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Corrigé : dans “consœur”, il y a “sœur”…

Publié le 18 juin 2008 par Maitremo
Corrigé : dans “consœur”, il y a “sœur”…

… Ce qui constitue l’unique raison pour laquelle nous n’accablerons pas ici celle dont je parlais un peu plus bas, en lançant mon grand concours de détection des erreurs d’audience les plus laides de France - enfin, pas trop…

Je tiens tout d’abord à remercier les milliers de participants, une telle masse de réponses réchauffant le bout des doigts de l’auteur, congestionnés à force de taper compulsivement, seul dans la nuit, ses petits textes éducatifs…

Vous l’aurez compris, afin de ne pas trop saturer cet espace, je n’ai publié que les meilleurs commentaires, au nombre de quatre, la Robe d’Or revenant à Doudougalak (à qui je décerne bien volontiers la majuscule, omise sur ce doux nom), dont on peut peut-être penser au travers de sa réponse que le magistrat (”profane”? M’étonnerait…) n’est pas loin…

Bref, petit corrigé tellement évident qu’il n’aurait jamais du avoir à être dit, mais qui devrait l’être plus souvent je crois - ne perdons jamais de vue que tant les justiciables que les magistrats sont massivement concernés par ces “petites” audiences, et que l’impact du comportement assez triste de l’avocat dans ycelles audiences est malheureusement énorme, tant sur l’opinion publique, comme on dit - qui comme chacun sait adore les avocats - que sur celle des magistrats - même remarque…

Dossier 1 : effectivement, et sauf réelle catastrophe de dernière minute, l’on se doit selon moi de prévenir le plus rapidement possible tous les intervenants d’un dossier d’une demande de report : le client, évidemment (pour l’avocat, reporter une affaire est une simple démarche, une date modifiée sur un agenda; pour le justiciable, c’est devoir supporter une seconde fois une grosse tension, accepter de ne pas connaître son sort pendant encore plusieurs mois…) - et ce n’est pas évident pour tout le monde : le sien, ce jour là, manifestement n’étais pas informé de la demande de report de son avocate, mais encore ne l’avait jamais vue !

Le président d’audience et le parquetier, ensuite : pure correction, ils sont sensés travailler leurs dossiers avant l’audience (si, si, certains le font), il n’y a aucune raison de les laisser le faire pour rien - d’autant qu’on s’expose alors à un refus, évidemment…

Et puis suivre cette ligne vous permet, le jour où ce sont les magistrats qui vous font le coup, de piquer une grosse colère ointe de dignité outragée à l’audience, dont nul ne vous contestera dès lors la légitimité - car “eux” ne préviennent pratiquement jamais, l’avocat pouvant préparer une audience pour rien, tout le monde s’en tape généralement, et ne pas avoir la même attitude nous place un cran au-dessus, voilà !

Et accessoirement, les autres avocats concernés par le dossier : déontologie, politesse, évitement de préparation de dossier inutile, voire même de déplacement vain à l’audience : il existe un paquet de raisons justifiant le respect de cette règle… Et un paquet de fois où elle n’est malheureusement pas respectée, la confraternité, pourtant une très jolie valeur, restant bien souvent enfermée dans les livres…

On a aussi les confrères qu’on mérite : cette consoeur ne s’étonnera pas d’une éventuelle difficulté avec notre confrère de la partie civile lors d’une prochaine rencontre, alors que dans ce dossier il a appris sa demande de report à l’audience, et a du gérer celle-ci avec sa cliente, tous deux ayant fait le déplacement, et s’étant intellectuellement conditionnés, pour rien…

Enfin, “n’avoir pas eu le temps” est toujours une mauvaise raison, c’est comme ça, et ça n’en est évidemment pas une : j’ai connu un magistrat qui dans les mêmes circonstances répondait au confrère : “Ah, mais Maître, je constate pourtant que vous avez pris le temps de vous raser ce matin; vous auriez plutôt du le consacrer à préparer votre dossier…”, et refusait systématiquement les renvois de ce type.

Ici bien sur le président ne pouvait pas émettre cette objection : ma consoeur n’était manifestement pas rasée…

Le renvoi a été accepté, mais après un double discours de reproches du président et de la parquetière à l’avocate, qui a du les supporter devant tout le monde, debout dans sa robe, sa crédibilité auprès des magistrats et de ses clients du jour ne s’en étant que mieux portée, on s’en doute…

Dossier 2 : erreur fréquente, et pourtant… Je vous confirme donc que la loi impose au juge, en cas de récidive légale de conduite en état alcoolique, de CONSTATER l’annulation du permis, et non pas la prononcer, celle-ci intervenant de plein droit.

