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Michaël Fœssel : « Le temps nocturne marque la suspension du jugement »

Publié le 29 septembre 2017 par Les Lettres Françaises

Michaël Fœssel : « Le temps nocturne marque la suspension du jugement »Après un essai brillant consacré à la consolation, le philosophe Michaël Fœssel propose avec La nuit, vivre sans témoin publié chez Autrement dans la belle collection « Les grands mots », une réflexion originale et lumineuse sur la nuit, qui est aussi bien la demeure des poètes que le temps de la fête, du crime, de la flânerie, du labeur. Que cherchons-nous et que trouvons-nous en traversant la nuit ? Qui fait la nuit, comment la faisons-nous et que nous fait-elle ? Quelles promesses retient l’obscurité ? Sommes-nous plus libres la nuit ? La nuit travaille-t-elle avec ou contre le jour ? La nuit est-elle une expérience philosophique ? La nuit a-t-elle des amis, des gardes et des ennemis ? La nuit, prisée par les romantiques, est-elle plus politique qu’elle n’y paraît ? Vivons-nous et regardons-nous autrement la nuit ? Autant de questions que cet ouvrage soulève en croisant les références et en tournant autour d’une pensée singulière, solide, de la nuit.

Nicolas Dutent : La nuit s’impose à tous mais nous l’habitons diversement. Qui sont les différents habitants de la nuit ? La nuit est-elle subie pour les uns et choisie par les autres ?

Michaël Fœssel : Il y a, pour l’essentiel, trois personnages nocturnes : le noctambule, l’insomniaque et le travailleur de nuit. On pourrait dire des deux derniers qu’ils subissent la nuit sous la forme d’une privation de sommeil due à des raisons existentielles ou sociales. Je préfère dire qu’ils sont privés de la nuit comme espace d’altérité. L’insomniaque ressasse les douleurs du jour tout au long de sa veille, le travailleur nocturne est contraint de soumettre ses nuits aux règles diurnes de la productivité. C’est pourquoi le véritable habitant de la nuit me semble être le noctambule. Que ce soit dans la promenade, dans l’errance ou dans la fête, il arpente la nuit afin de faire varier son expérience. La cessation du jour que d’autres recherchent dans le sommeil, le noctambule l’expérimente dans une veille attentive aux promesses du clair-obscur.

On dit que le jour se lève et que la nuit tombe. Que dit ce mouvement et cet imaginaire collectif qui passe par les mots de nos représentations de la nuit ? 

Michaël Fœssel : La nuit est à la source d’une métaphorique qui va des « ténèbres » au « grand soir ». A ce titre, le nocturne est un fait de langage : l’expérience du coucher et du lever de soleil est à ce point universelle qu’elle structure nos manières de parler. Pour une conception un peu naïve des Lumières, le jour a l’avantage : on oppose les aubes pleines d’espérances aux crépuscules mélancoliques. L’avenir est du côté du jour, le passé s’enfonce dans la nuit. J’ai essayé de compliquer ce modèle en montrant qu’il existe un imaginaire de la nuit tout à fait compatible avec les promesses d’émancipation de la modernité. Pour cela, il faut arracher la nuit à l’image romantique des « ténèbres » qui l’associe à la mort et au néant. Même dans le récit de la Genèse, les ténèbres précèdent la nuit : elles désignent un espace indistinct antérieur à la création du monde, donc au partage entre le jour et la nuit. Au sens strict, il n’y a pas de « nuit noire » car l’expérience nocturne est toujours traversée par des couleurs et des lumières qui lui sont propres. Elle est aussi faite de luttes, de contestations des pouvoirs établis et d’utopies concrètes. Je pense en particulier à cette « nuit des prolétaires » dont parle Jacques Rancière à propos des ouvriers saint simoniens du XIXe siècle qui se réunissaient après le coucher du soleil pour expérimenter d’autres régimes de temporalité que ceux du travail et du sommeil.

