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la démocratie selon Jean-Pierre Jouyet : “les Irlandais doivent revoter”

Publié le 21 juin 2008 par Kamizole

jean-pierre-jouyet.1213515389.jpgLa démocratie est sans doute le gouvernement du peuple par le peuple mais c’est bien connu : le peuple a toujours tort. Nicolas Sarkozy s’est bien gardé de nous consulter à nouveau par la voie référendaire… A se ficher de notre gueule, il ne s’en prend pas moins un coup de pied au derche… Sur le plan international, qui plus est. Parce qu’il attendait les 6 mois de la présidence européenne comme son heure de gloire et que toutes les talonnettes du monde ne l’empêcheront pas de glisser sur cette peau de banane.
Je suis restée baba quand j’ai lu l’article de “20 minutes” : «Traité de Lisbonne: «pas d’autre solution» qu’un nouveau vote des Irlandais»… On nous ressort encore une fois le fameux “plan B” ou plutôt son absence… De toutes façons, Barroso est un âne bâté qui n’est pas capable d’avoir deux idées en même temps dans le têtiau et comme il est plutôt du genre “idéfix” - ultralibéral en diable : bravo les ex-maoïstes ! - il est bien incapable de concevoir pourquoi les peuples, quand on daigne les consulter, s’opposent farouchement à cette idée de l’Europe qui est si contraire à leur destin.
Une fois n’est pas coutume, je partage l’avis de François Bayrou (en général pertinent sur les questions de démocratie) qui analyse bien le rejet de l’Europe telle qu’elle s’est construite et les perspectives promises : François Bayrou à 20minutes.fr : «Quand ils ne comprennent pas, les peuples votent non». J’avoue avoir eu un moment de méfiance en lisant ce titre : François Bayrou mépriserait-il le peuple. Heureusement non, bien au contraire : «Il est temps de regarder les choses en face. Un fossé s’est creusé entre les peuples européens et les institutions. Ce fossé est devenu un gouffre. À Lisbonne, on a voulu éluder les questions essentielles. Mais les peuples veulent avoir leur place dans les décisions et savoir ce qui se décide en leur nom. Ils n’acceptent pas que l’UE soit seulement un projet commercial qui ne parle que de concurrence.» (…) «Au lieu de faire les sourds, il faut répondre aux questions que les peuples se posent : comment protéger leur identité, leurs valeurs, leur projet social…»
Tout est dit. C’est la même Europe (cette “grosse” Commission) qui accepte de laisser rentrer les poulets américains “javellisés” (tout ça parce que le Commissaire en charge de ces questions fait partie d’un Comité d’amitié Europe-Etats Unis et qu’il l’a “promis” à ses amis américains ! Ben voyons… encore un roitelet de pacotille !) et s’apprête à faire passer dans la loi européenne la possibilité de faire travailler jusqu’à 48 h par semaine, voire 60 heures et même au-delà !
Voilà pour les derniers avatars de l’ultralibéralisme européen… Comment voudriez-vous que les peuples l’acceptent sans moufter si la question leur est posée ?
On dira certes que la population des nouveaux Etats membres n’a pas de telles réticences. Ce serait oublier qu’ils ont vécu 45 ans sous la férule communiste ce qui n’aide pas précisément à développer l’esprit critique et qu’ils n’ont de surcroît que l’argent facile en tête. Pour eux, l’Europe n’est qu’une vaste zone de libre échange dont ils n’espèrent que des avantages sonnants et trébuchants.
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes - ministre d’ouverture qui fut, paraît-il, fort ami de Lionel Jospin ! - n’a pas les même réticences que François Bayrou, et disons le tout net : aucune préoccupation en matière de démocratie ! Ce n’est pas en effet un ancien haut fonctionnaire pour rien.
Qu’il fût, prétendument de gauche n’y change pas grand chose. La plupart de ces gens-là n’éprouvent que le plus profond mépris pour le peuple… des “incapables majeurs” qui doivent être tenus en tutelle perpetuelle.
Cela n’est guère nouveau, c’était s’il m’en souvient le propos du Docteur Benassis (donc l’idée soutenue par Balzac - il faut d’ailleurs lire “les paysans” pour avoir une idée exacte de son mépris !) dans “Le médecin de campagne” où sont développées les thèses physiocrates. J’ajouterai que le mépris pour les femmes y est encore plus flagrant.
Or que dit Jouyet ? «Il faut que le processus de ratification aille jusqu’à son terme (…) et pendant ce temps-là laisser le temps de la réflexion aux Irlandais, savoir si moyennant quelques médiations ou une demande de leur part ils peuvent revoter.» «Il est trop tôt pour savoir ce qu’ils vont nous demander» (…) et que l’on «se mette d’accord avec les Irlandais sur une demande a minima qui ne rouvre pas (le dossier des institutions)»
Technocrate pur jus, à aucun moment il n’a d’égard pour les raisons qui poussent les Irlandais à opter pour le “non” (dans une proportion semblable à celle des Français en 2005). il n’envisage que quelques concessions qui n’ont au demeurant guère de retentissement sur la vie des Irlandais : exonération des obligations dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense…
Remettre en cause toutes les dérives ultralibérales, l’opacité de la prise de décisions, le manque de démocratie flagrant… Vous n’y pensez pas. Et c’est bien pourtant ce qui irrite les peuples : que l’on décidât de tout, de très loin, et dans le moindre des détails de tout ce qui fait leur vie quotidienne.
On a souvent parlé, avec raison, du “déficit démocratique” de l’Europe. Cela ne fait que s’aggraver tous les jours. A côté de la Commission européenne, le “polit bureau” de l’ex-Urss finira par ressembler à une aimable structure.
Et ce n’est sûrement pas en espérant “pédagogiser” les peuples à l’ultralibéralisme qu’on les convaincra des bienfaits de cette Europe : en effet, c’est précisément parce qu’ils ne comprennent que trop bien le projet de cette clique ultralibérale en diable qu’ils font autant de résistance !


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