"La liberté naît, la nuit, n'importe où, dans un trou de mur, sur le passage des vents glacés.
Les étoiles sont acides et vertes en été ; l'hiver elles offrent à notre main leur pleine jeunesse mûrie.
Si des dieux précurseurs, aguerris et persuasifs, chassant devant eux le proche passé de leurs actions et de nos besoins conjugués, ne sont plus nos inséparables, pas plus
la nature que nous ne leur survivrons.
Tel regard de la terre met au monde des buissons vivifiants au point le plus enflammé.
Et nous réciproquement.
Imitant de la chouette la volée feutrée, dans les rêves du sommeil on improvise l'amour, on force la douleur dans l'épouvante, on se meut parcellaire, on rajeunit avec une
inlassable témérité.
Ô ma petite fumée s'élevant sur tout vrai feu, nous sommes les contemporains et le nuage de ceux qui nous aiment !"
René Char
L'avantage du décor
c'est qu'on l'oublie un jour
pour mieux l'arraisonner une autre fois,
et sans vraiment savoir pourquoi.
Le regard qui se laisse entrainer juste au bord.
L'envie d'écorcher ses chaines sur le tarmac d'un port.
Quelques distinctions à la boutonnière du quai
et
nous voilà embarqué
avec son altesse Corto
dans les caprices du rêve éveillé.
aventure perpétuelle;
atmosphère compliquée;
essences capiteuses...
Tout est permis dans l'ambiance
du faiseur d'histoire,
boucanier de bibliothèques,
intriguant d'apparat.
Tout est croyance et duperie;
enchantement et chimère...
L'avantage du décor,
c'est qu'on l'embarque et le pose où l'on veut,
et pour leurre,
il suffit de pas grand chose
pour se changer en vagabond des rugissants.
Forban, corsaire, pirate... qu'importe.
Fripouille des hautes vergues
vigie de misaine
tirant des bords...
...L'avantage du décor
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En tant que. et en autre
fédéraliste, autonomiste...
revendiquant pacifiquement le droit aux différences
pour mieux m'ouvrir avec modestie à celles des autres.
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Nilda Fernandez écrit à Lluis Llach
"Cher Lluis Llach, ex-collègue, actuel chasseur de vautours et futur bourreau de fonctionnaires Je réagis à tes déclarations. L’une sur Twitter, insultant ceux qui allaient défiler à Barcelone pour dire leur attachement à l’Espagne (« Demain, laissons vides les rues de Barcelone. Il ne faut pas que les vautours trouvent de quoi manger »), l’autre dans la presse pour menacer les employés des services publics en leur promettant de « beaucoup souffrir » s’ils ne collaboraient pas avec le futur gouvernement catalan que tu appelles de tes voeux.
Ces « vautours » du 8 octobre étaient près d’un million. Tout comme j’avais accompagné, cinq jours auparavant ceux qui portaient des drapeaux catalans, j’ai défilé avec eux. C’était des gens « normaux », moins aisés que toi peut-être, moins « éduqués », mais qui osaient s’exprimer pour la première fois contre la dictature du « oui » à l’indépendance. Parmi eux : les inévitables nostalgiques du vieux régime franquiste que ta famille a toujours soutenu, des gens venus en autocar de toute l’Espagne, mais la plupart des habitants de la « périphérie » des villes catalanes. Descendants de cette Espagne andalouse, galicienne, asturienne, qui a longtemps fourni la main-d’œuvre bon marché à la Catalogne, ils sont aujourd’hui majoritaires. C’est eux qu’Oriol Junqueras, vice-président du Govern catalan, oublie lorsqu’il déclare : « Les Catalans ont plus de proximité génétique avec les Français qu’avec les Espagnols ; plus avec les Italiens qu’avec les Portugais, et un peu avec les Suisses. Alors que les Espagnols présentent plus de proximité avec les Portugais qu’avec les Catalans et très peu avec les Français. »
Des propos que n’aurait pas reniés un Jean-Marie Le Pen, pas plus que l’opinion de Jordi Pujol, président de Catalogne pendant vingt-trois ans, sur tous mes grands-parents andalous émigrés à Barcelone, sur Garcia Lorca de Granada, et Antonio Machado de Séville : « L’homme andalou n’est pas cohérent. C’est un homme anarchique, un homme détruit. Il vit dans un état d’ignorance et de misère culturelle, mentale et spirituelle. Si, par la force du nombre, il parvenait à dominer, il détruirait la Catalogne en introduisant sa mentalité anarchique et pauvre, autrement dit son absence de mentalité. » Ce même Jordi Pujol, aujourd’hui en examen pour faits de corruption très graves, que tu as soutenu et qui t’a généreusement aidé !