L’utilité (d’ailleurs souvent relative il faut bien le dire) de l’avocat, est alors de plaider sur la durée de l’interdiction de repasser le permis, qui, elle, est fixée par le juge, et d’essayer bien sur de la rendre la plus brève possible…

Ici, non seulement la plaidoirie de ma consoeur était totalement inutile, mais encore confinait nécessairement à l’escroquerie vis-à-vis de son client, qui pouvait, lui, croire que réellement il existait une chance que son permis ne soit pas annulé, et enfin, exposait l’avocate à encourir de nouveau les foudres verbales du magistrat, qui pouvait faire choix de ne rien dire, ou celui de la laminer publiquement un peu plus… Devinez, surtout après le dossier 1 ?

Avant de délibérer sur le siège (c’est à dire immédiatement, comme souvent en la matière, ce qui n’est pas une bonne pratique selon moi, en ce pour commencer qu’elle est irrespectueuse du pauvre type qui se tient là, debout, et qui conservera l’impression d’avoir été “expédié”, mais c’est un autre débat), le président s’est adressé au conducteur imprudent en ces doux termes : “Monsieur, je ne vais pas suivre la curieuse demande formée par votre avocate, car je commettrais alors une illégalité…”, et lui a expliqué pourquoi la chose était impossible…

J’espère que l’homme a chaleureusement remercié son conseil ensuite.

Dossier 3 : là, il y a tout, les mots et la place manquent nécessairement.

Procéduralement d’abord, l’avocat doit, toujours, communiquer les éléments écrits qu’il entend faire valoir à toutes les parties, parquetier et avocat adverse : nous ne sommes pas au sein d’une discussion de bistrot ou dans un hall de gare, l’audience est contradictoire, les arguments le sont aussi, et le sont encore plus lorsqu’il s’agit de s’inventer au dernier moment un moyen de défense sur le fond !

Tenter de surprendre les parties en présence (car ce n’était évidemment pas une omission, mais une façon de procéder délibérée : lorsqu’on n’a qu’une unique pièce, et que l’on base toute sa défense dessus, croyez-moi, même si on ne respecte rien, on n’oublie pas cette pièce, et on n’oublie pas non plus que personne ne la connaît !) est toujours très mal perçu, à juste raison, et renforce encore, s’il était besoin, la sensation lourde d’impolitesse et de malhonnêteté intellectuelle qui peut peser sur l’avocat qui agit ainsi, qui, loin de surprendre réellement qui que ce soit, perd alors le peu de crédibilité qui lui restait, et met lui-même à néant sa fameuse pièce, à laquelle personne n’accore plus la moindre valeur, selon l’adage que j’invente à l’instant mais qui resservira : “pièce mal produite, mal obtenue”.

Elle n’a exhibé cette attestation qu’en fin de plaidoirie, ce qui ne lui a valu que quelques hurlements de la parquetière et de votre serviteur, interrompus par le président : “Maître Mô, dans ces conditions, je n’ai pas l’intention de lire ce document, mais vous pouvez en prendre connaissance…”, a-t-il dit en tendant le feuillet vers le banc de la partie-civile; “Non, moi non plus, Monsieur le Président”, ais-je servilement répondu.

Ensuite, il ne faut jamais plaider contre les éléments objectifs d’un dossier.

Il est parfois opportun de laisser dans l’ombre tel ou tel témoignage pas trop favorable (notamment lorsque vous avez acquis la conviction que le président n’a pas lu le dossier et qu’il l’oublie lui-même… Ce qu’il fait cependant parfois exprès de laisser penser en n’en parlant pas…), il y a plus que souvent nécessité de discuter tel ou tel témoignage pour pouvoir l’annuler ou le contredire, mais jamais, au grand jamais, il ne faut plaider en prétendant faire dire “blanc” à un pv qui dit expressément “noir” : ce qui nous insupporte tous dans la vie civile, et se nomme souvent “mauvaise foi”, est inadmissible et catastrophique dans une plaidoirie de défense pénale.

Parmi ces éléments objectifs figurent aussi l’évidence : de la même façon, il ne faut jamais plaider contre l’évidence… Ce qui, si vous écoutez les avocats à l’audience pendant tout une longue matinée, n’est pas si… Évident.

