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Comme si la France n'était pas déjà ouverte à l'immigration

Publié le 29 juin 2008 par Roman Bernard
En attendant d'avoir terminé - demain j'espère - mon très long commentaire de Qu'est-ce que l'Occident ?, de Philippe Nemo, je vous invite à lire l'article de René Foulon sur l'immigration clandestine, excellemment écrit, ce qui prouve que l'on peut être libéral et libre-échangiste tout en faisant honneur à la langue et à la culture françaises, ce dont j'ai, pour ma part, longtemps douté avant de réaliser l'absurdité de cette idée saugrenue. Je reproduis ci-dessous le commentaire que j'ai laissé en réaction à celui de Mathieu L, pour lequel la France doit s'"ouvrir" à l'immigration (elle y était fermée avant ?) notamment en raison des bénéfices culturels qu'elle devrait, selon lui, en retirer. Il cite les exemples, contestables, de la Chine, du Japon et des Etats-Unis.
Pour la Chine et le Japon, l'exemple a plutôt valeur de contre-exemple : si leur ouverture a effectivement coïncidé avec leur retour dans le concert des nations (ère Meiji pour le Japon à partir de 1868, présidence de Deng Xiaoping pour la Chine), il ne s'est pas accompagné d'une immigration massive comme en Europe. Vous parlez d'une immigration croissante, mais elle reste, malgré tout, très marginale dans ces deux pays.
Les étrangers au Japon et en Chine le demeurent. Peu nombreux, ils restent souvent entre eux, ce qui n'est pas à proprement parler un modèle. Ils s'y établissent, du reste, rarement à vie. Ajoutons que les étrangers au Japon et en Chine sont pour la plupart formés, éduqués, et qu'ils apportent ainsi une compétence technique.
En Europe, c'est l'exact inverse, et encore une fois, c'est parce que les Européens rechignent à faire des travaux qu'ils jugent dégradants et s'en déchargent sur les immigrés, notamment clandestins. On ne peut donc pas, j'en conviens, en accuser ces derniers, mais constater ce fait.
Je crois donc que l'analogie est non seulement erronée, elle est idéologique et s'inscrit pleinement dans le courant immigrationniste, qui réunit curieusement le MEDEF et les partis, syndicats et associations de gauche et d'extrême-gauche. Courant dont la pensée est dominante.
Il suffit d'un peu de lucidité et de bonne foi pour récuser l'argument facile et inexact selon lequel "l'immigration est une chance",alors qu'on voit mal ce qu'apportent - et ce que retirent - des immigrés cantonnés au chômage et aux petits boulots, sans évolution notable dans le temps.
Votre argument, d'ailleurs, selon lequel la France ne serait pas assez ouverte au monde ne tient pas la route. Non seulement si on la compare aux autres pays européens : la France compte les premières communautés musulmane et noire d'Europe, très loin devant le Royaume-Uni et l'Allemagne que l'on cite à tort comme exemples. Si on compare avec le reste du monde, c'est encore plus manifeste : même le Canada, que l'on présente comme une réussite (très relative, je puis en témoigner), accueille en proportion bien moins de migrants que la France et que les principaux autres pays d'immigration européens.
D'ailleurs, au Canada comme dans tous les pays anglo-saxons (Etats-Unis et Royaume-Uni compris), l'immigration est bien plus diverse qu'en France (où elle est ultra-majoritairement maghrébine et subsaharienne), ce qui facilite grandement l'intégration. L'atomisation des immigrés et certes un facteur de communautarisme, mais elle force davantage ces communautés à s'intégrer.
Sur la nécessité, en effet, d'avoir des jeunes pour travailler, payer les retraites et les cotisations sociales (qu'il conviendrait, soit dit en passant, de réduire), pourquoi faire venir ces jeunes de l'étranger et ne pas les faire nous-mêmes, avec une véritable politique nataliste, c'est-à-dire familiale et non plus sociale ? Et, à cet égard, cessons de vanter la natalité française : avec un peu plus de deux enfants par femme, le seuil de renouvellement des générations (2,1) n'est même pas atteint. Elle ne paraît exceptionnelle que dans la mesure où elle se distingue dans un contexte européen catastrophique, avec des démographies allemande, italienne, espagnole et est-européenne marquées par une décroissance pour le moins préoccupantes.
Ce qui m'amuse, dans votre propos, proche de celui de Jacques Attali, c'est que vous parlez comme si la France n'avait jamais accueilli d'immigrés et qu'elle était réticente à le faire.
Comme si la France était fermée au monde alors que, comme toutes les économies européennes, elle est l'une des plus libre-échangistes du monde, bien plus que le Japon et la Chine, et même les Etats-Unis, qui sont très protectionnistes.
Vous présentez, en somme, vos idées comme si elles n'étaient pas déjà en vigueur depuis trente à quarante ans. Les résultats ne sont pas fameux.
Au plan culturel, c'est même un échec flagrant, puisque les immigrés et leurs enfants restent à un niveau d'éducation et de formation faible : inutile d'essayer de justifier cela par les "discriminations" : les rares jeunes descendants d'immigrés qui réussissent leurs études n'ont pas plus de difficultés que les jeunes d'ascendance européenne (qui, tous, ont du mal dans cette économie ankylosée par l'étatisme). Il faudrait plutôt parler du fossé culturel entre ces populations et les Français dits "de souche", qui n'a pas été comblé par une volonté des premiers de s'assimiler à la culture française (il faut dire qu'on ne les y a guère incités) ni par une acceptation des seconds de se mélanger avec les nouveaux venus et leurs enfants. S'il y a un aspect culturel de l'immigration à évoquer, c'est plutôt celui-là.
Et je me vois donc obligé de contester votre vision des choses que je ne puis qualifier que d'angélique. Surtout vue la "solution" que vous prônez : s'ouvrir au monde et donc à l'immigration (ce n'est pas déjà le cas ?), "faire" l'Europe (je ne vois pas en quoi cela résoudra les problèmes d'intégration, plus faciles à régler dans des nations unilingues que dans un ensemble multiculturel), et "oublier l'époque où [la France était] la troisième puissance mondiale" (comme si les Français, hédonistes et égotistes, étaient nostalgiques de leur gloire déchue). En fait, vous proposez de continuer ce qui a échoué depuis trente ans.
Roman Bernard
Criticus est membre du Réseau LHC.

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