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Lénine philosophe: 1914-1923. Par Roger Garaudy

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit
Résister à la campagne haineuse contre les "bolchéviques", Lénine, la révolution d'Octobre 17, campagne multipliant les livres d'historiens professionnels de l'anti-communisme primaire, les articles de presse et les émissions à la radio (la télévision faisant paradoxalement plutôt mieux...), tel est le but qu'à la mesure de ses moyens poursuit le blog. Nous publions aujourd'hui l'avant-dernier extrait du livre que Roger Garaudy consacra à Lénine aux Presses Universitaires de France. Lénine philosophe: 1914-1923. Par Roger GaraudyIl est remarquable que jusqu'en 1914, Lénine ait conservé, pour définir la dialectique, les conceptions de Kautsky, alors que sa pratique révolutionnaire dépassait de très loin ces conceptions et cette théorie de la dialectique. La faillite de la IIE Internationale, aux premiers jours de la guerre, incite Lénine à réfléchir sur les fondements théoriques d'une aussi profonde trahison. Jusque-là Lénine définissait la dialectique comme le faisait Kautsky, c'est-àdire comme « la théorie de l'évolution » en y juxtaposant curieusement, sans en indiquer le lien : « la théorie de la relativité de la connaissance ». En 1913 encore, dans son Karl Marx, destiné à L’Encyclopédie
Granat,
Lénine définissait la dialectique comme théorie du développement sous sa forme la plus générale : théorie de l'évolution de la nature entière et de l'histoire de la connaissance. Lénine, qui ne pouvait s'appuyer sur les oeuvres philosophiques de Marx (notamment les Manuscrits
de 1844
et le texte complet de l'Idéologie allemande, que les dogmatiques « orthodoxes » de la IIe Internationale, répétons-le, se gardaient bien de publier), révise et enrichit sa conception antérieure de la dialectique en remontant à la même source que Marx : la Logique de Hegel, qu'il étudie passionnément en 1915. Qu'au coeur même de la tourmente Lénine éprouve le besoin de consacrer plusieurs mois à l'étude de Hegel, en la considérant comme une tâche politique, cela montre l'importance capitale pour lui de cette réflexion nouvelle sur la dialectique. On peut dater avec précision ce moment décisif dans la pensée philosophique de Lénine : le 4 janvier 1915, il écrit au secrétaire de rédaction des Éditions Granat pour demander s'il est « encore temps d'apporter (à son Karl Marx) quelques corrections à la section sur la dialectique », question sur laquelle, dit-il, il travaille depuis quelques semaines. En lisant les Cahiers philosophiques (qui avaient été exclus du temps de Staline, des Oeuvres complètes de Lénine, tout comme les Manuscrits de 1844 des OEuvres de Marx, parce qu'ils étaient incompatibles avec une interprétation dogmatique du marxisme), il est possible de définir quel genre de « corrections » Lénine désirait apporter. Dans le déchaînement des contradictions de la guerre, et au moment où la faillite de la IIe Internationale montre comment la lutte pour le socialisme se transforme en son contraire, Lénine éprouve le besoin de repenser fondamentalement le concept de la dialectique qui ne peut être simplement cette théorie de l'évolution qui conduit Kautsky à l'opportunisme et à la trahison. Le premier point sur lequel porte cette nécessaire révision, c'est une détermination plus complexe des rapports de la pensée et de son objet, pour exclure toute interprétation mécaniste et fataliste de la théorie du reflet.
