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Par Julien Leray @Hallu_Cine

Les préjugés sont à la comédie ce que les chats sont aux réseaux sociaux : un inépuisable terreau. Pour l’engagement des audiences, et la machine à scénarios.

Une photocopieuse, imprimant par centaines un canevas identique, où seuls quelques blancs resteraient à compléter afin d’y apporter, à l’occasion, un soupçon d’originalité.

Peu d’espaces dès lors pour s’exprimer, et laisser libre cours à ses idées (à moins bien sûr d’en manquer, et donc de sciemment s’en contenter).

Des contraintes dont Marc-André Lavoie (réalisateur du film) et Adrien Bodson (co-scénariste) assurent pourtant s’être accommodés (ayant fait mûrir l’histoire d’Innocent selon leurs dires pendant plusieurs années), afin de proposer un film aux ambitions narratives affirmées, emplies qui plus est d’une belle sincérité.

Innocent va donc se présenter sous la forme d’un récit choral aux personnages multiples et aux multiples trames, gravitant autour de Francis (Emmanuel Bilodeau), quinquagénaire pas bien futé, sorte de François Pignon régionalisé, dont la candeur va lui attirer les pires ennuis.

Des ennuis dont les deux co-scénaristes ont souhaité faire les ressorts comiques principaux, en jouant autant que possible sur les ruptures de tons et les malaises potentiels nés des décalages entre la gravité d’un événement donné, et les réactions de son personnage principal complètement dépassé.

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Un humour de situation dont les bonnes intentions vont pourtant se heurter aux limites de la narration choisie par Lavoie et Bodson. En multipliant les points de vue, ces derniers, plutôt que d’enrichir le propos, vont en diluer l’impact et la portée, en faisant d’Innocent davantage un enchaînement de scènettes déconnectées qu’une réelle continuité.

Dès lors, le sentiment de redite et le poids d’une certaine redondance ne sont jamais bien loin, siphonnant le rire de sa propension à se nourrir de l’imprévu et de l’inattendu.

Plus proche en cela d’une construction théâtrale que d’une structure adaptée au média cinéma, Innocent ne compense pas non plus son rythme souffreteux par une qualité d’écriture ou par une interprétation au-dessus du lot.

À l’instar de cette dimension chorale masquant tant bien que mal un classicisme latent, les prestations en roue libre des comédiens, à défaut de renforcer la drôlerie de l’ensemble, vont au contraire mettre en exergue le manque d’impact des dialogues, tout comme la faiblesse de leur écriture. Sans compter l’absence de réelle complicité à l’écran, qui aurait pu (au moins en partie) sauver par sa sincérité un sentiment d’adhésion qui, une heure trente durant, éprouve les pires difficultés à décoller.

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Innocent, en s’éparpillant, donne ainsi souvent l’impression de lancer des tentatives dans toutes les directions, en espérant que l’une d’entre elles, sur le lot, finisse éventuellement par faire mouche.

En oubliant au passage ce pour quoi il avait tout de même été conçu : faire rire à gorge déployée, le minimum syndical pour ce qui était annoncé comme l’une des comédies les plus hilarantes de l’année.

Dans cette histoire, le plus innocent ne sera pas donc pas celui qu’on croit. Tant pis pour son portefeuille et son amour du cinéma, en particulier québécois.

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Film vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2017.


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