La nuit nous plonge physiquement dans l’obscurité, obscurité qui varie selon les lieux, les récits et les hommes. « Profitant de la pénombre, le spectateur nocturne voit sans être vu » remarquez-vous. Cette obscurité est ambivalente : elle fascine et inquiète tout à la fois. « La nuit fait un pas. Les choses de l’ombre vont vivre » observe Hugo. « Ceux qui s’aiment d’amour n’ont qu’elle pour adresse » loue Aragon. La nuit vient-elle depuis toujours à nous dans ce mélange de crainte et de désir ? 

Michaël Fœssel : L’obscurité nocturne recèle un abri, elle offre la possibilité d’échapper à la prédation. C’est vrai des animaux qui se réfugient dans l’ombre, mais aussi des hommes qui prennent parfois le risque de s’enfoncer dans l’obscur pour échapper aux regards inquisiteurs. La nuit est le temps des brigands, des poètes et sans doute aussi de ceux dont les amours sont condamnées par la société. La difficulté d’y voir clairement ouvre un espace pour l’indulgence. Cela explique pourquoi la nuit réunit tous ceux qui ont quelque chose à cacher, mais ne veulent pas renoncer à leur secret.

« La nuit exige de moi que je m’y livre sans compter » avancez-vous. En ce sens, une nuit pleine est une nuit où le calcul s’absente. « Par toi nous devenons des étoiles consentantes » écrit Supervielle dans un poème que vous étudiez. A quoi consentons-nous lorsque que nous glissons dans la nuit : à la surprise, l’étonnement, l’imprévu, l’inconnu… tout cela à la fois ? Pensez-vous que le discernement guide le jour et que l’indétermination règle la nuit ?  

Michaël Fœssel : La nuit est un espace pour l’indéterminé, donc pour un accroissement de l’horizon des possibles. Le fait d’y voir moins bien sollicite les autres sens, en particulier l’ouïe et le toucher. Or ces sens sont en quelque manière plus « dramatiques » que la vision. On sait bien que, de nuit, le craquement d’un meuble évoque toutes sortes de mystères ou de terreurs. De même, toucher ce que l’on ne peut voir augmente le trouble de la perception. Faute de pouvoir prévoir ce qui advient, le corps s’ouvre à des événements sensoriels qui font du monde autre chose qu’un paysage. Encore faut-il accepter de s’ouvrir à cet imprévu, ce qui est de plus en plus difficile dans des sociétés qui promeuvent la transparence et l’exigence de prévisibilité.

La nuit ne console-t-elle pas, d’une certaine manière, de la constance du jour ? Cherchons-nous dans la nuit la mort de la répétition, la fin de la prudence ? 

Michaël Fœssel : Il est certain que la vie nocturne rompt de fait avec la trinité « métro/boulot/dodo » où le sommeil n’est envisagé que comme une manière de reconstituer la force de travail de l’individu. Comme la nuit est, par ailleurs, associée à l’image du danger, elle rappelle que l’on ne rompt avec les rythmes sociaux sans courir quelques risques. Peut-on dire de la nuit qu’elle est consolante ? Augustin écrivait que Dieu a créé les étoiles pour consoler les hommes de devoir travailler après le coucher du soleil. C’est encore une manière de comprendre la nuit sur le modèle du jour et de sa lumière. Il me semble plutôt que la nuit console parce qu’elle introduit de la variation dans l’expérience, donc qu’elle permet de détourner le regard de ce qui afflige.

La modernité est tentée d’atténuer, de contenir, voire de nier la nuit. « Le désenchantement de la nuit est un fait moderne qui trouve son expression la plus spectaculaire dans les dispositifs d’éclairage public, qui, en Europe, commence à se généraliser au XVIIe siècle » relevez-vous. Vous citez l’exemple frappant de Las Vegas « qui porte à son terme la domestication de la nuit. En l’inondant de lumières incandescentes, elle a rapatrié les étoiles sur terre ». Qu’est-ce qui se cache, selon vous, sous cette tentation paradoxale de rationaliser la nuit ?