1. Une lecture profonde de la Science de la logique permet à Lénine d'intégrer au matérialisme la critique hégélienne de l'immédiat. Enrichissant les indications de Marx sur « le moment actif » de la connaissance, Lénine souligne chez Hegel cette idée maîtresse : « L'accord de la pensée avec l'objet est un processus... Le reflet de la nature dans la pensée humaine doit être compris non d'une façon morte, abstraite, non sans mouvement, sans contradictions, mais dans le processus éternel du mouvement, de la naissance des contradictions et de leur résolution ». « Ce mouvement, ce chemin de la connaissance, semble l'activité de la connaissance ». La dialectique hégélienne de l'être et du non-être, comme celle de l'apparence et de l'essence, permet d'écarter toute contamination de la théorie léniniste du reflet avec celle de l'empirisme, d'écarter ainsi l'équivoque que pouvaient laisser subsister certaines formulations de Matérialisme et empiriocriticisme. Le passage de la sensation à la pensée est un passage dialectique,
comme le rapport de l'apparence à l'essence :
« l'apparence est le reflet de l'essence en elle-même » La théorie léniniste du reflet intègre désormais, comme l'un de ses moments, la conception hégélienne de la « réflexion ». Lénine insiste maintenant sans cesse sur tout ce qui peut écarter la conception mécaniste et passive du reflet : « Quand l'intelligence aborde la chose individuelle, en tire une image, cela n'est pas un acte simple, immédiat, mort, ce n'est pas un reflet dans un miroir, mais un acte complexe... qui inclut la possibilité de l'envol imaginatif hors de la vie... Vice versa : il est absurde de nier le rôle de l'imagination même dans la science la plus rigoureuse». Lénine relève et souligne la critique par Hegel des illusions empiristes et positivistes de certains savants : « Si on les écoute... ils n'observent, ils ne disent que ce qu'ils voient ; mais cela n'est pas vrai, car inconsciemment ils transforment immédiatement ce qu'ils voient à l'aide du concept. Et la discussion ne porte pas sur la contradiction entre l'observation et le concept absolu, mais sur la contradiction entre le concept limité, fixé et le concept absolu... dès que l'homme parle, il y a dans sa parole un concept » . Cette conscience aiguë du rôle de l'initiative de l'homme au départ de la connaissance, et de l'universelle interaction qui s'exprime dans l'acte le plus simple de la connaissance, permet à Lénine de dialectiser le concept de « chose en soi ». Lorsque Hegel écrit : la « chose en soi » n'est qu'une abstraction vide, sans vérité... si on demande ce que sont les choses en soi la question implique déjà l'impossibilité d'une réponse, Lénine note en marge : « Très bien !... très profond : la chose en soi est somme toute une abstraction vide et sans vie. Dans la vie et dans le mouvement tout et toute chose est habituellement « en soi » et « pour les autres », dans un rapport avec autre chose ». Lénine prend ainsi conscience de l'insuffisance de la critique de Kant par Plekhanov, et fait sa propre autocritique car son attitude, comme celle de tous les marxistes au début du xxe siècle, était proche de celle de Plekhanov qui ne procède pas par assimilation critique, intégration et dépassement : « 1° Plekhanov critique le kantisme (et l'agnosticisme en général) du point de vue du matérialisme vulgaire plutôt que de celui du matérialisme dialectique, dans la mesure où il rejette seulement a limine leurs raisonnements, et ne les rectifie pas (comme Hegel rectifiait Kant), en les approfondissant, en les généralisant et les élargissant, en montrant l'enchaînement et les transitions de tous les concepts. « 2° Au début du xxe siècle, les marxistes critiquaient les disciples de Kant et de Hume à la Feuerbach (et à la Bûchner) plutôt qu'à la Hegel » . L'intégration de la théorie de la réflexion de Hegel à la théorie du reflet et cette dialectisation du concept de « chose en soi », a permis à Lénine de lier organiquement la conception du reflet à la théorie des rapports de la vérité relative et de la vérité absolue, alors que les deux thèmes étaient seulement juxtaposés dans Matérialisme et empiriocriticisme. Après avoir noté : « La conscience de l'homme, la science (le concept) reflète l'essence de la nature, mais en même temps cette conscience est extérieure à la nature (ne coïncide pas avec elle du premier coup) », rappelant ainsi une fois de plus que le reflet n'est pas au départ, Lénine en tire ce corollaire : toute vérité est à la fois absolue et relative:
« La différence entre le subjectivisme (scepticisme,
