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Valérian et la Cité des mille planètes. Uniformiser le cosmos

Par Balndorn
Valérian et la Cité des mille planètes. Uniformiser le cosmos
C’était un dimanche après-midi où je ne savais pas quoi faire. Alors j’ai décidé d’aller jeter un coup d’œil à Valérian et la Cité des mille planètes, malgré mon appréhension envers toute production signée Luc Besson. Mes craintes se révélèrent fondées, et le film un vilain navet.
Identité contre altérité
La séquence d’ouverture explicite l’esth-éthique du film : un sommaire résume des centaines d’années de rencontres spatiales, d’abord entre cosmonautes de pays différents, puis entre Terriens et extra-terrestres. Quelle que soit la civilisation, la poignée de main s’impose, de même que l’impérialisme culturel. Aussi anodin paraît-il, ce simple geste de bienvenue appartient à la civilisation occidentale : tendre la main à chaque espèce revient donc, symboliquement et physiquement, à lui forcer la main, à lui faire accepter de manière tacite la domination d’une civilisation qui s’érige en gardienne de l’universalité. Et il faut voir de quelle universalité on parle. Encore une fois, la séquence du sommaire nous en dit bien long : elle catégorise chaque peuple, puis chaque espèce, en fonction d’un cliché, aisément reconnaissable chez les humains – on appréciera tout particulièrement les cosmonautes du Golfe (Qataris ? Saoudiens ?) dont la combinaison spatiale s’apparente à la tenue d’un riche émir. La diversité du cosmos se réduit ainsi à une série de stéréotypes absolument dépolitisés. La station Alpha, la fameuse « Cité des mille planètes », a beau se targuer d’abriter quelques millions d’espèces intelligentes, il n’y en a qu’une au pouvoir : l’espèce humaine, et un sous-genre particulier : le mâle blanc caucasien. Et cette caste ultra-minoritaire applique à toute la station une même structure politique. Valérian et la Cité des mille planètes ressemble à beaucoup de mauvais films à extra-terrestres, qui anthropomorphisent l’inconnu et refusent de se confronter à l’altérité. On pourrait se dire que ce n’est pas grave, que ce n’est qu’un mauvais navet (et ça l’est) ; or le film de Besson, non seulement sort un an après Premier contact, où la question de l’altérité absolue se pose de manière décisive – et s’en trouve anoblie –, mais en outre trahit l’esprit originel de la BD de Christin et Mézières. Aux rencontres radicalement novatrices de Valérian et Laureline succède un mol esprit de tolérance, dont le prêchi-prêcha on ne peut plus consensuel – le pâle récit du sauvetage par les deux gentils agents spatiaux d’une espèce que l’on croyait disparue – sert de vitrine à la domination la plus éhontée.  
Éloge de Narcisse
Quant à la mise en scène… elle égale la bêtise du propos. Besson ne cesse de se contempler, tout comme le film. À l’instar des innombrables flash-backs qui ramènent aux scènes initiales – au cas où le malheureux spectateur aurait perdu son chemin dans un récit hyper-linéaire –, Valérian et la Cité des mille planètes ne renvoie à rien d’autre que lui-même. Tels les Homo Sapiens blancs, il adore regarder son propre reflet, car sa sacro-sainte identité n’a pas à se corrompre dans la turpide altérité.Je ne me lancerai pas non plus dans une analyse genrée du film. Sachez juste que la première apparition de Laureline (Cara Delevingne) se fait en bikini ; que le personnage de Rihanna (dont on se demande bien ce qu’elle fout là) ne sert qu’à divertir de manière érotique un Valérian (Dan DeHaan) en mal de sa compagne habituelle ; que l’intrigue est si infime qu’il faut une succession de péripéties conjugales et de blagues sexuelles pour meubler le film ; et que Valérian veut épouser Laureline alors que le couple de la BD se méfiait avec raison des institutions sociales de l’amour.
Valérian et la Cité des mille planètes. Uniformiser le cosmos
Valérian et la Cité des mille planètes, de Luc Besson, 2017  Maxime

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