Magazine
On a retrouvé Christopher Knight. A vrai dire on ne le recherchait plus vraiment.C’est juste que l’homme des bois marchait sur l’autoroute quand il s’est fait chopper. L’autoroute ! C’est là que tout a commencé
Et si le sens originel de l’écologie est que l’impact de l’homme sur la nature soit proche du zéro absolu, alors Christopher Knight en est un exemple intéressant.
Un beau jour de 1986, Christopher Knight, un jeune homme sans histoire monte dans sa Subaru et roule un peu au hasard sur les routes des États-Unis. Alors qu'il est dans le Maine, plus d'essence, plus un dollar en poche. Il abandonne sa voiture et s'enfonce dans la forêt. Il va y rester 27 ans, vivant dans un campement de fortune, à quelques kilomètres des premières habitations, sans que personne, jamais, ne soupçonne son existence. Il a commencé son "ermitage" sous Ronald Reagan, sous la présidence de RR pas sous le bureau de Ronald Reagan, et ne sera repéré que bien plus tard. En un peu plus d'un quart de siècle, il n'aura échangé qu'un seul mot avec un randonneur croisé par accident: "Bonjour". Pourtant, Christopher Knight n'a rien d'un fou. "L’homme le plus solitaire du monde" était d'une prudence de Sioux: dans la forêt, pour ne laisser aucune trace, pas même une brindille cassée ou une herbe aplatie, il se déplaçait en sautant de rocher en branche d'arbre, en une sorte de "marelle" invisible. L'hiver, très rigoureux dans le Maine, il n'a jamais fait un feu, de peur d'être repéré par la fumée, quitte à se relever plusieurs fois par nuit pour marcher et éviter la mort par le froid. Christopher Khight s'était installé un campement derrière des rochers, au milieu d'une forêt inextricable, où aucun chasseur ne s'aventurait jamais. Quelques bâches, une tente, un matelas, une installation au gaz pour cuisiner, le tout parfaitement invisible du ciel -ce perfectionniste était allé jusqu'à repeindre ses pinces à linge en vert pour éviter qu'elles brillent! Son principal trésor: ses lunettes aux montures vintage, qu'il a réussi à ne pas casser durant ces vingt-sept ans... Il pouvait rester des heures à contempler la nature ou le ciel étoilé. Méticuleux, prudent, organisé, "l'ermite du Maine" n'a rien d'un néo-hippie ou d'un idéaliste un peu suicidaire à la Christopher Mac Candless, le "héros" d’into the wild. Il a d'ailleurs traversé cette incroyable épreuve en parfaite santé -pas un rhume en un quart de siècle! En quarantaine de l'humanité, et donc des poignées de mains et des éternuements de ses contemporains, il échappait aux virus et autres bactéries
Mais comment Christopher Knight faisait-il pour se nourrir? Après s'être rasé de près, pour ne surtout pas ressembler à un ermite en cas de mauvaise rencontre, il cambriolait les maisons alentour. On estime qu'il a commis plus de mille cambriolages au total! Toujours des maisons vides, des résidences secondaires délaissées. Il emportait boites de conserves, biscuits, livres (sous la tente, il lisait Shakespeare) et, surtout, piles et lampes de poche pour pouvoir s'éclairer. Souvent, il perpétrait ses vols en canoë, autour d'un lac, ne laissant aucune trace derrière lui. *
L’intérêt de Monique pour l’écologie est un peu différent mais, pour autant, elle est bio à sa manière, amoureuse de la nature et grande amoureuse tout court. Gélules aphrodisiaques biologiques, sex-toys sans phtalates, lubrifiants naturels, préservatifs éthiques garnissent le tiroir de sa table de chevet. Elle a le plaisir parfois solitaire, parfois partagé, mais toujours éco responsable de la planète et n’use sans modération que de cosmétiques érotiques entièrement biologiques. Du baume après fessée aux parfums intimes sans aucune huile de palme mais au karité ou à la cire d'abeille avec des emballages en matières recyclables, Monique Musset ne badine pas avec l’amour de la nature.
L’intersection entre Monique visiteuse de prison et Christopher le taulard se fit au parloir, lieu de rencontre bien mal nommé pour cet homme peu disert.
Ce solide gaillard mutique, une fois tiré de 27 années d’isolement et de quelques mois de placard, promesse tacite d’un tempérament affectueux et d’une libido à mettre à jour, ne risquait pas de lui casser les oreilles avec ses bavardages. Momo en avait un peu marre de ses rendez-vous Meetic et des fadaises qu’elle devait endurer avant de consommer un plat du jour souvent décevant. Avec curiosité elle avait découvert lors d’une rare et brève conversation, la créativité de Chris ajouté à toutes ces qualités. Ce dernier, dans ses longues et manuelles veillées de solitude, avait inventé le vibro masseur à énergie solaire. La disparition des centrales nucléaires ne la dérangeait pas, bien au contraire ! Et tant pis s’il fallait retourner à la bougie pour éclairer son alcôve. A la veillée funèbre de L’EDF, revenant aux candélabres, elle s’était même imaginée un destin à la Mélanie de Brassens pour l’usage érotique des cierges phalliques que cette dernière en faisait. Enfin, Monique, chômeuse de gauche en fin de droit, ne fréquentait plus depuis belle lurette l’institut d’épilation Epil Story et ses gambettes ressemblaient à celles d’une mygale. "Pas de quoi effrayer un écolo" se dit Monique sur le chemin de son rendez-vous avec Cristopher avec dans son sac à main quelques préservatifs éthiques au bilan carbone neutre, fabriqués en Allemagne avec un latex naturel issu de forêts indiennes gérées durablement.
Mais il est temps de conclure cette variante fantasque de l’écologie.
Voici donc Momo et Chris bras dessus/bras dessous se dirigeant 81 rue Ça Urge à l’hôtel clandestin "Aux câlins crapuleux des amants furtifs" avec chacun ses incertitudes délicieuses du premier rendez-vous, son émotion inaltérable de la première fois, sa sensation unique de la découverte dans la couleur de l'osbcurité et le parfum de la vérité. Le bon dosage du respect et de l’initiative, de la réserve et de l’intrépidité, des précautions et de la prudence.
Ah oui, la prudence ! "Surtout penser à replier les panneaux solaires du vibro car, même si Monique est ambitieuse, ça risque de piquer un peu au passage du désir" se dit Christopher en gravissant l’escalier.
....Et les derniers ajustements
-T’as pas peur des mygales, mon grand? Dis Monique.
* source : Jérôme Dupuis l’express du 23/09/2017