sophistique, etc.) et la dialectique consiste, entre autres, en ceci que dans la dialectique (objective) la différence entre le relatif et l'absolu est aussi relative. Pour la dialectique objective, dans le relatif il y a de l'absolu. Pour le subjectivisme et la sophistique, le relatif est seulement relatif et exclut l'absolu ». La claire distinction de l'absolu et de l'objectif, ce dernier n'excluant nullement le relatif, marque la coupure radicale avec le matérialisme vulgaire. Ainsi, le reflet n'est pas au début de la connaissance, dans l'illusoire immédiateté de la sensation, mais au contraire à l'étape du concept : « La pensée, s'élevant du concret à l'abstrait, ne s'éloigne pas, si elle est vraie, de la vérité mais s'approche d'elle ». La lecture matérialiste de Hegel a fait de la théorie léniniste du reflet une théorie du concept. 2. Cette assimilation critique de Hegel et cette intégration de sa Logique dont Lénine considère que l'introduction à la section sur « l'Idée » est peut-être « le meilleur exposé de la dialectique » , conduisent Lénine à une réévaluation de l'idéalisme, dans l'esprit même de Marx qui notait déjà dans la première thèse sur Feuerbach : « Le principal défaut de tout le matérialisme passé — y compris celui de Feuerbach — est que l'objet, la réalité, le monde sensible n'y sont saisis que sous la forme d'objet ou d'intuition, mais non en tant qu'activité humaine concrète, en tant que pratique, de façon subjective. C'est ce qui explique pourquoi le côté actif fut développé par l'idéalisme, mais seulement abstraitement, car l'idéalisme ne connaît pas l'activité réelle, concrète, comme telle. » Lénine apporte un développement nouveau à cette thèse en montrant que le propre de l'idéalisme c'est d'avoir isolé ce moment actif de la connaissance, et de n'avoir pas recherché ni le point de départ de la connaissance, qui ne peut s'exercer qu'à partir d'une réalité autre que celle de l'esprit, ni le point d'arrivée, c'est-à-dire la pratique réelle, concrète, par laquelle la connaissance s'objective, se réalise et transforme le monde en l'humanisant. « Le premier début est oublié et dénaturé par l'idéalisme. Le matérialisme dialectique est le seul à avoir lié le début avec la suite et la fin ». II n'en reste pas moins que l'idéalisme, précisément parce qu'il a porté cette attention exclusive sur le moment actif de la connaissance, a élaboré, au cours de l'histoire de la philosophie, et notamment avec Hegel, la méthode dialectique. « La dialectique... voilà le contenu d'une richesse incommensurable, en comparaison du matérialisme métaphysique, dont le principal malheur est d'être incapable d'appliquer la dialectique à la théorie du reflet et au développement de la connaissance ». Lénine recherche donc les racines que l'idéalisme plonge dans le mouvement même de la connaissance. Alors que « l'idéalisme philosophique n'est qu'ineptie du point de vue d'un matérialisme grossier, simpliste, métaphysique », Lénine montre que, pour le matérialisme dialectique,  « l'idéalisme philosophique est un développement exclusif », unilatéral de l'un des moments réels de la connaissance, « le moment actif » . C'est pourquoi « la possibilité de l'idéalisme (et de la religion) est donnée déjà dans la première abstraction élémentaire » . Ce caractère unilatéral de l'idéalisme n'exclut nullement qu'il apporte une contribution capitale à l'élaboration de la dialectique. Au-delà de Hegel, Lénine souligne par exemple que, « à travers la théologie, Leibniz s'approchait du principe d'un lien indissoluble (et universel absolu) entre la matière et le mouvement » . Étudiant la monadologie leibnizienne et sa très riche conception de l'universelle action réciproque et de la totalité, Lénine note encore : « Il y a là une dialectique d'un type particulier et même une dialectique très profonde malgré l'idéalisme et l'obscurantisme clérical » . Cette méthode dialectique, qui est la grande acquisition de l'idéalisme, est l'âme de la méthode révolutionnaire de transformation du monde. Marx et Engels soulignaient que « sans la philosophie allemande — et notamment celle de Hegel — le socialisme n'eût jamais été fondé ». Lénine, reconnaissant après eux que Feuerbach était infiniment plus pauvre que Hegel, a désigné dans ses « trois sources », comme source philosophique du socialisme scientifique non pas le matérialisme français du x v m e siècle — quelque admiration légitime qu'il eût pour lui — mais la philosophie classique allemande, celle de Kant, de Fichte, de Hegel, qui a forgé, à travers l'abstraction idéaliste, la méthode dialectique. Dans ses Cahiers philosophiques, Lénine écrit crûment : « L'idéalisme intelligent est plus près du matérialisme intelligent que le matérialisme bête. » Et il ajoute qu'il faut entendre « idéalisme dialectique au lieu d'intelligent ; métaphysique, non développé, mort, grossier, immobile, au lieu de bête ». Le concept de dialectique se trouve ainsi, dans les Cahiers philosophiques, très enrichi. La définition sommaire de Kautsky : la dialectique c'est la théorie générale de l'évolution, est ici intégrée dans une perspective beaucoup plus large. Au lieu de se contenter de démarquer ou de transposer Darwin, comme le faisait Kautsky, Lénine situe l'évolution comme un simple moment de l'élaboration de la méthode dialectique : « L'idée du mouvement universel et du changement (1813 : Logique de Hegel) est pressentie avant son application à la vie et à la société. Proclamée pour la société (1847 : Manifeste communiste) avant d'être démontrée dans son application à l'homme (1859 : De l'origine des espèces de Darwin) » . Prolongeant vers l'avenir cette trajectoire, il ajoute : « La continuation de l'oeuvre de Hegel et de Marx doit consister dans l'élaboration dialectique de l'histoire de la pensée humaine, de la science et de la technique » . Abordant lui-même cette