Michaël Fœssel : La nuit révèle les ambivalences de la modernité. D’une part, les dispositifs d’éclairage la rendent plus praticable à l’homme. On se rend compte en lisant les Nuits de Paris de Restif de la Bretonne qu’au XVIIIe siècle, les lampadaires ont révélé tout un monde inconnu et fascinant. L’éclairage artificiel contribue donc à rendre la nuit habitable, à en faire un monde. D’autre part, ces mêmes éclairages menacent de dénaturer la nuit en la soumettant à la loi du jour. L’effacement progressif du ciel étoilé en raison des éclairages artificiels et de la pollution est tout à fait révélateur de ce phénomène. Plutôt que d’incriminer toutes les lumières artificielles, il me semble qu’il faut mettre en valeur celles qui sont compatibles avec le clair obscur nocturne. Le feu me paraît un excellent exemple de ce que certaines lumières artificielles s’introduisent dans la nuit sans la nier.

Parmi les lumières artificielles qui inondent la nuit, « celle que l’Etat sécuritaire ou le capitalisme néolibéral promeuvent est une lumière blanche ». Qu’est-ce qui caractérise cette lumière blanche qui tente d’effacer les différences entre le jour et la nuit ? 

Michaël Fœssel : Présente dans les aéroports, les centre commerciaux ou les stations-service ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, la lumière blanche a cette particularité d’être étrangère au jour autant qu’à la nuit. C’est une lumière sans ombre ni reflet qui éblouit plutôt qu’elle ne permet de voir. Sous les néons, c’est l’alternance entre le jour et la nuit qui se trouve abolie au profit d’un temps unidimensionnel extérieur à toute variation. Il est symptomatique que la lumière blanche ne s’allume ni ne s’éteigne jamais, tout se passe comme si elle était éternelle, extérieure au monde. En ce sens, la lumière blanche épouse les traits du néolibéralisme sécuritaire. Sous ses rayons, il est possible de travailler ou de consommer en permanence tout en étant surveillé. Dans l’espace construit par les caméras de vidéosurveillance, il n’y a plus de place pour l’excentricité nocturne.

A travers l’exemple du Pfandsammler berlinois, autrement dit le « collectionneur de consignes », vous constatez « la solidarité improbable entre ceux pour qui la nuit est une fête et ceux pour qui elle est un labeur à la limite de l’absurde ». Si bien que la nuit devient un « espace où les différences se rencontrent sur un mode ludique et pacifié » et fait vaciller l’ordre social établi. Les inégalités criantes le jour sont-elles plus silencieuses la nuit ? La nuit est-elle, ainsi comprise, moins violente que le jour ? 

 Michaël Fœssel : L’exemple du ramasseur de consignes berlinois est révélateur des ambivalences nocturnes. Il révèle l’inégalité entre ceux qui jouissent de la nuit et ceux qui ramassent leurs bouteilles vides pour survivre. Mais il manifeste en même temps la solidarité de fait entre les animaux de nuit. Il n’y a rien de commun entre les fêtards avinés et les corps errants des clochards sinon qu’ils ont intérêt à l’obscur. Ils fuient la loi du jour, mais ce qui semble d’abord une position de repli peut devenir un principe de contestation de l’ordre établi. La nuit défait un certain nombre des hiérarchies sociales tout simplement parce que l’activité qui se trouve à l’origine de ces hiérarchisations (la comparaison) est rendue plus difficile du fait de l’obscurité. On assiste parfois à des rapprochements inattendus, par exemple entre des ramasseurs de bouteilles et des travestis, des noctambules et des travailleurs nocturnes. Il ne s’agit pas d’idéaliser la vie nocturne qui, en particulier dans les métropoles occidentales, rejoue et amplifie les inégalités sociales. Mais il arrive que l’obscurité soit propice à des expériences égalitaires où la hiérarchie entre ceux qui savent et les ignorants est suspendue. On peut interpréter le phénomène « Nuit debout » en suivant ce fil conducteur : des rencontres et des paroles improbables le jour deviennent possibles après le coucher du soleil. Le fait d’occuper une place et de ne plus se soumettre au rythme temporel dicté par les exigences de productivité inaugure une politique du sensible, une manière inédite de s’approprier l’espace et le temps.

