Magazine

Max | Viol

Publié le 25 octobre 2017 par Aragon

Si c'est les meilleurs qui partent les premiers, que penser alors des éjaculateurs précoces ?  (Pierre Desproges)

aiglenoir.jpg8.jpgQuand tu commences à en prendre le chemin ça commence plutôt bien. Quelquefois ce sont de menues douleurs qui t'y conduisent. Souvent, c'est du presque rien, un contrôle, un bilan sanguin, un truc tout bête. Sans intérêt. Et toi t'entraves que pouic. Tu te laisses faire, mais tu te rends compte très vite que t'es arrivé dans un milieu hostile qui te veut paraît-il du bien. Le chemin était vicelard, il était piège. Pas de petits cailloux blanc sur le chemin de l'hôpital.

On te jauge, on te palpe, on te demande cent fois ton nom & prénom & date de naissance (je comprends, c'est "pour être sûr"), tu prends des tickets, t'attends ton numéro... bingo j'ai gagné le lot gastrooncolo, on t'entourbillonne, on te badigeonne, on te fait attendre des plombes sombres, longues, on t'examine, on te fait mettre des chemises où t'as les miches grotesquement à l'air, on te met à la diète, on te perfuse au début et le geste reviendra comme un tic : t'arrives et pronto poche d'eau salée ou sucrée selon la volonté du chef, on te fait sortir de l'hôpital, on te fait revenir, on yoyote, on bilboquète avec toi, et t'es la boule, pas le manche, ni la corde. La corde, c'est le chemin vers l'hôpital.

Et les "piqûres", les piqûres... les femmes se moquent de nous - gentiment - "Oh vous les chochottes vous n'accouchez pas...", mais les piqûres, perf, pose cathéter, injection produits IRM / Scanner, prises de sang, ça les piqûres t'en as vite plein le cul même si c'est pas dans ce secteur que ça se situe. Tes bras se junkiisent au fil des semaines. Et ce petit con avec son minois craquant, son gel dans les cheveux, ses trois poils savamment organisés sur ses joues et son menton d'ado, il est en formation bien sûr, faut qu'il apprenne, "Oh je comprends pas monsieur, vos veines roulent...", deux piquouzes tentées au bras gauche, trois au bras droit avant qu'une ancienne n'arrive à sa rescousse.... Et mon cul il roule ?

Anyway, quand tu commences à prendre le chemin ça commence plutôt bien, ensuite tu te recouvres de gris, tu t'embrouillardises, tu essaies avec ceux que tu aimes, avec tes vrais potes, de faire bonne figure. Tu es balaize, tu sens ta force dans ton ventre, dans ta tête, dans tes bras, dans ton coeur, dans ton sexe. Tu es comme dans les "Marvel", tu reçois de supers pouvoirs. Je vois en ce moment des bleus dans le ciel, dans la nature, que même Matisse n'a jamais vus, j'entends des sons parfois, en musique, qui auraient fait pâlir Miles himself, pas la note bleue, mais quand même, si proche... t'es affûté au niveau des sens comme une navaja tolédane, un rasoir 3 lames Wilkinson ou l'Opinel de mon pépé autrefois. Mais...

Mais très vite quelque chose va plutôt mal, tu ne chougnes pas, tu ne te lamentes pas, tu ne pleures pas - quoi que - en plus des perforations, des piqûres, des explorations anatomiques intimes, internes, des anesthésies générales comme chez le vétérinaire, en plus des kilomètres de couloirs arpentés zombiquement pour te rendre de l'unité IRM au service consultation gastroenterooncolo via des couloirs qui n'ont rien à envier à ceux du Minotaure (qui s'y trouve du reste dans tous les hôpitaux), après ces kilomètres où tu te paumes car t'es paumé dans ta tronche... passant par la buanderie, tu voies personne pour te rencarder, tu bifurques par la chapelle, la chambre mortuaire, le local technique du secteur E8, la cardio, oups demi tour, après tout ça, après, tu arrives et tu dois passer par un autre guichet et t'asseoir...

Après les plombes passées le cul assis sur une chaise soit verte, soit rouge soit orange selon la signalétique des couloirs de la même couleur qui a tenté de te mener vers elles, après tout ça y'a un truc qui résonne en toi comme le gros bourdon de Notre Dame de Paris, un truc énorme, quand t'es assis, quand tu attends, ça déflagre en toi  : " T'es cancéreux".

Tsunami, onde de choc. J'imagine les souffrances endurées par les cagots au moyen-âge dans notre région, pestiférés qui n'en étaient probablement pas, morts vivants, exclus et interdits de société et de "commerce" avec les vivants, j'imagine les premiers malades du SIDA, l'enfer qu'ils ont dû vivre. Quand tu es cancéreux, t'es foireux, t'es merdeux, t'es honteux, t'es sale, t'es pas comme les autres, t'as un statut à part, t'es vivant mais dans bien des esprits c'est tout comme si t'étais mort, mais bien pire encore, cette curieuse forme d'humiliation, cette sensation si forte d'avoir été agressé par un inconnu.

Ta vie bascule quand tu es cancéreux, tu as été atteint irrémédiablement car t'as été violé et va te falloir, si tu en réchappes, du temps pour t'en remettre. Le cancer ne fait pas qu'attenter, à ta vie, à ta santé, à ton intégrité, il t'atteint dans ton intimité la plus personnelle, la plus fine, la plus essentielle, il t'atteint dans ton intériorité, dans ta constitution humaine.

À défaut hélas, de pouvoir le prendre au kolback s'il était en face de moi, comme au goshin jutsu, je lui dégueule tout mon plus profond mépris. Le cancer n'est pas seulement qu'un enfoiré de sa race, le cancer n'est qu'un sale putain de salopard de violeur.

 kolb


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aragon 1451 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte