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Balade autour d'Hurtebise et de Vauclair

Publié le 08 novembre 2007 par Salson

Balade autour d'Hurtebise et de Vauclair Voilà quelques commentaires et un plan d'une marche faite lors de la "Dernière Nuit" (du 15 au 16 avril 2007) et lors de la promenade des Bleuets le 1er juillet.

La situation stratégique d'Hurtebise
Hurtebise est un isthme : c'est l'endroit où le plateau se resserre (voir croquis plus haut). A ce niveau, le plateau n'a pas une profondeur supérieure à 100 mètres. Les défenses allemandes ne peuvent donc s'étendre en profondeur.
L'endroit est marqué, le 16 avril 1917, par plusieurs lieux stratégiques :

  • L'ancien monument en hommage à la bataille de Craonne de 1814 est un point de repère dans le paysage (à proximité de la Caverne du Dragon).
  • Les ruines de la ferme d'Hurtebise sont un deuxième repère. Elles peuvent apparaître comme un abri pour les troupes françaises mais les Allemands y ont implanté un nid de mitrailleuse qui contrôle ainsi le passage de la vallée de l'Aisne (au Sud) vers celle de l'Ailette (au Nord).
  • La Caverne du Dragon est alors occupée par les Allemands. Cette caverne est reliée à l'arrière par un tunnel.

Un rappel sur l'offensive

L'objectif de l'offensive est de rompre le front en concentrant un maximum d'hommes et d'armes sur un point précis du front. L'attaque doit être rapide et massive : le plateau, selon Nivelle, doit être pris en 3 heures. En fait, il ne sera repris qu'à la fin de la guerre...

L'offensive Nivelle a été précédée par une intense préparation d'artillerie censée détruire les premières lignes allemandes. Le paysage est donc complètement retourné. Le temps étant froid et très humide, les hommes marchent dans une boue très instable, les chutes sont très fréquentes.

A 6 heures, les 180000 hommes en première ligne s'élancent à l'assaut du plateau. Au bout d'une heure, les troupes ne parviennent plus à avancer. Les hommes de seconde ou de troisième ligne connaissent le même échec. L'artillerie n'a pas réussi à détruire les défenses allemandes. L'armée allemande a en effet eu le temps de complètement fortifier le plateau depuis septembre 1914. Les Français n'avancent pas sur un terrain favorable : ils sont en contrebas des Allemands.

Les troupes coloniales à Hurtebise

C'est la 10ème division d'infanterie coloniale qui est chargée de prendre Hurtebise. Cette division est commandée le général Marchand rendu célèbre par la crise de Fachoda. Parmi les hommes, on compte un grand nombre d'Africains. Nivelle est en effet décidé à utiliser la "Force noire" tant vantée par son ami Mangin afin, selon les mots de Nivelle, "d'épargner le sang blanc". Ces Africains se sont entraînés sur la Côte d'Azur. Le contraste avec le climat local est violent : il fait très froid en cet avril 1917 et nombreuses sont les victimes de pneumonie et d'engelures.

Le 15 avril au soir, ces hommes montent en première ligne dans la boue, sous le froid et la pluie, avec un sol qui se dérobe sous leurs pieds.

A 6 heure, ils surgissent du plateau mais ils sont très vite pris à partie par la mitrailleuse d'Hurtebise puis par les allemands surgissant dans leur dos, sortant de la Caverne. Les troupes coloniales perdent leurs chefs dans les premières minutes, les soldats sont vite désorientés, incapables de lire un paysage qu'ils ne comprennent pas : on leur tire dans le dos. Ils perdent le contact avec les autres divisions. Nobécourt évoque leur sort dans les Fantassins du Chemin des Dames :

Quand ils étaient arrivés au front au début d'avril, ayant passé l'hiver dans le
midi, tout reluisants dans leurs capotes neuves, le lieutenant du Montée! avait
été frappé par leur regard douloureux. Leurs chaus­sures et le sac les
blessaient, ils paraissaient dépaysés et tristes. Chaque jour, plusieurs étaient
évacués pour enflure des jambes, gelure des pieds ou des mains. Ils étaient
montés en lignes, transis et malheureux, dans les bourrasques de neige et le
vent glacial. Aptes sans doute au choc le plus violent, dociles aux chefs qu'ils
connaissaient et qui les con­naissaient, la mort de ceux-ci ,et une sorte
d'effroi s'ajoutèrent à leur misère physiologique. Rudes guerriers, voire
guerriers féroces, ils ne pouvaient combattre que par temps sec et doux2. Depuis
la veille ils n'avaient absorbé ni liquide ni aliments chauds. Les rafales du
ma­melon de Vauclerc firent le reste. On essaya de les regrouper aux
alen­tours de ce qui avait été " le monument d'Hurtebise " et de les y
remettre au combat. Mais beaucoup de ceux qui survivaient s'enfuirent vers
l'arrière. [...] Trois jours plus tard, il en traînait encore, désorientés et
lamentables, par deux ou trois, sur les routes de environs de Fismes.