En mobilisant Rousseau, vous montrez comment, à travers la fête, la nuit peut se transformer en moment démocratique. « Lors d’une fête démocratique, aucune place n’est assignée à l’avance (…) La fête égalise les conditions en autorisant n’importe quel spectateur à devenir digne des regards ». A quelles conditions ce que Rousseau nommait « joie publique » et que vous résumez comme « le plaisir d’être ensemble par-delà les comparaisons sociales » est-t-il possible ? 

Michaël Fœssel : Rousseau oppose la fête au théâtre comme il oppose la démocratie directe à la représentation aristocratique. La fête telle qu’il la définit abolit la différence entre la scène et la salle et, par extension, entre les « élites » et le « peuple ». Le lien entre ce genre de fêtes et la nuit me semble fondé sur le fait que, contrairement à la lumière, l’obscurité est dépourvue de centre. Autrement dit, lors d’une fête fidèle à la loi de la nuit, il n’existe pas de position centrale que certains occupent : la distinction rigide entre acteurs et spectateurs est abolie. Chacun peut devenir acteur, le « centre » ne cesse de se déplacer. C’est pourquoi on peut certainement juger de l’état d’une société démocratique à celle de sa vie nocturne. À cet égard, la multiplication de « physionomistes » dans les nuits occidentales ne constitue pas un signe encourageant. Le physionomiste qui décide à l’entrée d’un club ou d’un bar qui a le droit d’entrer et qui doit rester sur le seuil contredit la loi de la nuit. Son regard compare là où le jugement devrait être suspendu. Le physionomiste calcule selon des critères économiques et sécuritaires incompatibles avec une authentique fête nocturne. Il importe la logique de l’amour propre dans la nuit.

Du point de vue de la vue, la nuit est privation du jour. Au terme de privation, vous préférez celui de négation. Vous démontrez même que la nuit affecte positivement nos sens. La nuit ne serait donc pas réductible à un manque ? 

Michaël Fœssel : Dire de la nuit qu’elle est une privation c’est juger d’elle à partir de la lumière diurne dont elle manque. C’est donc supposer que la temporalité humaine est essentiellement celle du jour, alors que le propre de l’homme est de pouvoir faire varier ses expériences temporelles. Pour autant, on ne peut définir la nuit sans référence au jour, ce pourquoi le terme de négation me semble le plus adéquat. Une nuit est toujours la nuit du jour qui la précède. L’opposition absolue entre les deux termes est pratiquée par le romantisme qui me semble confondre nuit et ténèbres. Je mise plutôt sur l’alternance du jour et de la nuit comme spécificité de l’expérience humaine du temps. Nier cette alternance, c’est refuser aux individus la possibilité de l’éclipse, c’est-à-dire le droit de ne pas être en permanence inondés d’une lumière inquisitoriale.

Comment comprenez-vous l’injonction de Diderot, citée dans l’essai et étonnante sous la plume d’un homme des Lumières, « soyez ténébreux » ? 

 Michaël Fœssel : Justement par le fait que les Lumières ne sont pas étrangères à l’expérience nocturne dans ce qu’elle peut comporter d’égalitaire et d’inattendu. Diderot décrit parfaitement le fait que, de nuit, la nature cesse d’être un spectacle pour devenir un événement. Du fait de l’affaiblissement de la vision, le corps nocturne devient une machine à interpréter. Nous ne savons plus si le son que nous entendons émane d’un être humain, d’une bête, d’un dieu ou d’un démon… C’est tout le système des classifications rationnelles qui se trouve remis en cause, d’où le lien entre la nuit et la figure du monstre. En ce sens, la nuit est bien une provocation pour nos catégories habituelles. Les Lumières, du moins celle qui ne promeuvent pas un rationalisme étroit de la transparence, valorisent la nuit comme espace d’expérience. A la différence du romantisme, elles n’opposent pas de manière binaire le jour et la nuit. On retrouve cette dimension lorsque Kant note que la nuit est « sublime » : le ciel étoilé met en échec nos capacités de calcul et de mesure. Mais ce qui échappe à l’entendement n’est pas pour autant étranger à la raison. L’expérience nocturne nous apprend que le sens ne se laisse pas réduire a ce qui est prévisible et mesurable.

