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Lorsque la dépendance affective mène à la colère

Publié le 08 octobre 2017 par Do22
Lorsque la dépendance affective mène à la colère

Lorsque j'ai débuté ma pratique pour aider des personnes qui faisaient usage de violence, je m'attendais de rencontrer des personnes insensibles envers les autres, égoïstes et inconscientes. Je fus, par contre, bien surpris de constater que la majorité de mes clients étaient affables, aimables, altruistes et serviables. Plus précisément, on pourrait dire qu'ils avaient les caractéristiques propres aux personnes dépendantes affectives.

1. Le fonctionnement de la personne souffrant de dépendance affective

La personne dépendante affective a développé un fonctionnement de fuite dans les autres. Elle est en quête d'amour et de reconnaissance parce qu'elle ne parvient pas à s'aimer suffisamment par elle-même. Ainsi, elle croit que ses propres besoins seront satisfaits au moment où ceux des membres de son entourage le seront. Cette pensée l'entraîne dans une course folle contre elle-même où elle cherche à deviner les besoins des autres et à y répondre le plus rapidement possible, tout cela afin de se sentir appréciée, reconnue et généreuse.

2. Causes et origines du fonctionnement.

Plus précisément, la personne dépendante affective se bat contre une croyance souffrante profondément ancrée en elle-même. Cette croyance est généralement le résultat d'une accusation qu'elle a entendue dans le passé. Par exemple, cela peut être : "tu n'es qu'un bon à rien", "tu es égoïste" ou encore "tu es un lâche". Ayant acheté cette croyance, elle cherche à démontrer l'inverse pour en atténuer l'impact. Ainsi, elle fait preuve d'un altruisme démesuré, d'ouverture aux autres au point de ne plus avoir de limites, de bravoure et de générosité excessives. Mais comme on peut le voir, ces comportements ne sont pas véritablement authentiques ; il s'agit plutôt de réactions qui lui permettent d'éviter de toucher à une blessure profonde. Cela ne peut que l'entraîner dans une impasse parce qu'elle fuit constamment sa réalité au profit d'un personnage parfait et dépourvu de besoins.

3. Conséquences pour elle-même et pour son entourage

Puisque la personne dépendante affective se centre beaucoup sur les autres, elle se place dans une position où elle n'a pas de pouvoir sur sa vie. Ainsi, elle se sent incapable de dire "non" et de poser ses limites. En agissant ainsi, elle communique à son entourage qu'elle ne s'aime pas et ne sait pas se respecter. Face à cela, les autres réagissent de deux façons distinctes. Certains prennent son aide, sans en reconnaître l'importance, et peuvent même en revendiquer davantage. D'autres prennent son aide et se sentent constamment redevables à son endroit. Ce sentiment est aliénant puisqu'il les empêche de se sentir libres en relation avec elle.

De plus, le personnage qu'elle a créé ne représente pas la réalité et cela amène l'entourage à croire qu'elle n'a besoin de rien et qu'elle est capable de tout. Ainsi, ils sont portés à l'idéaliser et à banaliser ses demandes en plus de ne pas écouter ses plaintes. Ce personnage l'empêche également de contacter ses véritables besoins et de recevoir. D'ailleurs, lorsque la personne dépendante affective reçoit quelque chose, elle passe vite à autre chose, se sentant facilement coupable de recevoir. C'est pourquoi son entourage est surtout composé de personnes qui ont besoin d'aide. Ce fonctionnement risque de l'amener tout droit au burn-out ou alors à d'importants sauts d'humeur.

4. Émergence de la colère

La personne dépendante affective nourrie le rêve qu'un jour, les autres se comporteront à son égard de la même façon qu'elle l'a fait pour eux. C'est pour cette raison qu'elle tente de se rendre indispensable et qu'elle cherche à contrôler les gens autour d'elle. Ce faisant, elle perd son pouvoir personnel et devient victime d'eux. Et puisque les autres posent leurs limites, elle comprend mal leur réalité et les accuse silencieusement de manquer de cœur. Ce fonctionnement l'amène tout droit à l'émergence d'une colère que nous pouvons facilement comprendre.

En fait, avant de poser des gestes de violence contre les autres, la personne dépendante affective a fait preuve de violence envers elle-même à maintes reprises, niant ses besoins, ses émotions et ses limites. Prise derrière un personnage où elle n'a plus accès à son identité, elle cherche désespérément un moyen d'évacuer le surplus de tension. À ce moment, elle accuse volontiers les gens qui ont profité de son aide et qui n'ont pas été disponibles au moment où elle en avait besoin. Elle en vient à se convaincre qu'elle est entourée de parasites qui profitent d'elle. Cela n'est peut être pas toujours faux, mais en se répétant cela, elle manque d'objectivité parce qu'elle ne perçoit plus ce qu'elle a fait pour développer une situation aussi frustrante. En terminant, mentionnons que plusieurs personnes dépendantes affectives ne parviennent tout simplement pas à évacuer leur colère contre les autres. Dans leur cas, leur colère se retournera contre elles-mêmes sous forme de maladies psychosomatiques, de tendances autodestructrices ou de burn-out.

5. Le processus thérapeutique

Le processus thérapeutique doit commencer par la conscientisation des formes de violence que la personne dépendante affective adopte contre les autres, mais aussi et surtout contre elle-même. Pour ce faire, le thérapeute doit relever ces comportements. Ensuite, il s'agit de l'aider, par une écoute attentive et par des observations précises, à se voir aller dans son fonctionnement insatisfaisant. Ces découvertes l'amènent graduellement à se rapprocher d'elle-même et à mieux identifier son vécu, à comprendre les raisons qui la poussent à agir comme elle le fait, à s'accepter telle qu'elle est et à développer de nouveaux comportements plus satisfaisants. Lorsqu'elle entre en contact avec ses besoins véritables et qu'elle leur accorde l'importance nécessaire, elle trouve alors un point d'ancrage en elle-même et reprend du pouvoir sur sa vie. Sa vie devient alors une expérience nourrissante où les épisodes de colères sont rarissimes et bien
gérés.

Benoît Jacques
Psychothérapeute, Intervenant psychosocial
Article publié pour la première fois ici en janvier 2007... mais toujours d'actualité !


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