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552ème semaine politique: le sketch de Macron l'Africain.

Publié le 02 décembre 2017 par Juan

  552ème semaine politique: le sketch de Macron l'Africain.

Où l'on parle de ces lois de destruction sociale, de cette ministre de la Santé qui découvre l'hiver, et, surtout, de Macron l'Africain.


Macron, l'antisocial ?
Après son spectacle élyséen sur la lutte contre les violences faites aux femmes, un discours de politique sans moyens comme l'ont soulignée aussitôt une centaine de personnalités dans une tribune publiée par Le Monde, Macron entame une séquence africaine. Depuis Sarkozy, c'est un rituel. Mais en France, c'est bien la loi Travail qui est définitivement ratifiée. En vigueur depuis quelques semaines pour certaines de ses principales mesures, la loi Travail est votée sans surprise par la majorité godillots: 463 voix pour et 74 contre, avec 20 abstentions. Macronistes et droite ont voté pour, presque comme un seul homme. L'opposition de gauche, minoritaire, a voté unanimement contre: socialistes, communistes, insoumis compris.
On en sait d'ailleurs davantage sur les effets de la fusion des instances représentatives, dont le CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Le projet de décret prévoit une baisse drastique du nombre d'élus du personnel dans les entreprises de plus de 3.000 salariés, un effet négatif pour les salariés qui était prévisible, mais caché par les . Et les budgets alloués par les entreprises au CE seront également réduits. Même le timide (et saboteur) Jean-Claude Mailly de Force Ouvrière semble se réveiller: la suppression des CHSCT est "la plus grande atteinte aux droits des salariés".
Merci qui ?
Merci Macron, merci patron.
A l'Assemblée, on dévoile aussi les curieuses dérogations que le ministre menotté Nicolas Hulot s'apprête à accorder aux entreprises minières en matière de production de pétrole et de gaz.
Autre sinistre projet, la loi de financement de la Sécu pour 2018 est également votée. Là encore, l'opposition de gauche, minoritaire, a voté unanimement contre. Cette loi prévoit "la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements généraux pour l'entreprise", une modeste revalorisation du minimum vieillesse (+100 euros par mois... en 3 ans) ou la suppression du RSI. Moins souligné, mais tout aussi réel, cette même loi prévoit aussi l'augmentation du forfait hospitalier de 2 euros par jour pour les patients, des déremboursements de médicaments (340 millions), la réduction des arrêts de travail et du transport médicalisé (240 millions), la réduction du nombre de soins (335 millions d'euros), la baisse des prescriptions (320 millions). Mais, "en même temps", la Sécu "n'est pas là n’est pas là pour offrir des montures Chanel à tout le monde", n'est-ce pas ?
Bizarrement, la ministre de la Santé qui impose une nouvelle cure d'économie aux hôpitaux fait mine de découvrir l'exacte même semaine où son projet de loi est voté que les urgences hospitalières sont à nouveau submergées à l'arrivée du froid et de l'hiver... Mais elle promet de désigner une "mission parlementaire" dont les conclusions sont attendues... "dans le courant du printemps.
Donc après l'hiver. 
Ne pleurez pas.
Dans les coulisses, on révèle que l'équipe macroniste cherche activement comment remplacer la taxe d'habitation supprimée pour 80% des foyers par un nouvel impôt, "l'impôt local du futur". Sur les ondes, on fait beaucoup de bruit sur cette nouvelle obligation faite aux députés de justifier leurs notes de frais (sic!) et cette proposition de loi d'un député Modem qui prévoit de fixer la résidence alternée  comme la norme pour les enfants de parents divorcés.
Mais le plus spectacle est certainement en Afrique.
Macron l'Africain
Il ment, ou il affabule. A moins qu’il ne soit naïf au point de croire ce qu’il a dit. Certes, il n’a pas commis l’ineffable discours raciste d’un Nicolas Sarkozy (rappelez-vous Dakar,  juillet 2007). Il évite aussi la visite d'autocraties trop voyantes. Son voyage se limite au Burkina Faso, à la Côte d'Ivoire et au Ghana, trois pays voisins au coeur de l'Afrique subsaharienne. Macron parle démocratie à la jeunesse burkinabé, mais soutient ailleurs des gens comme Ali Bongo au Gabon chez qu'il s'abstient de faire un grand tour médiatisé.
Sa première et longue intervention fut donc à Ouagadougou, au Burkina Faso, dans l'université Ouaga 1 devant le président Roch Marc Christian Kaboré. Il y a d'abord ce "sketch de la clim", une blague digne d'un Tintin au Congo jugée odieuse par certains, mais pas pas d'autres, y compris sur place dans la presse officielle. Buzzer sur les petits coups de com' qui transforme notre président en clown souriant est pourtant à peine moins réjouissant des autres coups de com' d'un autre clown plus sinistre outre-Atlantique.
552ème semaine politique: le sketch de Macron l'Africain.Le plus stupéfiant est ailleurs. D'abord la forme. Le discours était pesé pour flatter. Des conseillers élyséens sont allés faire quelques micro-trottoirs locaux pour "s'imprégner" et trouver les bonnes formules. Il faut "faire local".
