Plus inquiétant encore, le type de peste majoritairement détecté est la forme pulmonaire : sans traitement adéquat, l’issue est fatale.
« La peste est endémique à Madagascar, elle ressurgit chaque année mais généralement il s’agit de peste bubonique, non-transmissible d’un être humain à l’autre et qui se développe dans les zones rurales. La singularité de cette épidémie est qu’aujourd’hui nous faisons face à une peste pulmonaire, hautement transmissible, et qui sévit en zones urbaines où toutes les conditions sont réunies pour que l’épidémie se propage. » explique Olivier Le Guillou, le directeur pays d’Action contre la Faim à Madagascar.
Depuis 2011, nos équipes luttent contre la sous-nutrition dans les bidonvilles d’Antananarivo et dans le sud du pays. Profitant de notre forte reconnaissance dans ces quartiers, nous déployons une approche communautaire afin de renforcer les connaissances et les bons réflexes des populations pour se protéger ou se faire prendre en charge. Rapidement mobilisés, nous intervenons dans deux hôpitaux de la capitale pour aider les équipes médicales à faire face à cette urgence sanitaire.
Prévenir la propagation de l’épidémie.
Transmissible d’un individu à l’autre par simple inhalation de gouttelettes respiratoires infectées, la peste pulmonaire présente un haut potentiel de contamination notamment dans les zones urbaines pauvres d’Antananarivo et de Toamasina en raison de la forte densité de population.
Pour lutter contre la propagation de la maladie, des mesures de prévention doivent être mises en place rapidement. Le gouvernement malgache a d’ores et déjà interdit les rassemblements publics, et les personnels soignants - qui sont les plus exposés à la contamination - reçoivent un traitement médical préventif.
« Les symptômes de la peste pulmonaire sont très proches d’un état grippal. La période d’incubation dure d’un à trois jours. Les personnes ressentent une forte fièvre, des maux de tête, une faiblesse généralisée et des douleurs thoraciques qui évoluent en pneumonie grave. En 48h, sans traitement adapté, l’issue est mortelle. » explique Caroline Antoine, référente santé à Action contre la Faim.
L’identification des personnes infectées est un des enjeux majeurs du contrôle de l’épidémie. Il est indispensable de pouvoir retracer les parcours et les rencontres des patients pour démarrer un traitement antibiotique des personnes ayant été en contact afin de réduire la transmission.
Nos équipes travaillent avec les autorités sanitaires et les acteurs internationaux pour mettre en place des protocoles de protection et de contrôle de l’infection, notamment dans les structures de santé. Formation du personnel de santé, mise en place de stations de lavage des mains, désinfection des locaux, gestion des déchets contaminés et des eaux usées sont autant de mesures qui permettent de réduire les risques et soutenir les centres de santé dans leur prise en charge des patients.
Sensibiliser et mobiliser les communautés pour éviter une aggravation de la situation.
« L’épidémie est devant nous, explique Olivier Le Guillou, nous n’avons pas encore atteint le pic. La propagation a été tellement fulgurante que la prise de conscience prend du temps mais on note une amélioration des mesures. Depuis ce week-end, nous commençons à voir les conducteurs d’ambulances avec des masques de protection, ce qu’on ne voyait pas la semaine dernière. »
Au-delà de la prise en charge médicale, le futur défi sera de mobiliser les communautés pour lutter contre la propagation de l’épidémie mais aussi d’apporter un soutien psychologique aux personnes infectées et à leur entourage.
« Grâce à notre expérience de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest ainsi que de la gestion des flambées de choléra dans plusieurs de nos pays d’intervention, nous avons développé une vraie expertise pour soutenir les familles, qui sera mise en place dans les semaines à venir. Être confronté à une épidémie suscite souvent de fortes réactions émotionnelles et déstabilise les liens sociaux et familiaux : ce sont des réponses normales à une situation inhabituelle qui prennent la forme de stress, de peurs, de colères, de deuils et de stigmatisation associée à l’épidémie. » rajoute Olivier Le Guillou.
Photographie © Rijasolo - AFP