Quoi qu’il en soit, Lluis, les artistes populaires que nous sommes ne peuvent pas être si dédaigneux envers leurs semblables. Même quand ceux-ci ne font pas partie de leur « clientèle ». Et je sais de quelle manière tu soignes la tienne. Je me souviens que tu n’as pas voulu chanter en français quand nous avions mêlé nos répertoires au festival des Francofolies. Tu m’as dit : « Je ne pourrai pas. Ceux qui me suivent ne le comprendraient pas. Je chanterai mes chansons, je traduirai un refrain ou une strophe des tiennes en catalan, mais pas plus. » J’avais trouvé ça grotesque, même grossier, puisque j’allais chanter avec toi… et en catalan. Sans parler de cette façon contre-productive de défendre une langue.
Le concert fut un triomphe. Les gens applaudissaient, trépignaient, pleuraient d’émotion face à deux artistes se partageant la scène. À la fin, dans un mouvement d’enthousiasme et de reconnaissance, je t’ai saisi le bras et nous avons chanté une Vie en rose d’Edith Piaf improvisée. Cela ne t’a pas plu. Dans les coulisses, quand le directeur de l’Olympia est venu me dire : « C’est l’un des plus beaux concerts de ma vie. L’Olympia est à vous quand vous le voudrez », tu es resté enfermé dans ta loge, amer et sombre.
Lluis, nous sommes deux artistes populaires, admiratifs l’un de l’autre, tous deux nés en Catalogne, mais de lignées très différentes, presque opposées. Moi, petit-fils et fils de prolétaires andalous émigrés à Barcelone puis à Lyon. Toi, fils et petit-fils d’une petite-bourgeoisie rurale de tradition réactionnaire. Moi, enfant, donnant des coups au directeur d’école tandis qu’on chantait le Cara al sol phalangiste. Toi, adolescent, affilié aux groupes de la « catholicité » franquiste. Moi, artiste d’une « chanson française » tétée depuis l’enfance. Toi, écrivant des chansons en catalan que je parlais, enfant, dans la cour de l’école à Sants.
Précisément, je t’écris aujourd’hui depuis Sants, le quartier ouvrier de mon enfance. Tu es devenu millionnaire et député. Moi, entre Barcelone, Paris et Moscou, je continue d’être de là où je me trouve. Je sors dans la rue, dans les manifestations, bavardant avec tous, lisant la presse de tous bords, dénonçant les ruses de ceux qui, de Barcelone à Madrid – en passant par n’importe quelle partie du monde –, n’aiment pas leur pays ni ses gens qu’ils entraînent derrière leur propre ambition et leurs intérêts déguisés en nationalisme politique.
Tu nommes « vautours » ceux qui s’abritent sous un autre drapeau que le tien. Malheureusement, Lluis, tous les drapeaux sont sales et personne ne nous protège. Alors, dis ce qu’il en est. Va dans la rue. Persuade nos concitoyens de ne pas former des troupeaux menés par des loups. A défaut de le faire, tu seras anéanti par la misanthropie, le mensonge et le ressentiment."
Nilda Fernandez source: Le blog de Floreal