Magazine Cinéma

Rubens. Les princes ont la cote au musée

Par Balndorn

Peut-on qualifier d’« exposition » un catalogue d’œuvres livrées sans appareillage critique ? La question se pose au musée du Luxembourg. Après l’exposition Diego Vélasquez au Grand Palais en 2015, Rubens, portraits princiers continue le processus de dépolitisation des images des souverains. À tel point que l’on peut se demander si les princes n’ont pas la faveur des grands musées parisiens ces derniers temps.
La liste contre l’exposition
Le parcours ressemble à une série d’albums Martine. Sauf qu’à la place de la jeune fille, nous avons « Rubens à Bruxelles », « Rubens en Espagne », « Rubens en France »… Soit une succession de portraits que ne régit aucune logique autre que chronologique (et encore, celle-ci n’est pas des plus claires). On passe de salle minuscule en salle minuscule sans vraiment savoir pourquoi.Disons-le clairement : l’exposition n’a pas de problématique centrale. Pas de raison d’être ; sinon la fascination qu’exercent manifestement les portraits du siècle des monarchies absolues. Au lieu de prendre une distance critique vis-à-vis de ces œuvres, afin d’en souligner la qualité artistique ou la construction idéologique, la scénographie adopte le principe de la redondance : certes, parer les murs de tentures inspirées du peintre flamand fait son effet, mais en retour, ce faste enveloppe Rubens des atours du kitsch royal. Ce petit monde, qui place aussi bien Rubens que les princes et princesses sur un pied d’estale, cultive le goût de l’entre-soi, le ton de la connivence ; comme si, à l’heure de la présidence « jupitérienne », nous nous devions de contempler les images d’un pouvoir monolithique.Pourtant, étudier les portraits princiers de Rubens autrement qu’en mentionnant au hasard d’une phrase les références au Titien et les motifs qui ornent les cuirasses des souverains promettait de fines analyses iconographiques. À l’image de la très intelligente exposition du Baroque des Lumières au Petit Palais, on aurait pu espérer un discours confrontant les talents du portraitiste et les exigences politiques et communicationnelles des modèles, au regard du contexte historique de production. Autrement dit voir dans les portraits non l’œuvre de génies, mais le résultat d’une collaboration en réponse à un besoin idéologique d’affermissement du pouvoir.
Naturaliser la domination
Aussi, il est certes déstabilisant mais peu surprenant de découvrir à la boutique un ouvrage de Stéphane Bern et Franck Ferrand au milieu de figurines de princes et princesses on ne peut plus clichées. Car en négligeant l’appareil de lecture critique des images, l’exposition tend à naturaliser l’idéologie – car il s’agit bien d’une idéologie – qu’elles façonnent, à l’instar des promoteurs du « roman national » et des fabricants de jouets. Dès lors, ne restent plus que des images imposant leur prestance ; le récit de la monarchie absolue européenne dans toute sa splendeur.Cette absence de prise de distance critique est dommageable tant pour Rubens que pour les princes. Qualifié à la hâte de « peintre des princes, prince des peintres », Rubens perd son originalité artistique : on n'a de lui que l’image d’un artiste à la mode dans toutes les cours européennes, sans trop savoir d’où vient sa réputation. Quant aux princes, on ne saisit pas leur projet politique, figé dans ces images monolithiques car inexpliquées. Mais qu’importe pour eux : leur puissance demeure toujours aussi visible et vivace.
Rubens, portraits princiers, au musée du Luxembourg jusqu’au 14 janvier 2018 
Maxime

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Balndorn 391 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine