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Barbara. Biopic des ombres

Par Balndorn
Barbara. Biopic des ombres
« J’étais hier au royaume des ombres », écrivait Maxime Gorki découvrant le cinématographe en 1896. Cent-vingt ans plus tard, Mathieu Amalric renoue avec cette tradition des ombres dans son biopic sur la « dame en noir », Barbara.
Du lyrisme critique…
Amalric le sait bien : le cinéma ne peut naïvement reconstituer la vérité d’une personne. En revanche, il a la possibilité de laisser entrevoir des fragments de son être. Avec Barbara, Amalric réussit un pari difficile : donner à sentir la présence de la chanteuse sans l’illusion de sa présence réelle. Le lyrisme fait son autocritique, il exalte et se retient, en se montrant en flagrant délit d’exalter. D’où un dispositif complexe : il ne s’agit pas d’un film sur Barbara, mais d’un film sur un film sur Barbara. La mise en abyme permet ainsi d’interroger les moyens par lequel la machine cinématographique restitue des pans de vérité. Amalric excelle dans cet art du faux conscient de sa fausseté, et qui néanmoins crée des vertiges, des failles par où s’échappe le parfum de la dame en noir : lorsque le montage juxtapose vraies et fausses images d’archives, dont le grain de l’image imite à la perfection celui des années 70, la confusion s’installe, et l’on croirait voir Barbara en chair et os.Mais cette croyance repose sur l’exceptionnel jeu d’acteur de Jeanne Balibar. En la voyant au travail, on découvre à quel point l’Actors Studio fonctionne par reproduction de micro-détails, qui font vrai, car ils entretiennent l’illusion d’une présence magnétique. La personnalité de Barbara en offre un modèle parfait : par ses tics, ses mouvements mécaniques, sa gestuelle de pantin et sa voix artificielle, la dame en noir existe à travers une multitude de signes corporels, qui, recomposés dans l’unicité organique que porte en elle Balibar, refont vivre Barbara, en même temps qu’ils trahissent son absence.
… à la mise en crise du biopic
L’année 2017 aura vu la mise en crise du biopic, genre d’habitude peu novateur sur la forme. Jackie et Barbara, différents en termes de dispositif, se complètent dans leur restitution de la personne : aucun des deux ne prétend accéder réellement à la personne en chair et en os, mais, en usant de leur art en tant qu’art, ces films parviennent à faire palpiter des fragments de l’être visé. Dans les deux œuvres, la linéarité se troue d’ellipses béantes : à la surface de l’écran affleurent des sensations, des morceaux d’une vérité oubliée, que taisent les sages récits classiques.De ce point de vue, Jackie et Barbara renouent avec la tradition symboliste de Gorki. Il ne s’agit plus tant de filmer une présence que de donner chair à son absence ; dans cet entre-deux, dans ce jeu de frottement entre la timide présence et son inéluctable absence, se dessine la mince silhouette d’une personne chère – perdue et aimée à jamais.Barbara. Biopic des ombres
Barbara, de Mathieu Amalric, 2017Maxime

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