Les pertes au 16 avril sont estimés à 150 officiers et 5000 soldats (dont la moitié sont des sénégalais)

Partir d'Hurtebise : de nouveaux repères dans le paysages indiquent les anciens lieux stratégiques. L'architecture du musée marque la présence de la caverne du Dragon. Le monument des Marie-Louise évoque l'ancien monument, une nouvelle ferme a été reconstruite à l'emplacement de l'ancienne. Remarquer la plaque qui évoque le Chemin des Dames pendant la Seconde Guerre mondiale.

Suivre la route qui plonge dans la forêt de Vauclair. Au bout de quelques mètres, quitter la route pour descendre la pente. Attention, la pente est raide et quand le terrain est boueux, la chute est vite arrivée.

Continuer le sentier. Remarquer qu'à mesure qu'on s'éloigne du plateau les traces de bombardement sont plus fréquentes.

Tourner à gauche pour regagner la route. Suivre la route pendant quelques mètres puis prendre à droit le sentier balisé.

Après avoir de nouveau tourné à gauche, remarquer les traces laissées par les anciennes batteries allemandes.

    L'utilisation massive de l'artillerie marque une modernisation de l'art de faire la guerre mais surtout marque un degré supplémentaire dans les violences faites au corps et au psychisme du soldat. L'artillerie prend en effet une ampleur considérable : on passe de 300 pièces d'artillerie lourd en 1914 à 5200 en 1918. Les progrès techniques sont rapides : canons tirant plus rapidement (ex. 75), avec des projectiles plus dévastateurs (shrapnels), voire obus chargés de gaz. Le nombre d'obus tombés sur le secteur du chemin des Dames est estimé entre 30 et 50 millions !

En continuant le sentier, on remont à l'assaut du plateau. Sur le plateau les vestiges de la guerre sont plus nombreux encore : vestiges de boyaux, de tranchées... Le plateau prend à cet endroit le nom de plateau de Vauclair.

    Ici, c'est la 162ème division d'infanterie (elle comprend le 127ème, le 327ème et le 43ème régiment d'infanterie) qui est chargée de nettoyer le plateau. Cette division est originaire du Nord. Emile Carlier, téléphoniste au 127ème RI fait le constat suivant entre le 17 et e 20 avril :
Notre offensive paraît avoir complètement échouée. Toutes les tentatives tentées
pour la reprendre avec efficacité restent sans résultats. Somme toute, et il
faut le reconnaître, on n'a pas percé. Pour gagner quelques centaines de mètres
de terrain et ramasser un butin insignifiant en matériel et en prisonniers, nos
trois régiments ont subi d'effroyables pertes et que dire des souffrances et des
fatigues surhumaines imposées aux combattants ! " C'est pire que dans la
Somme ! " me disent ceux de mes camarades qui viennent des premières
lignes, et dont la vue nous arrache des larmes. Ils sont couverts de boue des
pieds jusqu'à la tête, hâves, hirsutes, la capote déchirée par les fils de fer
barbelés, mourant de faim et dévorés par la soif, ayant à peine le force de se
traîner.

Les pertes au soir du 16 avril s'élèvent à 37 officiers et 1538 soldats.

Pour le retour suivre la route jusqu'à Hurtebise. On peut alors méditer la phrase de Dorgelès :

" Cinquante mois on se l'est disputé, on s'y est égorgé et le monde anxieux
attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi. Ce n'était que
cela, ce chemin légendaire : on le passe d'une enjambée... Si l'on y creusait, de
la Malmaison à Craonne, une fosse commune, il la faudrait deux fois plus large
pour contenir tous les morts qu'il a coûtés. Ils sont là, trois cents mille,
Allemands et Français, leurs bataillons mêlés dans une suprême étreinte qu'on ne
dénouera plus, trois cent mille sur qui des mamans s'étaient penchés quand ils
étaient petits, trois cent mille dont de jeunes mains caressèrent le visage.
Trois cent mille morts, cela fait combien de larmes ? "

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