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Choc et effroi dans les médias arabe (3/3) : le temps des « arrêts de rigueur »

Publié le 06 décembre 2017 par Gonzo

Choc et effroi dans les médias arabe (3/3) : le temps des « arrêts de rigueur »

Personne ne semble vouloir s’inquiéter outre mesure du fait que quelques-unes des plus grosses fortunes arabes sont retenues, pratiquement depuis un mois, dans un hôtel de luxe à Riyad. Il y a eu quelques libérations au compte-goutte et contre de très fortes compensations (1 milliard de dollars pour le prince Mutaib – ou encore Muteb) mais la majorité des « prévenus » (au moins deux cents, car il n’existe pas de liste officielle) reste de plus en plus à l’ombre puisque les fenêtres de leurs suites ont même été récemment obturées (d’après une information retwittée par Mujtahid) pour éviter de malheureux accidents dûs à ces longues vacances forcées.

En attendant, les grandes manœuvres médiatiques annoncées dans les billets précédents se précisent. Comme on pouvait s’y attendre, Dawood al-Shiryân (داوود الشريان ), le journaliste vedette de la chaîne saoudienne MBC, a quitté son ancien employeur (qui fait partie des personnes qu’on garde au frais) et s’est vu confier le conglomérat des médias officiels du Royaume, appelés à se renforcer (les médias, pas forcément le Royaume). Comme prévu également, la détention prolongée n’arrange pas les affaires d’al-Walid ben Talal (الوليد بن طلال ). Le prince milliardaire est toujours séquestré mais il a quand même déjà perdu pas mal d’argent avant même d’avoir payé sa rançon sa « transaction » puisqu’une bonne partie de ses actions ont sévérement chuté (celles dans le groupe Accor par exemple). Apparemment, il commence également à vendre, deux hôtels de luxe à Beyrouth, même si les raisons de cette décision ne sont pas encore très claires. Rotana, la société de production qu’il a créée en 1982, ne va pas très bien non plus, mais depuis pas mal d’années déjà. Toutefois, il se dit de plus en plus ouvertement depuis quelques jours qu’il n’en est plus tout à fait le propriétaire même si, officiellement, rien n’est fait. Comme il faut bien gérer les affaires en dépit de l’absence du boss, on lui a trouvé un remplaçant, un certain Turki Al Shaykh (تركي آل الشيخ : sans trait d’union après le « al », c’est beaucoup plus chic car ce n’est pas l’article mais signe d’appartenance à une grande famille). Cet ami proche du régent, le célèbre MbS dont il est une sorte de ministre sans portefeuille précis, veille sur les destinées du sport dans le Royaume. C’est également un « poète et ami de l’art ». À ce titre sans doute, il a composé récemment 3allim Qatar, une attaque en règle contre l’émirat du Qatar et son souverain, interprété par un all stars du Golfe (des interprètes sous contrat chez Rotana !) dont on a déjà parlé dans un billet de septembre dernier. Cet homme qui semble donc présider désormais aux destinées de Rotana est certainement bien placé pour une telle fonction où il pourra cultiver son goût pour les vedettes, puisqu’on a parlé il y a quelque temps (pas trop car les imprudents ont été sanctionnés) de son mariage secret avec une chanteuse à succès, l’Égyptienne Amal Maher (آمال ماهر).

Un autre dossier, tout aussi important pour les évolutions à venir dans le secteur des médias, est également à l’ordre du jour, celui de la publicité. Depuis la fin des années 1990, c’est une société libanaise, Choueiri Group, qui se taille la part du lion sur un marché qui brasse des milliards de dollars. À ce titre, outre le fait qu’elle fait de très bonnes affaires, elle joue au sein du système régional un rôle considérable, par sa connaissance des audiences réelles, et même par sa capacité à déterminer les projets, viables ou non en fonction des recettes de la pub. Lié à la chaîne libanaise LBC, héritière de la guerre civile libanaise et pionnière sur le marché arabe, le Choueiri Group a réussi au fil des années à signer des contrats d’exclusivité avec quelques-unes des chaînes les plus importantes : Al-Jazeera un temps, Dubai TV et surtout la MBC. Inévitablement, les graves problèmes que connaît cette dernière se répercutent sur la santé d’un groupe qui a déjà perdu des contrats importants en Égypte et qui subit, comme le reste de la profession, les conséquences du marasme économique régional sur les budgets publicitaires. Si l’on ajoute à cela que l’actuel homme fort des médias saoudiens, Dawood al-Shiryân, cultive une animosité toute spéciale à l’encontre des Libanais, suspects d’avoir outrageusement « tiré le lait » (comme on dit en arabe) des ressources du Golfe, on comprend combien les rois de la pub dans la région ont raison de se faire quelques soucis. D’ailleurs, selon un article remarquablement informé dans Al-Akhbar, on en est arrivé au stade où les plus hauts responsables de Choueiri Group, non seulement ne remettent plus les pieds en Arabie saoudite de peur de ne plus pouvoir quitter leur hôtel (tout le monde n’a pas les relations de Saad Hariri !), mais préfèrent également éviter pour l’instant de les mettre aux Émirats arabes unis dont la justice fonctionne en parfaite intelligence avec celle du Royaume voisin…

Encore quelques semaines de ce régime « aux arrêts de rigueur » et les affaires – déjà fort moyennes depuis que la crise avec le Qatar en juin dernier est venue s’ajouter à une conjoncture économique très médiocre – vont devenir carrément catastrophiques.

Pour les lecteurs qui ont eu la patience d’aller jusqu’au bout de ce billet, une vidéo de promotion du Choueiri Group :


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