Strike est une nouvelle série de trois épisodes diffusée depuis la fin août sur les ondes de BBC One en Angleterre. Le titre fait référence au personnage principal Cormoran Strike (Tom Burke), un ancien militaire désormais détective privée. Dans cette première enquête, il est contacté par John Bristow (Leo Bill) qui lui demande de faire la lumière sur la mort de sa demi-sœur Lula Landry (Elarica Johnson); un mannequin au faîte de sa gloire. C’est qu’officiellement, elle se serait suicidée, mais la thèse du meurtre n’est pas non plus à écarter. C’est donc en compagnie de sa nouvelle secrétaire Robin (Holliday Grainger) que notre vétéran tente de démêler le vrai du faux concernant les proches de la défunte, ce qui n’est pas une mince affaire. Adaptation d’une série de roman signés Robert Galbraith, le nom de plume de J.K. Rowling, Strike, mis à part un personnage principal intéressant et une sympathique mise en scène peine à nous faire mordre à l’hameçon. C’est qu’avec une enquête aussi classique, on a l’impression de retourner plusieurs décennies en arrière.
Une demi-nostalgie pour la moitié du résultat escompté
C’est la conclusion peut-être trop hâtive de la police qui a convaincu John d’avoir recours aux services de Cormoran. Bientôt, celui-ci parvient à retrouver la trace de Rochelle (Tezlym Senior-Sakutu) qui était la meilleure amie de Lula, mais elle demeure muette comme une carpe, et ce, bien qu’elle ait manifestement beaucoup de choses à cacher. Et voilà que quelques jours plus tard elle est retrouvée sans vie dans sa baignoire par notre détective qui encore une fois doute de la thèse du suicide. Parmi les autres personnages sur qui il enquête, mentionnons entre autres Tanzi Bestigui (Tara Fitzgerald), la voisine de Lula qui a une aventure avec Tony Landry (Martin Shaw), nul autre que l’oncle de la défunte. Sinon, Cormoran a pu mettre la main sur une vidéo de surveillance se déroulant la nuit du crime et il y a cette silhouette masculine vêtue de noir qui rôdait impatiemment devant la demeure de la victime. Mentionnons aussi que Lula, tout juste avant sa mort était à la recherche de sa famille biologique et les rumeurs voulaient qu’elle aurait songé à changer son testament.
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le contenu des livres de cette adaptation, difficile de déterminer à quelle époque Strike se déroule. C’est qu’à en juger par le bureau vide de Cormoran dans les premiers plans et de le voir fumer à l’intérieur porte à confusion. Mais voilà que quelques minutes plus tard on se retrouve devant le poste de travail de Robin, lequel est muni d’un ordinateur dernier cri. Pourtant, autant au niveau du contenant que du contenu, on aime jouer sur cette sorte d’intemporalité. Ainsi, par moments le grain de la pellicule nous fait penser aux films des années 70, tout comme le générique avec sa trame sonore d’abord, mais aussi son écriture jaunâtre et les magasins de disques et guitares devant lesquels passent les protagonistes.
Mais cette signature visuelle « vintage » a beau se démarquer des séries policières concurrentes, c’est lorsque l’on applique la même formule au niveau du scénario que l’on est plus dubitatif. C’est que Strike dans sa première enquête est loin de réinventer le le concept de série policière et au contraire, assume complètement sa complaisance envers les vieux codes du genre au point où les épisodes d’une soixantaine de minute chacun finissent par nous sembler infiniment plus long. Par exemple, lorsqu’on entend Tony Landry dire à Cormoran, l’air grave et le ton menaçant : «« Stay away from the Bestiguis!», musique gravissime en sus, on ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel. Pourtant, on n’aurait nullement la même réaction si des répliques comme celles-ci sortaient de la bouche de personnages issus de roman d’Agatha Christie par exemple parce qu’on associe l’auteure à une certaine époque et ses mœurs, ce qui n’est pas le cas avec Rowling.
Un vrai faux handicap
Il est si courant dans les séries policières d’avoir affaire à des membres des forces de l’ordre tourmentés, désabusés ou carrément déprimés qu’il serait inutile d’en faire l’énumération ici tellement elle serait exhaustive. Mais s’il y a un point où Strike se démarque admirablement, c’est justement dans sa façon d’aborder le handicap dont souffre Cormoran. C’est que lorsqu’il était soldat, il a dû faire face à une embuscade qui lui a coûté la jambe gauche, du moins jusqu’au genou. « Armé » d’une prothèse et portant toujours les pantalons, des gens comme Robin n’est voient que du feu si ce n’est un léger boitement. Pourtant, rester appuyé sur une barre de métal n’a rien de bien confortable et les scènes sont nombreuses où le téléspectateur se retrouve seul avec le protagoniste dans son intimité. Dans la douche, alors qu’il choisit d’uriner dans un verre plutôt que de réinstaller sa prothèse juste pour se rendre aux toilettes : on nous en montre beaucoup, mais sans jamais tomber dans le voyeurisme extrême. Comme le mentionne le réalisateur Michael Keillor en entrevue : « At the same time we didn’t wanna shy away from it, it’s a guy who’s lost his leg in an IED in Afghanistan. It’s so common now, we see these soldiers who have all sorts of different things. It’s in the public mind. » Fait intéressant, jamais on n’entend Cormoran se plaindre de sa condition à quiconque; les images parlent d’elles-mêmes et l’effet est réussi.
En même temps, le handicap du protagoniste ne désavantage nullement le détective qui se sert avant tout de ses cellules grises pour mettre la main au collet du meurtrier. Vers la fin, lorsque celui-ci est démasqué, une bataille éclate entre les deux hommes. À un moment, le malfrat s’agrippe à ce qu’il pense être le mollet de Cormoran et tombe à la renverse avec la prothèse dans les mains, ce qui lui fait perdre le combat! Cette scène, bien que tardive remet en perspective l’état de supposée invalidité du détective qui n’est nullement gêné et qui s’en sert même à son avantage. Robin qui ignorait tout de son état entre à ce moment dans son bureau et fait cesser la bagarre. D’ailleurs, ils ne reparleront jamais du sujet qui devient aussitôt banal. Bref, un exemple télévisuel à suivre concernant cet aspect.
Strike est définitivement un succès pour la BBC puisque son premier épisode a rassemblé en direct 5,5 millions de téléspectateurs, battant même sa principale chaîne rivale ITV qui a dû se contenter de la deuxième place pour l’ouverture de sa seconde saison de Victoria (4 millions). Et en prenant en compte les enregistrements sur une période de sept jours, la série a attiré un auditoire de 7,77 millions, 7,03 le lendemain, un lundi et 7,25 pour sa finale le dimanche suivant. C’est sans conteste un succès d’écoute et de toute façon l’aventure continue puisque dès le 10 septembre, un deuxième roman du détective a été adapté à l’écran intitulé « The Silkworm ». À défaut d’une grande originalité, BBC aura du moins su trouver son public.
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