Thoreau et Pesquidoux à la campagne

Leur campagne n’est pas la même, mais la science des seconds, Joseph et Arnaud Pesquidoux, me semble bien supérieure. Ces nobles terriens de l’Armagnac ont présenté au XXème siècle au public français par leurs livres puis des chroniques dans Le Monde sous le nom de Taillemagre, les observations nées de leurs activités. Un siècle avant, dans un pays neuf, Henry-David Thoreau (1817-1862) intervenait seul sur sa terre pour ensuite rendre compte de ses pratiques et de ses convictions. De leur côté, les Pesquidoux administraient les terres de leurs ancêtres. Entre Joseph (1869-1946) qui fut du Conseil national de Pétain sans y siéger, dit-on, et Arnaud (« Taillemagre »), un même  propos, « la terre ne ment pas », selon la célèbre formule d’un discours de Pétain écrit par Emmanuel Berl.

L’enjeu me semble la place de la campagne : lieu de création ou de défense. Thoreau s’installe, défriche, compte ses recettes et ses dépenses pour montrer que seul, par son travail, il peut vivre, reprenant dans son Massachusetts, le récit de Robinson dans son île. Morale : l’individu peut à lui seul changer le monde. Rien de tel chez les Pesquidoux qui au Houga dans le Bas-Armagnac, gèrent et modernisent la large exploitation du lignage. Ils peuvent ainsi décrire leurs relations avec leurs voisins, la beauté d’un cheval ardennais ou la pluie… les minuscules constatations de la vie, la splendeur de la campagne. En bon descendant des Lumières, Thoreau reste dans les considérations comptables et « la fureur des idées » (Flaubert).

Bernard Traimond

THOREAU, Henry-David, Walden, Paris, Gallimard, 1990.

PESQUIDOUX, Joseph de, Chez nous, Paris, Plon, 1921.

Livre de raison, Paris, Plon, 1925.

PESQUIDOUX, Arnaud de, Récits rustiques, Paris, Flammarion, 1954.