tâche, Lénine met l'accent sur ce qui est essentiel dans la dialectique, afin qu'on ne la confonde plus avec un évolutionnisme vulgaire : la contradiction. « La dialectique est l'étude de la contradiction dans l'essence même des choses ». Lénine a vu que l'objectivité de la dialectique pose de multiples problèmes. Comment établir que « la dialectique de la connaissance a une signification objective » ? Ce problème, Lénine le découvre, même sous le jargon de Déborine. Lorsque celui-ci écrit : « L'immanent devient transcendant dans la mesure où il acquiert une signification objective réelle », Lénine souligne ce passage et note en marge : « Des vérités réelles exprimées dans une langue tarabiscotée et abstruse en diable » . Nous sommes ici au coeur du problème de la connaissance et de l'action, du problème des rapports de la dialectique et de la vie, avec l'histoire en train de se faire, avec la lutte révolutionnaire. Lénine va d'emblée à l'enseignement majeur de Hegel. « L'idée de la transformation de l'idéal en réel est profonde : très importante pour l'histoire. Mais aussi dans la vie personnelle de l'homme, il est clair qu'il y a là beaucoup de vrai. La distinction de l'idéal et du réel n'est pas, elle non plus, absolue » . Lorsque Hegel écrit : « L'Idée est création éternelle et Esprit éternel », Lénine souligne et ajoute en marge : « La vie éternelle = la dialectique ». Il retient de la démonstration de Hegel tout ce qui souligne combien la vie, la pratique, la création continuée de l'histoire et de l'homme, débordent le concept : « La pratique, écrit Lénine, reprenant les formulations de Hegel sur l'Idée, la pratique est supérieure à la connaissance théorique, car elle a la dignité non seulement du général, mais aussi du réel immédiat » . Et, plus fortement encore : « La conscience humaine non seulement reflète le monde objectif, mais aussi le crée » . « Très bon le § 225 de l'Encyclopédie, où la connaissance théorique et la volonté, l'activité pratique sont présentées comme deux moyens pour détruire l'unilatéralité de l'objectivité et de la subjectivité » (6). Non seulement Lénine a ici dialectisé, grâce à Hegel, le rapport entre le subjectif et l'objectif, mais il a conçu un élargissement considérable de la notion de réalité objective : « Deux formes du processus objectif : la nature, et l'activité de l'homme qui se donne une fin ». L'important ici, pour Lénine, c'est qu'avec la dialectique on explore « le mouvement spontané, source de l'activité, mouvement de la vie et de l'esprit ; coïncidence des concepts de sujet (l'homme) et de la réalité ». Par ce mouvement de diastole et de systole, de l'activité militante à la réflexion philosophique, et de la réflexion théorique à la pratique révolutionnaire, Lénine, au terme de la Logique, débouche sur l'action. La dialectique n'est pas seulement mouvement de la pensée, mais du réel et de son histoire, de l'acte par lequel l'homme transforme le monde : « L'activité est une contradiction — le but est réel et irréel, possible et non possible... » (3). C'est l'action humaine et non la réflexion philosophique qui effectue les dépassements créateurs : « Au commencement était l'action. » Déjà Hegel écrivait, reprenant dans son Histoire de la philosophie, le thème de la Logique sur l'Idée théorique et l'Idée pratique : « Ce que l'histoire de la philosophie nous présente, ce sont les actes de la raison pensante. L'histoire politique, ou mondiale, considère les actes de la raison voulante ». Lénine a profondément assimilé la conception hégélienne des rapports dialectiques entre l'idéal et le réel, qui constitue le point culminant de la Logique: l'idéal n'est pas opposé au réel ; il est « la préfiguration, dans les contradictions d'une réalité présente, de son état futur ». Lénine, cette « inquiétude de la raison » (pour employer le langage hégélien), retient de l'enseignement de Hegel ce qui est nécessaire pour déchiffrer, dans l'activité spontanée des masses, ce qui est préparation et création de l'avenir, « le moment de la subjectivité ne se rencontrant pas, selon Hegel, dans la réflexion sur les actes, mais dans les actes eux-mêmes » . Ce qui va désormais caractériser l'oeuvre théorique et pratique de Lénine, dans les dix dernières années de sa vie, les années les plus orageuses et les plus fécondes : celles de la guerre, de la Révolution d'Octobre et de la construction du socialisme, c'est l'union étroite d'une dialectique authentiquement marxiste, c'est-à-dire une dialectique qui n'est plus ravalée au niveau d'un évolutionnisme dogmatique et vulgaire, mais qui a, au contraire, intégré tout l'acquis de la dialectique hégélienne, et d'une attention permanente à tous les indices de l'initiative historique des masses pour laquelle la révolution socialiste crée les conditions radicalement nouvelles d'épanouissement permettant à chaque homme et à chaque femme de devenir sujet actif et créateur d'une histoire proprement humaine. Tel est l'essentiel du léninisme.
Roger Garaudy/Lénine/pages 39 à 49                   A SUIVRE Envoyer par e-mailBlogThis!Partager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libellés : Histoire, Roger Garaudy

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