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Choc et effroi dans les médias arabes (2/2) : le tour des Saoudiens

Publié le 24 novembre 2017 par Gonzo

Choc et effroi dans les médias arabes (2/2) : le tour des SaoudiensTrois semaines après les premières arrestations en Arabie saoudite dans le cadre de « la lutte contre la corruption », comment évaluer, au-delà du cas libanais évoqué dans le billet précédent, les conséquences de ce coup de force sur le paysage médiatique du Golfe ?

Au contraire de ce qui est souvent évoqué, la rafle princière n’est pas venue comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Les ambitions de MbS dans ce domaine étaient connues depuis longtemps, une certitude qu’est venue renforcer encore la crise avec le Qatar depuis le début du mois de juin dernier, crise dans laquelle les Saoudiens et leurs alliés (principalement les Émirats) ont décidé de faire de la chaîne Al-Jazeera un enjeu important. De ce point de vue, la « drôle de guerre » continue sans désarmer : après le départ, certainement loin d’être toujours souhaité, de quelques vedettes du petit écran sommées de choisir entre leur job à Qatar et le soutien à la politique de leur pays d’origine, le petit jeu consistant à bloquer ce qui est aujourd’hui le premier atout médiatique du Qatar, à savoir la chaîne beIN Sports (et non pas la chaîne Al-Jazeera), n’a pas cessé un seul moment. Par exemple, il y a eu récemment les plaintes officielles de Doha contre une chaîne piratant leurs émissions depuis le territoire des Émirats sous le nom explicitement provocateur de beoutQ (Q pour Qatar bien entendu, et be out pour se moquer de beIN). De façon plus subtile, la chaîne qatarie a riposté en annonçant un élargissement de son offre qui comportera désormais un canal dédié aux feuilletons où figureront en bonne place les productions… syriennes (quasi exclues, depuis la tentative de renversement de Bachar El-Assad en 2011, des chaînes de ses rivaux)  !!!

Deux démissions importantes sur le plan local sont également intervenues ces jours derniers, ce qui donne à penser que le coup de force de l’héritier du trône sera prolongé sur le terrain médiatique par des réaménagements, et même peut-être des bouleversements. La première démission est celle de Nabil al-Khatib (نبيل الخطيب) directeur de l’information sur Al-Arabiya, qui abandonne la chaîne où il travaillait depuis 2003. Même si l’information est démentie par les intéressés, il se dit, dans les milieux spécialisés, que c’est pour rejoindre Sky News, la rivale, installée à Dubaï et que ce « transfert » d’une star du métier fait partie d’un plan de « saoudisation » des médias. La seconde démission, plus spectaculaire encore, concerne Dawood al-Shiryân (داوود الشريان ), le très célèbre journaliste de la chaîne MBC où il a animé, depuis plus d’une décennie, une des meilleures émissions d’information de la région, intitulée « Le Huit » (Al-thâmina, sous-entendu « heures »). En pleurs (presque une habitude apparemment puisque c’est ainsi qu’on l’avait déjà rencontré dans ces chroniques), il a fait ses adieux aux auditeurs en leur disant seulement qu’il était appelé à d’autres fonctions. Là encore, il se raconte dans le métier qu’il se verrait confier la direction de la Saudi Broadcasting Corporation, organisme gouvernemental qui regroupe une vingtaine de radios et télévisions (notamment religieuses).

Annoncée alors que son ancien patron reste « immobilisé » dans les salons du Ritz Carlton de Riyadh, la nouvelle n’est pas vraiment passée inaperçue d’autant plus que ledit Dawood al-Shiryân s’est récemment fait remarquer pour une émission particulièrement dévastatrice envers Saad Hariri au sujet du sort réservé aux employés de la société Oger en Arabie saoudite, en panne de salaire depuis des mois… Hérault avant l’heure de ce qui s’appelle désormais « la lutte contre la corruption » en Arabie saoudite, Dawood al-Shiryân pourrait bien se retrouver à diriger nombre de ses anciens collègues puisqu’on évoque de plus en plus la possibilité d’une fusion (qui serait plutôt une absorption en fait) entre son ancienne chaîne, la MBC, et le conglomérat des médias officiels. Fort symboliquement, les médias saoudiens seraient dès lors, dans leur totalité ou presque, entre les seules mains d’un prince héritier devenu, de fait, le régent du Royaume.


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