Dé-stabilité
Il semblerait que les commerces soient à la (grande) ville ce que les champignons sont à la forêt. Sauf que pour les seconds on sait les conditions qui les font surgir dans des endroits précis et connus par les cueilleurs. Mais la métaphore fonctionne par contre quant à la soudaineté de la pousse.
Les habitants du centre-ville ont en effet l’impression de vivre dans un paysage constamment mouvant, chaque jour leur environnement quotidien, leur rue par exemple, se modifie à une vitesse affolante à moins qu’ils ne soient plus en capacité d’être attentifs au jour le jour à des transformations plus lentes. Monde éphémère qui nous fait perdre nos repères… L’étrange sensation que des hordes d’agenceurs s’activent la nuit pour disparaître au petit matin s’installe.
Il y a eu les enseignes de téléphonie, les cigarettes électroniques, les coques de portables, les ustensiles de cuisine, les savons artisanaux… Tiens, l’injonction hygiéniste a d’ailleurs disparu : où sont passées les boutiques de savons ?
Aujourd’hui la décoration et le gadget semblent tenir la corde, les boutiques de créateurs associés fleurissent (il n’y a décidément plus de saisons…) jusqu’à l’épuisement supposé du marché, et ensuite ? L’aménagement des toilettes ? Les lunettes en fourrure, les trônes molletonnés, les balayettes en fibres, les chasses-laser ?
Contre le trouble, le marketing joue cependant la transparence : autre tendance, il faut montrer les employés ou les artisans au travail, dans les restaurants, les boulangeries, les boutiques de lunettes low cost… les aquariums se multiplient. Donne-t-on à voir, à surveiller ou vend-on de l’illusion ?
Colette Milhé