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Ports du Nigéria : un combat contre le capitalisme de copinage

Publié le 22 septembre 2017 par Unmondelibre
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Les lois sont instituées pour encadrer les individus dans leurs interactions avec les autres dans un environnement donné. Ce cadre juridique est le socle des politiques publiques (sociales, économiques, etc.) visant au progrès. Lorsque le développement n’est pas au rendez-vous dans une société, C’est le plus souvent dû à l'incapacité d'appliquer efficacement les lois et à mettre en œuvre des politiques publiques pertinentes.

La corruption progresse lorsque les personnes en charge du respect des lois, relatives à la responsabilisation et à la transparence des finances publiques, sont soit elles-mêmes compromises, soit manquent de courage pour assumer leurs responsabilités en dénonçant les mauvaises pratiques. Cette tendance illustre la culture du capitalisme de copinage (crony capitalism) qui a caractérisé l'administration et la gestion portuaires au Nigeria depuis plusieurs décennies à travers l'Autorité portuaire nigériane (NPA).

Depuis sa nomination en juillet 2016, en tant que plus jeune et première femme directrice générale de la NPA, Hadiza Bala-Usman a attiré les éloges pour son dynamisme dans la mise en route de diverses réformes visant à améliorer l'efficacité et la rentabilité de l'agence portuaire. En effet, rn tant que militante des droits de l’homme, elle fournit de nombreux efforts courageux pour mettre fin à une flotte de contrats portuaires guidés au fil des ans par des intérêts particuliers en connivence avec des politiques influents.

Le dernier épisode dans le feuilleton des réformes de Hadiza Bala-Usman au NPA a été la résiliation de l'accord de joint-venture entre la NPA et un consortium dirigé par Niger Global Engineering et Technical Company Limited, pour non-respect de la loi sur les marchés publics au Nigéria. Le contrat, qui a été conclu en janvier 2013 pour le dragage du canal de Calabar, a été signalé par le Bureau des marchés publics comme une flagrante violation des lois applicables à l'attribution de contrats par les entités publiques.

Les partenariats public-privé qui ne sont pas encadrés par des procédures de passation de marché claires biaisent la concurrence des entreprises, une condition préalable à l'efficacité et à la croissance. Lorsque le gouvernement, sous quelque forme que ce soit, sert des intérêts spéciaux privés, comme l'illustre le capitalisme de copinage, le produit est rarement un catalyseur du développement économique et un vecteur de répartition équitable des richesses et des ressources au bénéfice du peuple. Le contrat de joint-venture dûment résilié entre la NPA et Niger Global Ltd ne n’est malheureusement pas une exception.

Conformément à la lettre portant la décision de la direction de la NPA de résilier le contrat, le consortium dirigé par Niger Global Ltd, en tant que partie prenante à l'accord de joint-venture n'a pas respecté les dispositions de la Loi sur les marchés publics de 2007. En conséquence, le maintien de l'accord était incompatible avec la loi en vigueur au Nigéria..

Comme l’a révélé l'enquête menée par les journalistes, Niger Global Ltd a réussi à s’adjuger le contrat de 26 milliards de Nairas en dépit de son incapacité à concourir. Pour cela, elle s’est acoquiné avec des politiciens qui ont biaisé le processus de sélection en cours à travers lequel six entreprises internationales et locales réputées avaient été présélectionnées. Un ancien président de la société, qui préside maintenant un comité sénatorial puissant, a prétendu avoir utilisé sa relation avec le ministre des Transports de l’époque pour obtenir une approbation présidentielle illégale. L'énormité de l'affaire a incité le Directeur général du Bureau des marchés publics, Emeka Ezeh, à rédiger une note de service à l’attention du Président indiquant l'illégalité de l'arrangement. Il a également souligné le fait que le contrat contenait des termes douteux et désavantageux pour l'intérêt financier de la NPA et a indiqué que le contrat devait être résilié.

Ce cas illustre le capitalisme de copinage dont l’impact sur le développement est majeur. Dans le cas d’espèce, le contrat coûtait déjà aux contribuables nigérians 12,5 millions de dollars en paiement direct perçus par Niger Global Ltd du NPA. Il aurait pu coûter 22 millions de dollars supplémentaires si Hadiza Bala-Usman n’avait pas résilié le contrat. Cela dit, le coût affligé à l'économie nigériane du fait de l'échec du dragage correct du Canal de Calabar depuis 2012 est encore plus grand.

Le capitalisme de copinage fréquent jusque-là dans les opérations de la NPA a également entraîné une perte de revenus non quantifiable pour l'économie nigériane. Prenons par exemple le fait que les ports maritimes du Nigéria, qui apprêtent 75% des exportations et des importations, ont généré un chiffre d'affaires de 11,9 milliards de Nairas en 2015 dont la NPA a pu capter 6,9 milliards de Nairas. Cela contraste fortement avec les 118 milliards de Nairas collectés en recettes par la NPA au premier trimestre de 2017. C'est pourquoi la fin de cet accord de joint-venture entre le NPA et Niger Global Ltd est un exploit louable. Selon Hadiza Bala-Usman, la direction de la NPA travaille à mettre fin à d'autres contrats de connivence semblables dans les opérations portuaires du pays.

L'industrie maritime de Singapour représente 7% de son produit intérieur brut évalué à 300 milliards de dollars. Une simple projection laisse présager de l’impact des revenus portuaires dans un énorme pays tel le Nigeria. Ainsi, il est important de soutenir à fond le courageux combat de Hadiza Bala-Usman à la NPA !

Arenyeka Peter est analyste pour Africanliberty.org – Article initialement publié en anglais par African Liberty – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 22 septembre 2017.


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