La grande exposition de Piet Mondrian qui se tenait dans ce merveilleux musée qu’est le Gemeentemuseum à La Haye (Pays-Bas) s’achève maintenant. Cette manifestation, nettement plus importante que celle du Centre Pompidou en 2011 – le musée hollandais possède la plus grande collection de Mondrian – propose des repères à la fois chronologiques et géographiques. L’artiste, en effet, commence sa carrière dans son pays natal mais s’installe dès 1911 à Paris, carrefour du cubisme. Mondrian y entame une réflexion picturale qui, après bien des hésitations et des allers retours, aboutit à l’abstraction.
Séduit par le géométrisme de Picasso ou de Braque, le peintre exécute deux Nature Morte au pot de gingembre, adoptant ainsi le genre favori des deux pionniers du cubisme. Si la nature morte de 1911 respecte encore l’apparence des objets représentés, celle de 1912 se présente comme un échiquier gris et marron.
La même année, Mondrian reprend sa fameuse série d’arbres, et, tout en maintenant une vision organique et figurative, s’inspire de la leçon récente du cubisme. Ainsi, dans L’arbre gris de 1912, la structure morphologique de l’arbre est traduite en un jeu rythmique de lignes. Avec Pommier en fleurs (1912), seule la ligne courbe suggère encore un contour végétal : la forme générale a entièrement perdu la mémoire de l’objet. La gamme de couleurs se réduit aux nuances employées par le cubisme : vert, ocre et gris.

En 1914, Mondrian rentre au Pays-Bas, et ne se réinstallera à Paris qu’à la fin de la guerre. Il adopte dès lors un langage pictural minimaliste, où la disjonction entre les couleurs et les lignes aboutit à des toiles structurées uniquement à partir de signes élémentaires. Une mise à nu intégrale de la peinture, un strip-tease qui démystifie l’emballage de la représentation figurative. Composition avec plans de couleurs (1917), constituée de simples rectangles sans contours soulignés, annonce les papiers découpés de Matisse.
1917 sera également une année déterminante dans l’activité théorique du peintre. La création de la revue De Stijl lui permet d’exprimer sa pensée, indissociable de sa pratique. Mondrian mène une réflexion qui, bien que complexe, parfois ésotérique, précise sa vision plastique du monde.
Vision du monde, en effet, car les lois du néoplasticisme – le nom qu’il donne à son art – impliquent une pensée globalisante. Les contraintes rigoureuses qu’il impose à sa peinture (couleurs primaires, lignes en angle droit, refus de toute symétrie), préfigurent les moyens qui devront être mis en œuvre dans la transformation future de la réalité.

Itzhak Goldberg
La découverte de Mondrian Gemeentemuseum, La Haye
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