Repères :
La France est le plus gros utilisateur d'herbicide en Europe. Elle en épand entre 8000 et 9000 tonnes par an, soit environ 12% des pesticides. Les herbicides sont surtout utilisés sur la culture du blé. Générations futures se demande s'ils servent uniquement à éliminer les mauvaises herbes. L'utilisation des herbicides comme dessiccants est interdite mais le glyphosate par exemple est utilisable jusqu'à 7 jours avant récolte ! Quand le glyphosate est épandu sur une récolte presque mûre, le blé concentre son énergie pour produire des graines, alors que le reste de la plante meurt rapidement : c'est ce que l'on appelle l'effet dessiccant. Cela réduit les taux d'humidité dans les graines récoltées les années humides, tout en tuant les mauvaises herbes, et permet une récolte plus précoce. Mais les résidus d'herbicide sur les graines peuvent alors atteindre des niveaux importants.
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Le 9 novembre, les Etats-membres doivent décider par un vote si le glyphosate (dont l'autorisation de mise sur le marché expire en décembre) est interdit ou non dans l'UE, à effet immédiat ou non, ou au contraire s'il est ré-homologué et dans ce cas pour combien d'années. La commission européenne avait d'abord proposé une ré-homogation de 15 ans mais devant la fronde soulevée par cette proposition, elle l'a réduite à 5 ans. Elle s'est appuyée sur l'évaluation de l'autorité européenne de sécurité sanitaire, l'EFSA, qui a considéré cette substance comme non cancérigène, en contradiction avec le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une instance de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Comment l'EFSA, ou plutôt l'agence sanitaire allemande Bfr qui a réalisé le travail pour le reste de l'UE, est-elle parvenue à cette conclusion ? En écartant de nombreuses études qui concluaient à la dangerosité du produit. L'association Générations Futures a voulu savoir sur quels fondements. Elle a missionné un expert pour examiner les motifs de rejets. Parmi les 146 études de toxicité sur le glyphosate de la base de données PubMed qui remplissaient les critères de sélection (études universitaires et études réalisées par les firmes), 76 ont été retenues (51%). Et seulement 49 rejets ont été motivés. Ce sont les argumentaires de ces 49 rejets qui ont été étudiés. Pour les autres études, impossible de savoir.
Des motifs de rejets majoritairement irrationnels
De nombreux rejets n'ont rien de scientifique, selon l'expertise. Certains tiennent au mode d'enregistrement de l'étude qui ne respecterait pas certaines pratiques, définies par l'industrie. L'équivalent de ce que l'on appellerait un vice de procédure en droit mais ici le droit est dicté par les firmes. Six études sur 49 ont ainsi été écartées sans même avoir été examinées sur le fond.
Cinq autres études sont rejetées à la suite d'un " contrôle historique ". De quoi s'agit-il ? Quand des résultats d'expérimentations sont mauvais, on les compare avec ceux d'autres études afin de les invalider. Ces autres études sont parfois effectuées par les firmes et tenues secrètes, ce qui rend toute vérification impossible.
Un autre motif est celui des faibles doses. Pourtant, "il existe déjà environ 8000 résultats publiés de toxicité à faible dose de produits chimiques chez les vertébrés ", note l'expertise. Elle observe que " les méthodes de l'industrie (...) sont conçues pour détecter uniquement les intoxications aigues " mais pas " pour détecter la toxicité liée à des expositions chroniques ".
Au total, les motifs de 45 rejets sur 49 seraient " irrationnels " selon l'expertise.
Le 9 novembre, il est probable que l'Allemagne et l'Italie voteront contre une ré-homologation du glyphosate. Quant à la France, sa position n'est pas claire car les trois ministères en charge de cette question - Agriculture, Transition écologique et Santé- ne tiennent pas le même discours. Pourtant, sa position est décisive pour faire pencher la balance au sein de l'UE.
Anne-Françoise Roger