Ici, trois témoins, dont un assermenté, et la partie civile, mais également… Les aveux, dits deux fois, du mis en cause lui-même, et les constatations médico-légales, qui tous vont dans le même sens…

Je n’ai pas besoin je crois de faire un long dessin, même à l’intention des non-juristes, pour souligner que les faits ne sont pas contestables, et qu’il est non seulement totalement idiot de les contester, mais encore, bien plus gravement, contraire à l’intérêt de celui que l’on prétend défendre, qui ainsi non seulement sera jugé comme auteur des faits, mais encore comme celui de mensonges, et n’en sortira pas grandi - à l’inverse de sa peine, bien souvent…

La noblesse de la défense réside entre autres dans le fait de parvenir à argumenter utilement sur des faits reconnus, certainement pas dans celui de nier l’évidence pour s’offrir à bon compte une inutile plaidoirie de relaxe…

Parlons enfin du fond, justement, lequel ici est non seulement écrit dans le marbre du Code Pénal, mais encore dans toute la jurisprudence existant en la matière : pour rester très schématique, si vous frappez volontairement quelqu’un avec une couteau, c’est une violence volontaire. Toujours ? Ben, oui… Si vous êtes boucher, que vous tenez un couteau pour couper le rumsteck, et que vous vous retournez sans faire attention et blessez le commis qui se tenait à côté de vous sur l’étal, c’est une violence involontaire; mais si vous sautez sur un type inconnu en pleine galerie marchande avec un couteau à la main, dont tous les témoins disent que la lame est ouverte, et lui en portez un coup à hauteur du thorax… Oh, bref, je vous prie de m’excuser d’avoir à écrire ça, tant l’évidence est grande, j’ai honte, pardon…

A noter, au surplus, que tout peut devenir une arme (ce que l’on appelle alors une “arme par destination” : les clés que vous tenez, votre chien, votre voiture si vous tentez volontairement d’écraser une consoeur votre épouse avec, etc…), de telle sorte, en plus, que le débat sur la lame repliée ou sortie n’avait aucun intérêt juridique : même qualification, même peine encourue…

Enfin, ma commentatrice Marianne a raison : “Testis unus, testis nullus” (ce que feu Pierre Desproges, qui nous manque tant, traduisait par : “Avec une couille, on va pas loin”, j’espère qu’il rigole là où il est), un témoignage unique, au surplus aussi “téléphoné”, et s’opposant à tout le reste, n’a que très, très peu de valeur…

Six mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve de deux années, obligations de soins et de travail : le tribunal a manifestement réussi à passer outre l’avocate, et n’a jugé que le mis en cause, en tenant sans doute compte de son très jeune âge…

Il y a d’excellents avocats commis d’office, je n’oserais jamais dire ça de moi (sauf en privé, ou à l’audience, ou dans mes courriers, ou aux clients, ou…), mais, par exemple, tous les membres de mon cabinet interviennent aussi à ce titre, y compris en matière criminelle, parce que ça fait partie de la noblesse du métier et du pénal, parce que le bénéfice de ces désignations va à des personnes démunies, souvent intellectuellement faibles, et que nous pouvons leur prêter tout ce que nous sommes, et nos mots, notre science du droit, et même nos coeurs et nos tripes…

Je connais notamment trois jeunes et beaux collaborateurs et -trices qui “donnent tout” dans ces dossiers là aussi, et sacrément bien - et je n’écris pas ça parce qu’on pourrait les appeler MiniMôe 1, MiniMôe 2 et AssociéMiniMô 1…

Avec le double credo très simple de ne faire aucune différence entre les clients “payants” et les clients “gratuits”, et de respecter notre serment en toute circonstance : “dignité, conscience…” : simple, non ?

Mais tant que les Ordres, et donc aussi un peu nous-mêmes, n’exerceront pas un minimum de contrôle de la qualité de ce qui se fait à la Commission d’Office, celle-ci restera ce qu’est la leur au yeux des américains, avec laquelle elle n’a pourtant rien à voir : une défense de pauvres, exercée par des nuls, un misérable pis-aller - et au pire on est bien allés cette fois là…

En attendant, faites-moi plaisir : si vous vous rendez compte que l’avocat qu’on vous a désigné ne vous propose pas de vous rencontrer avant l’audience, ne vous demande pas de pièces, ne vous adresse aucune lettre, ne vous demande pas, même au pire le jour de l’audience, si vous êtes d’accord avec ce qu’il va dire pour vous, ne vous expose pas ce qu’il va dire, vous propose de plaider n’importe quoi en vous imposant une version qu’au fond vous savez non-crédible, ne vous dit rien sur ce que vous risquez, ni rien non plus sur vos possibilités de recours, si vous entendez à l’audience des énormités ou vous en rendez-compte en voyant la réaction des juges…

CHANGEZ-EN !!


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