Lettre à Sarah

Publié le 06 décembre 2017 par Encoreunblogdemere

Ma Sarah,

Je ne sais pas si ou quand tu liras cette lettre, mais j’ose espérer qu’elle traverse le temps jusqu’à te parvenir plus tard, quand tu seras plus grande. Peut-être même quand tu seras toi aussi maman, peut-être pas, peut-être avant.

J’avais envie de poser là ces mots pour toi, et rien que pour toi. A toi, mon premier bébé, ma grande, celle qui est souvent éclipsée par une tornade de petite soeur. Celle qu’on dit « la plus sage », « la plus calme », la plus discrète aussi. Celle qui garde trop souvent ses émotions en elle, par pudeur, par honte parfois.

Plus tu grandis plus je me retrouve en toi. C’est perturbant parce qu’on ne fait pas des enfants pour qu’ils nous ressemblent mais ça fait quelque chose de te sentir ta personnalité si proche de celle que j’avais enfant. Cette envie de grandir plus vite, d’apprendre tout le temps, de faire tout mieux, parfaitement, tout le temps. Cette colère parfois, ces nerfs à vif sous le flegme apparent et cette agitation intérieure permanente. Cette difficulté aussi souvent à dire quand ça ne va pas, à avouer qu’on y arrive pas, ces pleurs de trop plein pour tout ce qu’on ne dit pas à temps.

Tu es celle qui aime tant l’école que tu la réclames pendant les vacances. Tu es celle qui pique sa crise pour faire ses devoirs le premier jour des vacances scolaires. Tu es celle qui lit, partout, tout le temps. Evidemment tu es toi, tu n’es pas moi, mais tu me fais souvent écho. A celle que j’étais, à l’enfant encore à l’intérieur de moi.

Alors, quand tu t’énerves parce que je ne te comprends pas, sache qu’au fond je sais parfaitement ce que tu as. Mais que te voir te mettre dans tous tes états me renvoie souvent à ce que je ressentais et je ne sais pas toujours comment gérer. Parce qu’en tant qu’adulte des fois on voudrait juste que les enfants se calment et écoutent. Mais qu’au fond l’enfant qu’on était, si on le laisse s’exprimer, peut te comprendre et te parler.

Ce sentiment d’être si proche de toi, d’être comme toi, à l’intérieur, c’est ce qui m’empêche d’agir correctement parfois. C’est ce qui provoque cette douleur quand je te sens t’éloigner, ce besoin de renouer le contact à chaque dispute, retrouver notre fusion mais en te laissant être toi et grandir. C’est ce qui déclenche mes cris, mes larmes, mon énervement bien souvent.

Je sais que tu veux que je t’écoute. Que je te dise que tu as le droit de pleurer, d’être triste, pour des choses que les grandes personnes jugent sans importance. Tu es si sensible, peut être plus que moi, mais tu vois les choses plus clair que la plupart des adultes bien souvent. Tu as cette capacité à ressentir les choses pour les autres, qui te fait du mal souvent mais qui fera de toi quelqu’un d’extraordinaire.

Et là je ne peux pas t’aider plus qu’en te prenant dans mes bras, car cette qualité immense je ne l’ai pas.
Pense juste à prendre du recul et te dire que ce sont les émotions des autres, non les tiennes, et que tu ne peux pas soigner le monde entier. Juste faire de ton mieux et c’est déjà énorme !


Fais de ton mieux, justement. La perfection n’existe pas, du moins pas comme tu le crois. Tu veux toujours faire les choses bien, voire très bien, sans accroc, sans contretemps, et crois-moi je te comprends. Ce petit défaut là peut te jouer des tours comme te servir dans la vie. On n’est que de passage ici alors prends aussi le temps de profiter de la vie, de la beauté des petites choses, d’en laisser d’autres de côté et de trouver ce qui te plait vraiment. Ce qui te rend heureuse, ce qui fait pétiller tes jolis yeux noirs et gonfler ton grand coeur comme si il allait exploser dans ta poitrine.

Cette sensation de bonheur des pieds à la tête, qui fait fermer les yeux, respirer profondément et dire « on est bien là, ici, maintenant ».

Prends juste ton temps. Même quand je crie de se dépêcher, j’aimerais juste me poser là et te prendre dans mes bras, te serrer contre moi. Parce que dans ces moments là je ferme les yeux, je respire profondément, mon coeur prêt à exploser de bonheur parfaitement imparfait.

Parce qu’on est bien là, toi et moi.

Parce que je ne veux pas que tu te sentes mise de côté, parce que tu seras toujours mon premier bébé. Celle avec qui on vit toutes les premières fois. Celle que j’admire tant elle apprend vite, tout le temps, celle qui me surprend tous les jours par son envie de tout savoir faire et connaitre. Les moments qu’on passe rien qu’avec toi sont très importants pour moi, ceux qu’on passe avec chacune de vous deux comme tous ensemble.

Non je n’ai pas de préféré, juste une enfant « facile » par rapport à l’autre. L’autre qui me prendra plus de temps, mais qui n’a jamais été enfant unique, l’autre que j’aime tout pareil mais avec qui je dois souvent agir différemment. J’aimerais pouvoir te l’expliquer un peu mieux mais je crois qu’on ne le comprend que quand on le vit. Peut-être qu’un jour, tout comme moi, tu comprendras ce que te disais ta mère quand elle te jurait qu’elle n’avait pas de préféré. Qu’elle vous aime pareil, mais que vous n’êtes pas les mêmes.

Je dis souvent que tu es la petite fille, le bébé rêvé. A l’époque où tu étais nouveau né je ne disais pas la même chose, mais existe-il vraiment un bébé parfait ? Je crois que malgré tout ce qu’on a vécu avec ta soeur et toi, vous êtes toutes les deux parfaites pour nous, à votre façon.

Toi et moi on était faites pour se rencontrer. Je t’ai attendu longtemps, un peu trop mais juste assez pour l’apprécier.

Je crois que c’est comme ça que je peux t’expliquer à quel point je t’aime. Plus que jusqu’à la lune ou les étoiles et retour. Plus loin que tout ça. Je t’aime parce que tu fais partie de moi, mais en mieux.
Je vois ton papa à chaque fois que je te regarde et je me vois un peu à chaque fois que je t’observe.
Je vois ces deux personnes qui s’aiment si forts qu’elles ont décidé d’en faire un bébé.

Je t’aime, Sarah. N’oublie jamais ça.

Et je suis tellement fière de toi.