Liar est une nouvelle série de six épisodes diffusée depuis la mi-septembre sur les ondes d’ITV en Angleterre. L’enjeu comme son titre l’indique est de découvrir justement qui ment. C’est qu’un soir Laura Nielson (Joanne Froggatt), une institutrice et Andrew Earlham (Ioan Gruffudd), un médecin sont allés manger ensemble : un premier rendez-vous. Le lendemain, elle dit s’être faite violer tandis que lui nie tout en bloc. Mais c’est lorsque ces accusations se retrouvent dans la sphère publique que l’enquête dérape ; et ce sont les deux principaux intéressés qui auront à en souffrir. Écrite par Harry et Jack Williams qui nous ont auparavant tenus rivés à notre écran avec deux saisons de The Missing, Liar est tout simplement addictive dès le premier coup d’œil. C’est qu’en plus d’avoir droit à une excellente performance de la part des deux acteurs principaux, il y a aussi cette notion de points de vue qui ne cesse de nous tarauder. En effet, alors qu’on ne demande qu’à faire confiance à l’un d’eux, ça s’avère manifestement impossible, mais au moins très divertissant.
Titre au singulier
La série s’amorce et Laura vient tout juste de se séparer d’un commun accord avec Tom (Warren Brown), un policier avec qui elle souhaite cependant continuer à entretenir des relations amicales. Quant à Andrew, il y a des lunes qu’il n’est pas allé à un rancard. C’est d’ailleurs Katy (Zoë Tapper), la sœur de Laura qui les pousse à se rencontrer. La soirée semble bien se dérouler, mais le lendemain, cette dernière est à l’hôpital à passer des tests médicaux et dénonce ensuite son agresseur aux détectives Rory Maxwell (Danny Webb) et Vanessa Harmon (Shelley Conn). Andrew tombe des nues lorsqu’il prend connaissance des accusations qui pèsent contre lui et il affirme que leur relation sexuelle était à 100 % consensuelle. Puis, estimant que l’enquête ne déroule pas assez rapidement, Laura partage son drame sur les réseaux sociaux, ce qui n’arrange évidemment rien sinon qu’on peut y lire des commentaires des plus extrêmes. Ensuite, la police se met à fouiller dans leur passé et ne tarde pas à découvrir quelques squelettes chez lui et chez elle.
Si l’on se fie au titre, un seul des deux ment, mais la force de Liar est justement de nous montrer les deux points de vue, un peu comme le concept de The Affair sur Showtime. Toutefois, après deux épisodes, on a tendance à se ranger du côté d’Andrew. C’est que son témoignage des événements est beaucoup plus précis que celui de Laura qui dit ne plus se rappeler clairement de ce qui s’est passé, soit parce qu’elle a été droguée, soit parce qu’elle a été traumatisée. Toujours est-il que ces accusations de viol sur son profil entachent considérablement sa réputation au point où il doit s’arrêter de travailler pour un temps. Pire encore, il doit subir une descente des forces de l’ordre. C’est que la veille, Laura s’est introduite illégalement dans son domicile et en fouillant, elle semble être tombée sur une certaine drogue. Elle convainc par la suite Tom d’y envoyer un corps policier, mais le flacon contenait de l’insuline, rien de plus.
En revanche, il nous est plus difficile d’éprouver de la sympathie envers Laura. L’acharnement de l’institutrice frôle l’obsession et comme le lui dit Vanessa : « Right now, you’re your own worst enemy. ». On a de plus deux autres raisons de se méfier d’elle. Dans un premier temps, après qu’elle ait confessé à sa sœur avoir été violée, le mari de cette dernière, Liam (Richie Campbell) s’exclame : « Do the police know what happened last time? » et Katy de répondre : « Why should they? » Ensuite, c’est un certain Denis Walter (Peter Davison) qui appelle Andrew lui disant qu’il a des informations qui pourraient l’aider dans son dossier contre Laura.
En même temps, la caméra nous montre celle-ci très perturbée le lendemain du supposé viol et s’il ne s’agissait que de vengeance (et pourquoi d’ailleurs ; ils ne se connaissaient pas avant) elle n’aurait pas cette réaction. Enfin, quel est son intérêt de mentir et de voir sa vie privée étalée au grand jour ? Il y a forcément anguille sous roche. Justement, la femme d’Andrew est morte il y a quelques années : elle a commis un suicide. Et d’après les ragots, le couple ne filait pas le parfait bonheur.
Donc, après deux épisodes enlevants de Liar, il est toujours très difficile de démêler le vrai du faux. Le fait aussi que Katy ait eu une aventure avec Tom est loin d’être anodin. Pour le moment, le plus gros défi de la série est de nous arriver avec une finale autant déstabilisante que plausible. Par exemple, une Laura prise de folie le soir du drame serait totalement grotesque, mais les frères Williams ne nous ont pas déçus par le passé, ce qui est de très bon augure.
85 000…
À en croire la série, c’est le nombre de femmes violées par année en Angleterre et c’est dans seulement 5 à 7 % des cas que les accusations aboutissent à une condamnation. Si les chiffres sont pour le moins décourageants, le fait d’en parler de plus en plus, lui, l’est beaucoup moins. En effet, après une salve de drames d’époque puis une tendance à la recréation d’histoires criminelles ayant secoué l’Angleterre, le thème du viol semble être la nouvelle vague des fictions britanniques. Ça a commencé en janvier avec Apple Tree Yard dans laquelle une femme évitait dans un premier temps de dénoncer son agresseur de peur que sa famille découvre qu’elle avait aussi un amant. En juin, dans Broken, on avait un prêtre catholique qui avait été molesté dans sa jeunesse par un instructeur qu’il osait confronter après tant d’années. Plus ou moins aux mêmes dates, c’était un homme dans Fearless (ITV cette fois) qui avait été accusé puis condamné à tort d’avoir violé puis tué une jeune femme. Ce « thème » a cependant trouvé son apogée quelques mois plus tôt avec Three Girls, inspirée d’un fait vécu qui relatait le combat s’étalant sur plusieurs années de trois adolescentes pour faire incarcérer leurs agresseurs. Alors que Liar se démarque de ses contemporaines en nous donnant les versions masculines et féminines ainsi que les conséquences de cet acte, chacune des autres séries apporte de l’eau au moulin et force le dialogue, ce qui est le but ultime d’une fiction de qualité.
Le premier épisode de Liar a connu un très bon départ avec 4,75 millions de téléspectateurs et a aussi fait des gains en deuxième semaine, frôlant presque les 5 millions en auditoire. Le délaissement progressif de Rellik présenté dans la même case horaire sur BBC One y est sûrement pour quelque chose. Sinon, les Américains auront aussi bientôt la chance de découvrir la série qui atterrira sur SundanceTV le 27 septembre.
Publicités