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Le dernier jour d'un condamné

Publié le 03 octobre 2017 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) Rappelons que "Le dernier jour d’un condamné" a été créé en 2007 en version de concert au Théâtre des Champs-Élysées, et sa création scénique à eu lieu à l’Opéra de Debrecen, en Hongrie, deux ans plus tard.
La fratrie franco-sicilienne (Roberto, David et Frederico, le plus Protée des trois) a repensé le poignant texte du géant Victor, qui, tout en gardant sa force réquisitoire contre la peine de mort (ici universelle et intemporelle), nous entraîne dans les arcanes de l'âme humaine dans tout ce qu'elle peut avoir de glacial, de malsain, de tragique.

La partition de David Alagna baigne au mieux le sinistre poème du bisontin. Âmes éthérées s'abstenir. Voilà une vague orchestrale puissante, charbonneuse, glauque ou noire parfois dans ses élans alla Moussorgsky, finalement démoralisante jusque dans ses parties les plus intimes, mais toujours saisissante dans sa pathétique émotivité écrite au fusain.
Ici, cuivres et percussions sont souvent mis à contribution comme pour mieux souligner les réalités éprouvantes de l’ultime journée de vie des condamnés, alors que les cordes et les bois créent, dans une belle veine mélodique, les climats de réflexion mystiques des mêmes suppliciés.

Un mélange de romantisme, d'atonalité et de dissonance qui ouvre des abîmes de désespoir et d'espérance. Importé d'Avignon, le spectacle de mars 2014 (décors et costumes d'Emmanuelle Favre et Katia Duflot, mise en scène de Nadine Duffaut) vous lamine le moral.
Deux cadres mobiles et pivotants, sans air ni soleil, nous plongent soit dans un cachot à la paille humide que n'aurait pas renié Piranèse, soit dans une chambre dernier cri de mise à mort, carrelée de blanc asphyxiant, qui attend les derniers soupirs, après injection létale, d'une condamnée du XXe siècle. Comme un fait exprès, sortie de Harlem. Cette dernière n'existe pas on le sait dans le roman.
Larmoyante à souhait sera la chaîne des bagnards... moins bonne l'idée d'avoir permuté les supplices des condamnés... Les emphatiques interventions (récitante et violon solo) à la manière des prologues monteverdiens ralentissent un rien l'action.
Il va de soi que notre ténor national, international, interplanétaire, ne fait qu'une bouchée d'une partition concoctée aux petits oignons.
Entrant corps et âme dans un rôle qui lui tient au cœur depuis longtemps, Roberto se hisse, même fatigué, avec cette composition, au sommet. Présence de toujours, débordante de lyrisme, de puissance calculée, masquant comme seul il sait le faire certaines faiblesses. En prime une diction exemplaire qui devrait l'autoriser à postuler au Théâtre Français à la retraite.
Adina Aaron porte sur ses épaules toute la négritude martyrisée. Poignante de bout en bout avec des aigus puissants et cristallins, un souffle comme inépuisable... fascinante Prima Donna...
Impossible de citer tous les seconds rôles choisis dans le casting judicieusement établi par le sympathique et courageux Maurice Xiberras pour son ouverture de saison phocéenne.
Saluons quand même Jean-Marie Delpas et Yann Toussaint, tous deux aimables comme un portail de camp de concentration nazi, nets, percutants, sans bavures, ou Francis Dudziak à la voix pleine de compassion hypocrite dans cet océan de larmes. Ermelier, Martin-Bonnet, Rovery et les autres, ne changez rien, tout est bien.

Chœur et orchestre en bonne forme. Direction incisive, au tranchant d'un couperet de guillotine, chargée de testostérone, de Jean-Yves Ossonce menant son monde, un exploit, le bras droit en écharpe!
Les Marseillais, peu curieux, on boudé la première. Gris clair et gris foncé d'une salle vide à pleurer, avare de saluts, expédiés comme un lavement. Pour il est vrai, une heure trente de musique à ne pas mettre entre toutes les oreilles, et un ensemble qui reste affaire de goût.


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