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"La pomme ne tombe pas loin du pommier" de Bertrand Redonnet, Cédalion, août 2017

Publié le 27 octobre 2017 par Feuilly

Voilà assurément un livre que je vous recommande. Une belle histoire, sensible et émouvante, où la destinée individuelle est mise en parallèle avec la destinée de l’humanité toute entière. La scène se passe toujours, dans les livres de l’ami Redonnet, ou bien  sur les terres de l’Ouest, battues par les vents de l’Atlantique (les Charentes, le marais Poitevin, la Vienne) ou bien dans l’Est de la Pologne. Pas étonnant puisque cet auteur est originaire de la Vienne et qu’il vit aujourd’hui en Pologne. Dans son dernier roman, c’est encore plus simple, puisque les héros passent alternativement d’une région à l’autre.  Mais s’il y a évidemment une part d’autobiographie derrière tout cela, ce n’est pas le but recherché.  Les thèmes traités, ce sont plutôt les paysages et l’Histoire. On y parle de ces résistants polonais qui se sont battus contre les Nazis avant de retourner leurs armes contre le « libérateur » russe, qui se montrait tout aussi envahissant que son prédécesseur. Après quelques années de combat utopique, un jeune couple, traqué par les autorités, prend le chemin de l’exil et se retrouve sur les rivages de l’Atlantique, où il s’établit.

Soixante ans plus tard, leur fils veut partir à la découverte du pays de ses parents, cette Pologne mythique où il sait qu’ils ont été des héros. Il refait donc le chemin à l’envers. Non seulement celui de ses géniteurs, mais aussi celui des grandes migrations du temps du néolithique. Car dans son verger charentais, on vient de découvrir une nécropole préhistorique. Le lecteur est donc invité à réfléchir sur le sentiment d’appartenance. Sommes-nous de la terre qui nous a vus naître ? Oui et non car nos ancêtres lointains, finalement, venaient d’ailleurs. Nous sommes donc tous des migrants ou si l’on veut des exilés (et là on voit poindre la réflexion  existentielle fondamentale : qui sommes-nous ?)

Mais une fois parvenu en Pologne, le héros découvre un autre aspect de ses parents qu’il n’avait pas imaginé. La guerre est cruelle et est faite de sang et de barbarie. L’image idéalisée du père en prend un coup ! Le fils a-t-il bien fait de venir, finalement ? D’autant plus qu’il a laissé en France une sympathique archéologue qui ne lui voulait que du bien et avec qui il aurait mieux fait de faire sa vie plutôt que de courir après des fantômes.

Ce voyage initiatique, à la recherche des siens et surtout de lui-même, l’amène devant cette forêt primitive qui existe vraiment en Pologne, à la frontière biélorusse : la forêt de Białowieża, qui est un reste de l’immense sylve qui recouvrait autrefois le contient jusqu’à l’Atlantique. On y trouve des loups, des lynx et les derniers bisons d’Europe. C’est donc là qu’est le pays de son père, mais c’est aussi un peu le berceau de l’humanité car c’est dans un environnement semblable qu’ont vécu les hommes de la préhistoire, comme ceux dont on a retrouvé les squelettes en Charente.

Le livre est donc un va-et-vient perpétuel entre le passé et le présent, entre ici et ailleurs, entre l historie individuelle et celle de toute l’humanité.

Tout est décrit avec nuance (le père héroïque n'est-il pas finalement un vulgaire assassin ? Et les Russes libérateurs des nazis ne sont finalement que d'affreux occupants).Il y a des scènes tendres et pudiques (la rencontre avec Maryse, l’archéologue ou  avec la tenancière d’un hôtel en Pologne). Il y a des personnages hauts en couleur (le vieux Jozef, qui a vécu toutes les guerres et qui connaît bien la forêt et les hommes, ou Nestor Augérant, ce Charentais qui avait accueilli à bras ouverts le jeune couple de migrants en fuite).

J’ai adoré ce livre et si on est captivé par l'histoire, derrière celle-ci il y a surtout de la réflexion (sur le temps, l'Histoire des hommes, le destin, le hasard, etc.). Et puis cette question : qui sommes-nous si nous dépendons des événements ? Le vieux Jozef donne la réponse : il ne faut pas juger de nos actes anciens selon notre point de vue d'aujourd'hui. Ce chemin à rebours du fils vers la Pologne de ses parents (qui n'avaient fait que reproduire les migrations néolithiques) et vers cette forêt primitive, nous renvoie à nos propres origines et à celles de toute l'humanité..

Un beau livre, vraiment. !

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