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L’actu scientifique d’octobre 2017 (L’Eurêkap #4)

Publié le 11 novembre 2017 par Valentine D. @sciencecomptoir
Bien l’bonjour m’sieurs dames ! Les affaires reprennent et par là, j’entends que L’Eurêkap redémarre après s’être fait une petite beauté. C’est parti pour le tour d’horizon de l’actu scientifique d’octobre 2017 ! Au programme : de la lecture, des grimaces de chien, des insectes qui dégustent et en dessin, des oiseaux innocentés. Et immédiatement sous la vidéo, des actus bonus que je n’ai pas eu la place de traiter 🙂

Le décollage du moustique

Ah, les moustiques : ils nous piquent et redécollent en toute discrétion… Mais comment font-ils ? Des chercheurs ont percé la stratégie de ces petits bâtards pour décoller en douceur, même chargés de 50 litres de notre sang. Des caméras à très grande vitesse ont dévoilé la combinaison gagnante des Anopheles coluzii : des ailes qui battent très fort, très vite pour donner beaucoup de puissance à la bête sournoise, et des gambettes à rallonge dont ils se servent très peu au décollage. Pour plus d’infos, je vous recommande la vidéo (en anglais) associée au communiqué de presse.

Source : Muijres FT et al. 2017, Escaping blood-fed malaria mosquitoes minimize tactile detection without compromising on take-off speed, Journal of Experimental Biology 220: 3751-3762. Lire le communiqué de presse en anglais, ou cet article en français sur Sciences et Avenir.
Une araignée Sittiflor floricola
Cette adorable Sittiflor floricola ne vous veut aucun mal, enfin ! (© Lukas Jonaitis/Wikimedia Commons)

L’arachnophobie, une peur innée ?

Chez l’humain, les deux phobies les plus courantes sont la peur des araignées et des serpents. Et si cette réaction était… innée ? C’est ce que suggère une étude parue le 18 octobre dans Frontiers in Psychology. Des chercheurs ont montré à 16 enfants âgés de 6 mois des images de fleurs, de poissons, d’araignées ou de serpents. Ils ont mesuré la dilatation de leurs pupilles, qui traduit leur degré d’attention (lié à la synthèse d’adrénaline, médiatrice de la réaction « fight or flight » lorsque nous sommes face à une menace). Verdict : les pupilles sont formelles, serpent et araignée captent le plus l’attention de la marmaille. Dès notre plus jeune âge, nous stressons spontanément lorsque nous sommes confrontés à ces « menaces ancestrales ». Voilà qui, pour les auteurs de l’étude, serait un mécanisme inné hérité de nos lointains ancêtres !

Source : Hoehl S et al. 2017, Itsy Bitsy Spider…: Infants React with Increased Arousal to Spiders and Snakes, Frontiers in Psychology. Lire le communiqué de presse en anglais.

Les actus traitées en vidéo :

Ondes gravitationnelles

Voici un événement majeur en astronomie, rendu public le 16 octobre. Cet été, les interféromètres LIGO et Virgo ont de nouveau entendu la douce mélopée d’un cataclysme cosmique. On écoute :

Cette fois, et c’est une première, ce sont deux étoiles à neutrons qu’ils ont surpris le 17 août dernier en train de fusionner, à 130 millions d’années-lumière de la Terre. Ces astres sont des reliquats d’étoiles massives qui, arrivées en fin de vie, s’effondrent sur elles-mêmes sous le coup de leur propre gravité. Les étoiles à neutrons sont très denses : imaginez la masse du Soleil contenue dans une ville comme Londres !

La coalescence de ces astres a été si violente qu’elle a déformé localement l’espace-temps et généré des ondes gravitationnelles qui nous sont parvenues. Mais pas seulement, puisque cette fusion a provoqué un sursaut gamma court ainsi qu’une forte éjection de matière chaude et radioactive, qu’on appelle kilonova. Cet événement a émis de la lumière dans toutes les longueurs d’onde du spectre, que nos télescopes ont pu capter sur Terre et dans l’espace.

Cette première a d’ores et déjà permis aux chercheurs de résoudre plusieurs énigmes de longue date. Ils ont par exemple vérifié que ce genre de collision pouvait produire des éléments plus lourds que le fer, comme l’or, le plomb ou en l’occurrence, le césium et le tellure.

