peut payer avec un billet de 50 euros… Je lui fais répéter… Elle me réitère sa demande de pouvoir payer avec un billet de 50 euros. Interloquée, je lui réponds «oui» bêtement. Cela la rassure totalement. Elle sort son «gros» billet, le déplie et me le tend religieusement. La cliente suivante, ma dernière,  est une habituée. Elle ne partira pas sans un minimum de bavardage sur la météo forcément, les promotions de la journée qu’elle aurait pu rater, l’état de santé de son chat pour lequel elle achète tous les jours sa boite préférée. Au bout de cet échange elle sortira son porte-monnaie pour me régler et me souhaiter bonne journée en attendant que je la lui souhaite également agréable.

J’ai le dos en compote, les épaules qui  tiraillent,  je secoue mes doigts ankylosés. J’étire mes jambes…. Mais je bénis tous ces clients avec leur étrangeté,  car avec eux, moi, le robot, je reprends vie!

Virginie Perchais



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