Vous êtes amoureux de Berlin et décrivez en conclusion du livre un de ses lieux miraculeux, le Berghain. Quelle sorte de « vérité ambiguë » offre ce endroit ? S’agit-il d’une partition originale, enivrante, entre le jour et la nuit ?

 Michaël Fœssel : Je décris le Berghain comme une synecdoque pour Berlin, une ville qui a su jusqu’à présent aménager la nuit à l’abri des contraintes du jour. Sans doute les cathédrales de lumières des rassemblements fascistes et la pompe stalinienne (toujours diurne) ont-elles immunisé les berlinois contre les tentatives de domestiquer la nuit. Le Berghain est une ancienne centrale électrique reconvertie en club, de là son immensité. Celle-ci permet de faire alterner les ambiances : du plus sombre au plus lumineux, dans un rythme vertigineux amplifié par le son. On perçoit ici mieux qu’ailleurs l’effet de la nuit sur les corps. Si l’on peut parler de « vérité ambiguë », c’est parce que l’apparition d’un corps y est indissociable de sa dissimulation : l’alternance entre les lumières artificielles et l’obscurité est si rapide qu’on ne peut reconnaître ce que l’on voit. En un tel lieu, la question de l’identité est suspendue. Les repères qui nous permettent habituellement de définir ce que nous voyons sont abolis au profit d’une alternance entre lumières et ombres, son électronique de haute intensité et plages de silence. Quel que soit le goût que l’on a pour ce genre d’endroits, il me semble qu’il ne se réduit pas à ce que l’on entend généralement par une « fête ». Pour y entrer, il faut faire confiance à ce qui s’y montre toujours de manière imparfaite, indistincte et ambiguë. L’amour de la nuit, qu’elle soit festive ou pas, suppose la capacité d’abandonner l’idéal de maîtrise. Entrer dans la nuit du Berghain, c’est accepter de se laisser altérer par elle, au plus loin du fantasme du contrôle de soi et des autres.

Pour Alexandre dans La Maman et la putain, « tous les gens sont beaux la nuit », pour Hegel « la nuit, toutes les vaches sont noires », les romantiques la désiraient infinie, Augustin y voyait les « ténèbres ordonnancées »… Et vous, que voyez-vous la nuit ? 

Michaël Fœssel : Parmi les références que vous citez, c’est de la parole d’Alexandre dont je me sens le plus proche. La nuit, on y voit moins bien, on pourrait penser alors comme Hegel qu’y règne une telle indistinction que l’on y prend des vessies pour des lanternes. Mais la thèse selon laquelle « les gens sont beaux la nuits » me semble vraie dans ce qu’elle a de provocateur et de contre-intuitif. On a pris l’habitude de faire de la beauté une catégorie de la distinction : elle résulte de la comparaison entre plusieurs corps menée selon des critères sociaux. La puissance de ces critères est relativisée par l’obscur, en sorte que le style de beauté que l’on perçoit dans la nuit se distingue de la beauté diurne et de ses fausses évidences. Ce qui, le jour, serait disgrâce apparaît comme mystère, avec ce que cela comporte d’attirance. La beauté des êtres nocturnes n’est pas une qualité qui leur serait intrinsèque, elle devient une dimension de notre regard. Y voir moins clairement ouvre aussi la possibilité d’y voir autrement, d’une manière en quelque sorte plus indulgente. Si la nuit est souvent accompagnée d’ivresse, c’est parce que l’errance et la maladresse y sont perçues comme des vertus plutôt que comme des défauts. La beauté des autres devient inséparable de leur fragilité.

Entretien réalisé par Nicolas Dutent

Michaël Fœssel, La Nuit. Vivre sans témoin
Editions Autrement, 14,90 €.

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