Observez également les citations que Macron s'est choisies. C'est une politique de l'image et du paraître, une superficialité, une hypocrisie que Jupiter lui-même nie à l'estrade: "vous ne lirez jamais chez moi non plus des propos faciles pour faire plaisir". Vraiment ? Une citation du capitaine Thomas Sankara, dans cette fac que Macron décrit comme "marxiste", n'était-elle pas là, en introduction du discours, que pour "faire plaisir" ? On sent que Macron pourrait citer Chavez s'il avait besoin du soutien du Venezuela.
Évoquer l'écrivain Felwine Sarr (" l’Afrique n’a personne à rattraper, elle ne doit plus courir sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi ") qui réclame que l'Afrique puisse s'affranchir des critères de développement, et, surtout, qui expliquait quelques jours avant la venue de Macron que la France demeurait un problème, et non une solution, pour le continent était cocasse. Ou habile. Car Macron est aussi venu promettre un faux désengagement de la France sur le continent.
Il y a aussi ce narcissisme toujours incroyable mais connu: la multiplication des "je" et des "je suis" qui rapproche Macron de Sarko. Comme dans cette introduction, improbable: "Quand je vous parle de vous, je vous parle aussi de moi." C’est beau comme un « Ich bin ein Berliner » de Kennedy. Sauf que Macron ne promettait de briser aucun mur de la honte, ni apporter aucun vrai soutien. On retient vite que "la France n'a plus de politique africaine". Macron vient dire qu'ils devraient penser à se démerder seuls. Macron est de cette génération qui n'a connue que la Francafrique que pourtant il n'évoque jamais. Il promet de ne plus avoir de "politique africaine" mais "en même temps" il évoque, à juste titre, le terrorisme islamiste au Sahel, les attentats, et les récentes révélations de traites d'esclaves en Libye. Alors, qui croire ? Macron ou Jupiter ?
552ème semaine politique: le sketch de Macron l'Africain."En même temps", Macron promet d'augmenter une Aide Publique au Développement que son ministre ex-sarkozyste Darmanin vient de de sabrer comme jamais - 141 millions d'euros de coupe l'été dernier. 
"Je suis venu pour prendre des engagements. (...). Aussi ai-je pris l’engagement, dès le début de mon mandat, d’atteindre à la fin de celui-ci les 0,55 % du revenu national brut en termes d’aide publique au développement. C’est un engagement ferme, il est exigeant."
"En même temps", Macron évoque, avec hypocrisie,  la jeunesse burkinabe mais pas le pillage des ressources du pays, ni la présence militaire française. Macron évoque, avec sincérité, l'absence de progrès "sans émancipation des filles" ("est-ce qu’à chaque fois, dans chaque famille, vous êtes bien sûr que c’est le choix de cette jeune femme ?"). Mais ne se cache-t-il pas quelque mépris et quelque ignorance quand il évoque, encore, et malgré les rappels au fait l'été dernier quand il avait sortie la même approximation, les "7, 8, 9 enfants par femme" ?
"Les propos sur la natalité en Afrique tenus par Emmanuel Macron lors du sommet du G20 à Hambourg, le 8 juillet, ont été quasi unanimement qualifiés de racistes. Le président français s’est-il ressaisi au Burkina Faso le 28 novembre ? Non, il a sciemment abordé de nouveau le sujet, sous une autre forme." Elsa Dorlin, philosophe.
Le discours comprenait aussi beaucoup de "en même temps": il voulait aider, mais en même temps débrouillez-vous. L'Afrique n'est pas "perdue", "mais en même temps" elle n'est pas "sauvée".
Il a eut aussi et surtout quelques propos terrifiants: ok pour l'asile, mais on va venir faire le tri chez vous, en Afrique. On va venir décider chez vous qui a droit à l'asile politique et qui n'y a pas droit.
Ou aussi cette séquence:
"Ce à quoi votre génération est condamné, c'est à réussir, à réussir là où beaucoup d'autre ont échoué.Là où beaucoup d'autre ce sont dit, ce combat n'est pas pour nous. Nous pouvons en faire l'économie.(...). Si je suis venu m'adresser à vous, c'est beaucoup de choses résident en vous. Je vous en dois quelques-unes, vos gouvernants vous en doivent aussi beaucoup. Mais c'est en vous que réside la solution, dans votre volonté, de prendre ce chemin, dans votre force de caractère."
Et interrogé sur le franc CFA, une monnaie partagée par 14 pays qui doivent en retour déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor français, Jupiter trébuche: "N'ayez pas sur ce sujet une approche bêtement post-coloniale ou anti-impérialiste. Ça n’a aucun sens, ça n’est pas de l’anti-impérialisme, ce n’est pas vrai. C'est une bonne chose pour un aspect, ça donne de la stabilité à ceux qui l'ont." Est-ce de l'ignorance ou du mépris ? Nous croyions qu'il n'y avait plus de politique africaine ?
En bref, Macron est allé dire à cette assistance qu'il y en avait marre de l'assistanat. Il l'a dit avec les formes, les formes les plus polies du mépris. Car oui, ce propos ne signifie rien d'autres que de dire que si l'Afrique a des problèmes, les peuples d'Afrique y sont pour beaucoup. Et cette déclaration est par ailleurs insincère. A-t-on entendu Jupiter promettre un désengagement militaire de la France ? Non. Ou l'abandon de la protection politique et militaire des mines d'uranium qui font vivre notre industrie nucléaire nationale ? Non plus.
 N'ayez pas peur Jupiter,
Nous avons une idée pour Macron l'Africain.
Une grande et belle idée.
Lâchez donc l'Afrique vraiment. Lâchez ces mines d'uranium. Retirez vos troupes puisque vous ne craignez rien. Assouplissez le régime du franc CFA puisqu'il n'y a nul neo-colonialisme dans tout cela.
Lâchez tout cela.


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