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Averroès, la fin d'un mythe

Publié le 29 juin 2008 par Micheljanva

Dans le dernier numéro de l'Homme Nouveau, Pierre-Alexandre Bouclay démythifie Averroès, dans un dossier consacré à la polémique créée par l'ouvrage de Sylvain Gouguenheim :

"Averroès est systématiquement présenté comme un sage rationaliste préfigurant les Lumières. Son histoire est plus complexe. Il est un grand juriste, un juge – cadi, en arabe – de profession et un médecin. Sa philosophie est profondément empreinte de sa formation en droit islamique. C’est en juriste, par exemple, qu’il prêche la guerre sainte contre les chrétiens, à la grande mosquée de Cordoue. Et c’est en faisant appel à toutes les ressources du droit qu’il appelle les musulmans à quitter leurs occupations pour partir tuer les chrétiens.

Averroes2 C’est avec le même oeil de spécialiste du droit coranique et de juge qu’il aborde la philosophie grecque. Pour lui, les livres de philosophie doivent être « interdits au commun des hommes par les chefs de la communauté », car les fidèles risqueraient de mal les interpréter. Chaque lecture est interprétée à l’aune du « licite » et de l’« illicite ». Il écrit : « Nous, musulmans, nous savons de science certaine que l’examen par la démonstration n’entraînera nulle contradiction avec les enseignements apportés par le Texte révélé, car la vérité ne peut être contraire à la vérité,mais elle s’accorde avec elle et témoigne en sa faveur. » Incontestablement, Averroès a tenté d’allier le Coran avec la raison, mais il lui importait surtout de démontrer la supériorité du premier sur la seconde, celle-ci ne pouvant en entamer ni la nature de livre incréé et éternel, ni le contenu, celui de la Vérité suprême. Si l’on se trouvait en présence d’une contradiction philosophique avec le Coran, il estimait qu’il fallait recourir au sens caché du livre sacré : « interpréter le sens obvie » du Coran. C’était déjà trop pour le pouvoir almohade, régnant sur la « tolérante » Espagne arabo-musulmane : s’il y a contradiction, on brûle et on interdit. Averroès fut condamné en 1195. Ses doctrines furent interdites et ses livres brûlés. Le calife Al-Mansur le bannit à Lucène, le lieu d’exil des Juifs, ce que le juge prit, assez peu philosophiquement, pour une terrible humiliation. Car Averroès était un homme de son temps. Voir en lui un athée ou agnostique, voire – presque pire – un esprit tolérant, serait un anachronisme total et une grave offense faite à sa mémoire."

Michel Janva


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