Déclaration préremplie
L'engagement d'une véritable réforme de l’impôt sur le revenu constitue aujourd’hui un enjeu fondamental aussi bien pour réduire les inégalités sociales que pour le rétablissement de finances publiques saines.Emmanuel Macron a pourfendu récemment " ceux qui n'ont pas eu le courage de faire les réformes nécessaires " pendant plusieurs dizaines d'années en les qualifiant de " fainéants " mais lui-même n’envisage pas de réformer une fiscalité des revenus qui demeure très injuste, la seule mesure annoncée concernant un allégement de l'Impôt de solidarité sur la fortune pour les contribuables les plus aisés...
Au cours du quinquennat précédent, François Hollande avait maintenu la disposition prise par Nicolas Sarkozy au terme de laquelle le seuil de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million € de patrimoine (le premier taux d’imposition de 0,50% prenant effet à compter de 800 000 € mais seulement si le seuil de 1,3 million est atteint). De plus, les taux applicables ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche, de 0,75 à 0,70% pour la seconde, la tranche de 1,65% supprimée et le taux marginal passant de 1,80 à 1,50% !Aujourd’hui, Emmanuel Macron veut lui aussi réformer l’ISF. Il s’agirait de ne taxer que les biens immobiliers et non les investissements en entreprises pour mieux attirer les investisseurs, notamment étrangers. Une solution qui aura pour conséquence d’engendrer un manque à gagner de trois milliards € par an pour les recettes de l’Etat. Comme ses deux prédécesseurs, Emmanuel Macron ne tolère l’ISF que dans une mouture allégée.Mais une véritable réforme de la fiscalité des revenus passe d'autres mesures plus courageuses introduisant plus de justice fiscale en récupérant au passage plusieurs dizaines de milliards d'euros indûment distribués.
Rendre l’impôt sur le revenu plus progressif
L'impôt sur le revenu (IR) souffre d'un manque cruel de progressivité avec seulement 4 tranches d’imposition : 14% (9 701 à 26 791 €), 30% (26 792 à 71 826 €), 41% (71 827 à 152 108 €), et 45% (152 108 € et plus). Le taux marginal est bien passé de 41% à 45 % sous le quinquennat de François Hollande mais sans toucher au reste, cela n’a rien changé à un système fiscal qui demeure dégressif pour les plus hauts revenus et n’est plus calculé en fonction des « facultés » de chacun. Or, le simple rétablissement des quatorze tranches, supprimées par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000, permettrait de rétablir une réelle progressivité de l'IR et de dégager des recettes nettement supérieures à celles rapportées chaque année (76 milliards € en 2016, représentant seulement 19,6 % des recettes de l'Etat).Remplacer le quotient familial par une déduction d'impôt uniforme
L’IR est calculé également en fonction du quotient familial (QF) qui est un mécanisme qui prend en compte la taille de la famille mais qui a pour défaut de subventionner davantage les familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant proportionnelle au revenu dans la limite d'un plafond. Ce plafonnement a été baissé de 2 336 € à 2 000 € par demi-part puis à 1 500 € sous le quinquennat précédent mais le système reste toujours aussi injuste. Que la France abandonne le QF, qui n’est plus appliqué en Europe que par le Luxembourg et la Suisse et qu’elle adopte un système de crédit d’impôt identique pour chaque enfant comme le font déjà la Belgique, le Canada, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et l’Allemagne, ne serait donc pas déraisonnable.Supprimer le quotient conjugal
L’IR est modulé aussi en fonction du quotient conjugal (QC) qui consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif. La conséquence de ce système est double. Il réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres - le plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important. Pour un même revenu, ces couples sont ainsi avantagés au détriment des célibataires, des personnes séparées, des veufs et veuves ou encore des familles monoparentales qui doivent pourtant faire face à des dépenses de vie courante plus élevées qu'un couple.Le coût de ce dernier avantage fiscal accordé aux couples aisés oscille entre 5,5 milliards € d'après le Trésor à 24 milliards € selon la Cour des comptes ! Cette dernière somme est énorme, d’autant plus que l'avantage retiré du QC n'est pas plafonné, contrairement au QF. Pour corriger ce système, la meilleure solution serait sa suppression pure et simple, les capacités contributives étant dès lors appréciées simplement en fonction des revenus réels des couples.Supprimer les niches fiscales
Elles sont évaluées à plus de 70 milliards € sans compter les différentes exonérations fiscales accordées aux entreprises comme le CICE (19 milliards € en 2015). Pire, d’après un rapport de la cour des comptes, réalisé sous le magistère de feu Philippe Séguin, les niches fiscales et les diverses exonérations accordées aux entreprises représentaient pour l’année 2009 146 milliards € ! Une somme colossale et une aberration économique puisque cette dernière somme était trois fois supérieure au produit de l'IR payé par les particuliers ! Si certaines niches répondent à un souci d'équité ou à des mesures économiquement utiles, d'autres permettent surtout à une minorité de personnes de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine important. Le gouvernement de François Hollande avait plafonné quelques niches à 10 000 € au lieu de 18 000 € mais beaucoup d’entre elles restent totalement inefficaces et doivent être purement et simplement supprimées. Pire, l’ancien Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, avait réussi l'exploit d'accorder à deux niches fiscales (Sofica et loi Girardin pour les DOM) des plafonds supérieurs à ceux fixés antérieurement par le gouvernement de Nicolas Sarkozy !Emmanuel Macron n’imagine pas un seul instant qu’avec la récupération d’un tiers seulement de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour toute les intérêts annuels de la dette publique qui se montent à 50 milliards €…Lutter contre la fraude fiscale
La fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et 80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts), réduit aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux. L’administration fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux. Un signal fort devrait être donné par la création de plusieurs milliers de postes dans les administrations chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement de la liste des pays considérés comme non coopératifs ou comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires. Mais cela n'arrivera pas car Emmanuel Macron va continuer de réduire les budgets des administrations publiques pour respecter la barre des 3% du déficit public imposée par la commission de Bruxelles.Comme on le voit, les chantiers d'une véritable réforme de la fiscalité sur le revenu sont nombreux mais Emmanuel Macron ne fait pour l’instant aucune proposition sérieuse pour changer un système fiscal profitant d'abord aux personnes et familles les plus aisées et rapportant de moins en moins...Photo Creative Commons
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