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Reality show (L. Beinhart)

Publié le 27 septembre 2017 par Despasperdus

« Les militaires n'ont compris que la moitié de l'idée. Or, le concept doit être appréhendé dans son entier : il ne s'agit pas de gagner la guerre sur le champ de bataille et dans les médias, il s'agit seulement de gagner la guerre dans les médias. On peut perdre sur le champ de bataille. Si on gagne dans les médias, on a gagné. La guerre n'est pas partiellement un événement médiatique. Elle est complètement un événement médiatique. »

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Quel rapport entre une star du cinéma, un génial cinéaste d'Hollywood, un ancien GI spécialisé dans la sécurité des biens et des personnes, un ouvrier noir depuis peu au chômage, le principal conseiller de la maison blanche et le président des Etats-Unis ?

« Bush, qui avait consacré toute sa vie à son objectif, avait calqué tous ses choix sur les sondages, avait toujours fait, pensé, ressenti ce que l'opinion voulait qu'il fît, pensât, ressentît, craignait aujourd'hui d'avoir raté la dernière marche et de pédaler dans le vide. Aucune de ses initiatives n'aboutissait au résultat escompté. Tous les conseillers, chefs de cabinets, factotums, experts (…) n'étaient que des ringards, des mouches du coche qui patinaient dans le ketchup sans faire avancer d'un pouce la seule question importante : sa réélection. »

Il y a d'abord l'éminence grise du président des Etats-Unis qui n'a plus que quelques minutes à vivre, mais suffisamment pour donner à son successeur une enveloppe et sa dernière consigne. Cette enveloppe ne devra être ouverte et son contenu lu qu'en cas de force majeure.

Bien entendu, le nouveau sherpa ne respectera pas sa promesse. Il lira la note secrète et la donnera au président. Le plan imaginé par le défunt est d'un cynisme absolu ! Inimaginable, sauf si la situation du président est politiquement désespérée… Un chef d’œuvre diabolique !

« Ils dégraissent, chez General Motors. Les enfoirés. Attention, ils virent pas le patron et les cadres, faut pas se gourer, ils virent les nègres et les péquenots de la chaîne. Depuis combien de temps je construis des Chevrolet ? Depuis combien de temps je construis et j'achète américain ? Combien d'années, Joe ? Hein ? Les enfoirés. »

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Il y a aussi une star qui se demande pourquoi le tournage d'un film a été annulé. Elle sent qu'elle dérange. Elle prétend se sentir en danger. Aussi, loue-t-elle les services d'un agent de sécurité qui s'occupera officiellement de sa sécurité… et qui mènera discrètement son enquête pour connaître la véritable raison de l'annulation du film. Quant à l'employeur de l'agent de sécurité, il surveillera de près le travail de son propre agent à la demande de la maison blanche...

« La propagande en Amérique est infiniment plus fructueuse qu'on ne le pense généralement. Elle fonctionne sur le non-dit, l'impensable. Son invisibilité même est sa force : il est impossible de contre-attaquer l'inaction. (…) En règle générale, il faut feindre de prouver ce que les gens veulent croire par avance et justifier ce qu'ils sont déjà prêts à faire. »

Enfin, il y a le réalisateur qui a reçu une commande spéciale, si particulière qu'elle devra rester secrète. A lui d'écrire un scenario où, hormis le président et son conseiller spécial, les citoyens américains et alliés n'auront même pas conscience d'être manipulés comme des marionnettes, tant les raisons d'entrer en guerre leurs paraîtront évidentes.

Vous l'aurez deviné, Reality show de Larry Beinhart est un thriller machiavélique qui mêle fiction et l'histoire, celle de la première guerre du Golfe qui ne fut, peut-être, qu'une énorme farce hollywoodienne de manipulation de l'opinion américaine pour assurer la réélection de Bush père.

« La guerre effaçait la critique sociale. Un nouveau consensus unissait l'Amérique d'Hollywood. Il était entendu une fois pour toutes que la nation était fondamentalement… sympa. Il n'y avait ni manifestations ni doléances dans la sympathique Amérique. Et voilà le travail. Emballez, c'est pesé. Le client ne désirait rien d'autre. La guerre n'était qu'un moyen de parvenir à une fin, et la fin idéale était celle de la Seconde guerre. Telle était l'Amérique que voulait Bush : les riches étaient respectés, les banquiers étaient de braves types, personne ne râlait, même les basanés étaient sympas, et les bonnes femmes fermaient leur gueule. »

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Un roman surprenant à plus d'un titre et passionnant.


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