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Drague et hauts fonds, chez Hérazade!

Publié le 11 septembre 2017 par Alexcessif

Drague et hauts fonds, chez Hérazade!(Fiction, bien sûr.)

Elle s'assied prés de moi et engage la "conversation"..... avec Elliott.
Je mets des guillemets à "conversation" car Elliott est un clébard! Ou, plus exactement, mon pote Elliott catégorie Berger Suisse sans la nationalité ni la couleur blanche que requiert le standard de la race, lui qui sort plus d'une poubelle que d'un élevage. J'ai convaincu ce noble animal de m'accompagner sans contrainte le long de mon dimanche d'errance dans le vieux Bordeaux au prix de sa laisse "oubliée" sur le meuble de l'entrée.

Place Camille Jullian, j'ai chopé la posture de Belmondo dans " La scoumoune". Comme lui, j'ai posé mon fessu sur un banc public en écartant les pans de mon imper, les coudes en appui sur les genoux, jambes écartées, tête basse, mains jointes. Dans le film, l'orgue de Barbarie déroule à la manivelle la musique de François de Roubaix signalant le départ de l'action: Bébel dégaine son flingue, défouraille à tout va, vengeant son pote Michel Constantin et Claudia Cardinale sans prendre une seule bastos dans le buffet. Plus pacifiquement - bien que j'ai toujours une balle dans le canon de mon arme - je lis attentivement le programme de "L'Utopia".

- " T'es beau, toi ! " dit-elle caressant la bête allongée prés de moi.

Absorbé par ma lecture je n'avais pas vu venir le diamant brut doué de la parole s'adressant à mon animal de compagnie. La voix sensuelle qui "me" parle déclenche un truc mystérieux quelque part au plus intime de ma moelle épinière dans la zone sous la ceinture. Il me semble que son regard franc et limpide annonce à mon imaginaire une pudique curiosité avec un subtil intérêt, presque imperceptible, de prédatrice. Le mien cille, coupable de l'ineffable secret de mon nomadisme affectif qui me rend vulnérable et visiblement, trop visiblement, disponible. Je digresse en observant mutique et discret sa robe légère dont le fin cordon partage le haut/attractif et le bas/convaincant de son corps sobrement féminin. Elle ressemble en beaucoup mieux à Julian Moore, moins rousse et moins virtuelle. Sa tête s'incline délicatement tandis que ses cheveux suggèrent la caresse furtive de mes lèvres sur sa nuque accueillante. Je flâne du regard sur la ligne du cou vers son épaule et son buste où pointent des seins subliminaux d'adolescente. Pourtant je la classe dans la zone majestueuse des quadras. Bien moins vulgaires que cette mode ostentatoire des poitrines opulentes pour nous vendre des bagnoles ou des produits laitiers, ils revendiquent une féminité androgyne. Songeant à Lilith - la première et véritable Eve de la genèse virée du casting biblique car n'acceptant pas la soumission à l'Homme - je forme le projet d'une possible alternance des rôles d'amazone et de monture sans dessus/dessous à la perspective de ce gentil 85 C affranchit de la pesanteur et de ses effets.

Lourdement je rétorque à son " T'es beau toi ! " par un " Qui ça ? Ah, le chien ! Merci, mais je crois qu'il ne comprend pas " parce qu'il faut bien répondre un truc.

- Ne sois pas jaloux, t'es pas mal non plus ! Comment s'appelle-t-il? C'est quelle race?

- Elliott ! La race chien-trouvé-dans-une-poubelle, mais il est assez proche du Berger Suisse " J'ai bien noté sa répartie sans relever le tutoiement et le compliment. Mais j'ai dû lâcher un marqueur d'orgueil stupide qui me réduit au camp des proies car elle m'achève d'une balle en plein.....cœur :

- J'aime bien les lévriers ! Les levrettes plus précisément.

Le programme de l'Utopia m'est tombé connement des mains et, déconcerté, " A bout de souffle" -Belmondo/Seberg- j'ai proposé d'aller boire un verre en face en ravalant ma glotte.

- T'es à sec ? demanda-t-elle en se marrant. J'ai plutôt envie de voir un film, tu m'accompagnes ? Et après tu auras peut-être le droit de m'inviter à dîner !

Nous traversâmes la rue, pénétrâmes dans le ciné et nous délectâmes du toujours sulfureux "L'empire des sens" histoire d'en donner un à notre intersection et d'entamer, hors plumard, les préliminaires. Au plus chaud de la projection (?!) j'ai senti sa main friponne se glisser sous ma ceinture, qui de toute façon n'en pouvait plus, pour vérifier le pouvoir érotique du chef d'œuvre de Oshima sur le machin à géométrie variable. Pour ne pas être redevable j'ai constaté d'un doigt poli l'hygrométrie de bon augure du buisson, ardent, de " l'origine du monde".

Plus très loin, quartier du tout de suite, rue du Chai des Farines, à l'enseigne "Chai & Rasades", dans un hôtel louant ses chambres à l'heure, à l'été qui se fane sur les pavés que l'ondée rince et dans le vent qui forcit, un sommier grince, une femme gémit, un homme se damne.

Les plus érudits auront capté l'allusion tout en finesse aux "Contes des mille et une nuits" racontant le subterfuge de Shéhérazade pour retarder, métaphoriquement, l'abandon de sa vertu.

Dans la vraie vie, on abrège les formalités histoire de se raconter au plus tôt les contes de l'amour de juste après l'amour le plus longtemps possible. Mille et une nuits et les mille et uns jours qui vont avec.

- " Et le chien ?
- Oup's, j'ai complètement zappé le clébard
- Oui, mais c'est une fiction, non ?
- Oui ! "


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