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Delphine Hecquet : dire l’indicible

Publié le 20 novembre 2017 par Les Lettres Françaises

Delphine Hecquet : dire l’indicibleEn tout juste deux spectacles, Delphine Hecquet affirme une volonté d’œuvrer dans des régions singulières pas souvent arpentées dans les réalisations d’aujourd’hui, loin en tout cas du réalisme à la mode, soi-disant en prise avec le monde. Dans Balakat déjà, son premier spectacle présenté en 2012, elle s’engageait sur l’histoire d’une naissance, celle de la parole et de l’écriture, avec la mise en place, dans un parloir de prison, d’un dialogue entre une détenue et une écrivain…

Près de cinq ans plus tard, le temps de monter une production, mais aussi d’écrire, car Delphine Hecquet est également auteure, d’exercer son métier de comédienne, aussi bien au théâtre (auprès de Jacques Osinski notamment) qu’au cinéma, la voilà qui nous livre un étrange et passionnant spectacle, Les Évaporés, qui s’appuie sur un phénomène bien connu au Japon dans les années 90, celui de la disparition de milliers de personnes. 180 000 personnes par an véritablement évaporées, hommes ou femmes décidant un beau jour de tout laisser tomber, famille, amis, travail, pour disparaître sans laisser aucune trace. Le phénomène, on en conviendra, a de quoi fasciner et permet pour qui entend se pencher sur lui d’ouvrir tous les possibles à l’imagination.

Delphine Hecquet n’a pas manqué de profiter de l’aubaine, construisant une intrigue (celle de l’enquête d’un journaliste français sur les pas de ces évaporés et de leurs proches plongés dans l’angoisse de l’attente et de l’inconnu) l’autorisant à fouailler les consciences des uns et des autres. Mais pas question pour elle, on le voit, de ne pas jouer cartes sur table : l’action de son spectacle se passe bien au Japon et l’ensemble de la distribution est japonaise. Étrange cheminement que celui de l’auteure-metteure en scène dont le texte est donc traduit et assumé par des acteurs japonais vivant en France.

Le spectateur est alors plongé dans un espace-temps bien particulier (entre Orient et Occident) que la belle scénographie de Victor Melchy éclairée ou plongée dans l’ombre par Jérémie Papin, renforce encore. La scène est coupée à mi-profondeur par une paroi transparente, certaines scènes se déroulant derrière, dans une atmosphère qui fait douter de leur réalité concrète. Rêve (cauchemar) ou réalité justement, on ne sait plus trop. Delphine Hecquet maîtrise l’ambiguïté. Comme elle maîtrise avec une belle assurance les autres éléments de la mise en scène et de la direction d’acteurs. Tout cela pour dire ou tenter de dire l’indicible. Il y a là incontestablement quelque chose de « magique », pour reprendre une partie du titre de la compagnie que Delphine Hecquet dirige, Magique-Circonstancielle.

Jean-Pierre Han

Les Évaporés de Delphine Hecquet. Mise en scène de l'auteur. 
Spectacle présenté au Studio-théâtre de Vitry. 
En tournée (Lorient, Bayonne, Limoges, Périgueux…)

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