Ce changement de paradigme en astrophysique est aussi marqué par une collaboration à large échelle de la communauté scientifique internationale : plus de 3.000 chercheurs ont travaillé de concert avec une multitude d’instruments sur ce même objet, qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

Sources : (en français) l’Université Paris-Saclay, le Journal du CNRS, (et en anglais) la BBC, le site de la revue Science (qui répertorie toutes les études publiées à la suite de cet événement)
Chien qui tire la langue
Jésus l’avait prédit : Einstein s’est réincarné en shih tzu. (© Pxhere)

La communication des chiens

Les expressions faciales des chiens seraient de véritables signaux de communication, et non pas de simples manifestations involontaires d’une émotion. La preuve : quand un humain le regarde, le chien accentue ses mimiques (surtout le lever de sourcil et le tirage de langue), et il produit aussi davantage de vocalisations. C’est la conclusion d’une étude parue le 19 octobre dans Scientific reports, réalisée sur 24 chiens domestiques d’âge et de race variés. Les chercheurs soulignent que les chiens cohabitent avec les humains depuis 30 000 ans. Savoir communiquer avec nous a pu être un avantage sélectif pour eux.

Source : Juliane Kaminski et al, 2017. Human attention affects facial expressions in domestic dogs, Scientific Reports. (lire le communiqué de presse en anglais)
En Allemagne, 76% de la biomasse des invertébrés volants a disparu en près de 30 ans.
En Allemagne, 76% de la biomasse des invertébrés volants a disparu en près de 30 ans. (© Hallmann et al. 2017)

Allemagne : les insectes en déclin

Sur une note moins joyeuse : en Allemagne, près de 8 insectes volants sur 10 ont disparu en l’espace de presque 30 ans. A l’heure actuelle, on ignore la cause de cet effondrement des populations d’invertébrés, qui pourrait bien concerner toute l’Europe occidentale.

Des chercheurs ont placé des pièges dans 63 sites protégés (qu’ils jugent représentatifs des paysages naturels de basse altitude en Europe occidentale). En 27 ans, ils ont récolté pas moins de 53 kg d’insectes volants, soit plusieurs millions d’individus. Et là, c’est le drame : en 3 décennies, la biomasse des bêbêtes a diminué de 76 %…

On savait déjà que certains groupes comme les papillons et les abeilles sauvages prenaient cher, mais on sait maintenant que c’est toute une communauté d’invertébrés qui déguste.

A ce stade, impossible d’expliquer l’origine de cette hécatombe. D’après les analyses effectuées, le changement climatique serait hors de cause, ou tout du moins les variables testées n’ont pas pu expliquer cette diminution drastique. Mais il faudrait approfondir les résultats avant d’écarter définitivement ce facteur.

A l’heure des spéculations, les auteurs de l’étude voient en l’agriculture intensive le coupable idéal. Les zones échantillonnées étaient entourées de champs, elles peuvent donc être particulièrement impactées par l’usage des pesticides, des intrants et par les pratiques agricoles.

En tout cas, cet effondrement démographique paraît d’autant plus préoccupant qu’il peut impacter l’ensemble de la chaîne alimentaire et affecter plus globalement le fonctionnement des écosystèmes.

Sources : Hallmann CA, Sorg M, Jongejans E, Siepel H, Hofland N, Schwan H, et al. (2017) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLoS ONE 12(10): e0185809. Articles de vulgarisation en anglais sur Canadian Geographic, la BBC et Science.
Fossile de ptérosaure (vue d'artiste pas doué en anatomie)
A qui imputer la disparition des ptérosaures ? Sans doute pas aux oiseaux, en fin de compte. (© VD/Science de comptoir)

Disparition des ptérosaures : les oiseaux innocentés ?

Paléontologie. Un chercheur australien a peut-être trouvé la preuve qui innocentera les oiseaux du terrible crime dont ils sont accusés : la mort des ptérosaures. Remontons de quelque 150 millions années.

Nous sommes au Mésozoïque. Les oiseaux ont fraîchement évolué à partir de dinosaures non volants appelés théropodes, alors qu’un autre groupe de vertébrés volants, les ptérosaures, prospèrent déjà gaiement. Les deux familles coexistent pendant 90 millions d’années, avant que les ptérosaures ne passent l’arme à gauche. Pour certains paléontologues, leur mort est à imputer aux oiseaux, qui les auraient terrassés à l’issue d’une compétition féroce.

Mais voilà que de nouveaux éléments viennent bousculer ce scénario : d’après une étude parue le 18 octobre dans Proceedings of the Royal Society, les deux groupes volants auraient peut-être cohabité paisiblement, en fin de compte.

L’auteur de l’étude a reconstitué le mode de vie des feues créatures volantes, en rassemblant leurs caractéristiques physiques au stade adulte, à partir de fossiles. Il s’est penché sur certains de leurs traits morphologiques clés (comme la longueur de certains os, ou de leurs plumes) qui traduiraient d’une certaine manière le comportement ou la biologie d’une espèce.

Cette analyse met en évidence des différences « cruciales » entre les deux modes de vie. Aussi bien pour leur régime alimentaire que leur taille ou dans leur façon de se mouvoir. Par exemple, les oiseaux avaient des métatarses plus longs que leurs cousins ptérosaures. A taille égale, les paléo-piafs auraient eu des foulées plus importantes, et donc ils étaient peut-être de meilleurs coureurs. En revanche, qu’ils soient aquatiques ou terrestres, les ptérosaures avaient des mâchoires plus longues que les oiseaux, ce qui suggère qu’ils ne cherchaient pas la nourriture au même endroit. Leur mâchoire leur permettait peut-être de choper des proies enfouies dans le sol, le sédiment ou nageant plus profond dans l’eau.

En résumé, pas de compétition : les paléopiafs et les ptérosaures auraient simplement adopté des stratégies écologiques distinctes. A ce jour, la mort des ptérosaures reste donc inexpliquée.

Source : Chan NR, 2017. Morphospaces of functionally analogous traits show ecological separation between birds and pterosaurs. Proceedings of the Royal Society B. 284:20171556. (lire le communiqué de presse en anglais). Plus d’infos en français sur l’extinction Trias-Jurassique par Alex Bernardini.
Une fresque représentant une sirène passée sous un camion.
Je trouvais pas d’image en rapport alors voici une sirène. (© Robert Waghorn/Pixabay, merci à lui)

Extinction du Trias-Jurassique : nos océans l’ont échappée belle

Et toujours en Paléontologie, nos océans sont plus forts qu’on ne le pensait. Remontons encore un peu de 50 millions d’années.

200 millions d’années avant Jésus-Christ. Nous sommes au Trias supérieur et la planète traverse l’une de ses pires crises : pendant que la Pangée se disloque, les volcans se déchaînent, dégageant d’importantes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et paf ! Le climat se réchauffe, c’est la crise écologique, près de la moitié des espèces existantes sont précipitées au cimetière. Et pourtant : des chercheurs ont découvert que les océans avaient relativement bien traversé cet épisode. Bien sûr, des tas d’espèces marines ont été rayées du registre, mais les écosystèmes ont pu continuer à fonctionner comme ils le faisaient jusqu’alors. La biodiversité est restée suffisante pour que le bateau continue à voguer. Par contre, les milieux les plus fragiles situés aux tropiques, ont bien souffert de cette crise. C’est le cas des écosystèmes coralliens par exemple, qui ont mis plus de 20 millions d’années à s’en remettre.

Pour arriver à ces conclusions, parues le 20 octobre dans la revue Palaeontology, des chercheurs anglais et américains ont classé toutes les bestioles connues ayant existé juste avant ou après cette extinction de masse (soit 55.000 espèces !) selon la manière dont elles se nourrissaient, dont elles se déplaçaient ou leur profondeur dans la colonne d’eau par exemple. Dans l’avant-après, ils ont remarqué que même s’il y avait moins d’espèces au final, y’avait moins de redondance mais chaque combinaison était toujours présente, donc chaque fonction de l’écosystème marin était toujours remplie.

Voilà qui donne un petit espoir sur l’avenir de nos océans…

Source : Dunhill AM et al. 2017, Impact of the Late Triassic mass extinction on functional diversity and composition of marine ecosystems, Palaeontology. (lire le communiqué de presse en anglais)
Un pou vu au microscope, tiré de L'Encyclopédie de Diderot-d'Alembert.
« Salut beauté. » Un pou vu au microscope, tiré de L’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert. (© Enccre, Académie des Sciences)

L’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert est en ligne !

Et pour finir, Diderot et d’Alembert n’osaient le rêver, des scientifiques l’ont fait : L’Encyclopédie est désormais accessible en ligne, presque entièrement numérisée et en version interactive !

C’est sur le site de l’Académie des Sciences que vous pourrez feuilleter les 28 volumes de ce morceau d’Histoire, admirer les magnifiques planches et lire la prose de près de 150 savants du XVIIIe, dont Voltaire, Rousseau et Daubenton. Ce projet titanesque de numérisation a occupé l’historien des mathématiques Alexandre Guilbaud et son équipe pendant plus de 6 ans. Vous retrouverez le lien vers L’Encyclopédie en description et sur mon blog. Si vous tombez sur des pépites au hasard de votre lecture, n’hésitez pas à me les envoyer sur Twitter @sciencecomptoir !

Source : site de l’Académie des Sciences, article en français sur le Journal du CNRS.
Rendez-vous dans un mois pour plus d’actu scientifique 😉

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