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J'endors mes sons pas mon immortalité...

Publié le 07 décembre 2017 par Fabianus
J'ENDORS MES SONS PAS MON IMMORTALITÉ...
L’ami Jean Do vient à peine de nous quitter que, pour lui griller les honneurs rendus à sa révérence, notre rocker national, fils de Belgique, succombe à son tour d’un cancer rauque !
En termes d’emploi du temps nécrologique je ne sais où donner de la tête.
Bon Fabiano, pas de panique…
Commence par le grand académicien ! Il faut établir les choses dans l'ordre !
Jean est né le 16 juin 1925 d'un père ambassadeur du Front populaire et ami de Léon Blum ! Il l’invite de temps en temps, d’ailleurs, et présente la plus jolie nappe au Léon. Le petit Jean suit la conversation des deux adultes et son ouïe glane une syntaxe emphatique truffée de subjonctifs imparfaits. Oui, le petit Jean se voit gratifier d’une éducation privilégiée, à l’ombre d’un Christ : il va sans décrue s’y  fier (va sang des crucifiés ?). Mais Jean n’est pas Christine Boutin. Son catholicisme n’est pas hermétique ; il s’ouvre à la philosophie, de Platon à Spinoza…
En évoluant comme un poisson dans l’eau dans le bocal libéral il emmagasine les diplômes. Le voilà agrégé et diplômé d’études supérieur de philosophie et file au zoo faire une petite cure d’aération car la présence animale permet l’évasion ! Kant c’est bien mais faut savoir dékanter. Normalien il trouve normal d’entamer une carrière de haut fonctionnaire. Il devient président  du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines à l'Unesco même s’il ne rechigne pas à admirer  lune, Escaut  car il ne perd pas le nord et garde un cœur de Pierrot ! Il s'essaie à l'écriture avec « l’Amour est un plaisir » qui reflète déjà un certain hédonisme dont il ne se départira jamais. Il écrit « du côté de chez Jean » où il parle de lui-même, de sa jeunesse. Ses œuvres s’imprègnent d’insouciance et d’envie de croquer la vie en traversant un champ d’ormes et sons, mélodieux, harmoniques.
En 1971, alors que Kroutchev vient de rendre son dernier soupir, notre homme de lettres fait paraître « la gloire de l’empire » qui n’a rien à voir avec l’empire soviétique cher à celle qui sera sa future secrétaire d’académie, Mme Carrère d’Encausse, mais qui relate une chronique d’un empire imaginaire plusieurs siècles avant Jésus Christ.  Ce roman lui vaudra le Grand prix du roman de l'Académie française.
Académie dont il ouvre la clé d’accès le 18 octobre 1973. Il y prend le fauteuil 12 laissé par Jules Romains, désormais Knock-out. Sans oublier son immortalité,  notre jongleur de plumes ne néglige aucunement son statut de directeur au journal Le Fi-ga-ro ! Qu’il trouve E-p-a-t-a-n-t en savourant chaque syllabe d’une bouche gourmande.  Au Figaro on peut donc voir le beau marcher, en laissant trainer son beau regard bleu. Le journal c’est aussi sa vie : c’est là que s’étale ma vie, va, va mon Jean, se dit-il régulièrement.
La passion romanesque le reprend régulièrement. Dans « le rapport Gabriel » Jean d’O fait le point sur la foi de l’Homme en Dieu. Envoyé par Dieu, l’archange Gabriel doit rédiger un rapport sur l’humanité et se retrouve sur un île où séjourne…mais oui, Jean d’Ormesson, lui-même !
Oui, l’homme aime se mettre en scène dans ses écrits, parler de son enfance, des bains dans la mer. P   parallèlement il vous glisse des réflexions philosophiques  pour labourer les terres de la sagesse. Et rarement soc rate !
En 2003 « C’était bien » raconte sa propre vie et va jusqu’à anticiper la mort de l’auteur.
En 2009, il publie coup sur coup deux ouvrages, « L’enfant qui attendait un train » un conte qui se déguste mieux qu’un sandwich Sncf, et « Saveur du temps » qui n’a rien à voir avec un livre de cuisine puisqu’il regroupe des chroniques au Figaro.
Mais, d’un point de vue culinaire, il se rattrape en jouant (hé oui, Mr est acteur) au côté de Catherine Frot  dans « les saveurs du Palais » (2012 – film de Christian Vincent), film pour lequel j’avais consacré un billet, à l’époque.
En avril 2015, Jean d’Ormesson rejoint la prestigieuse collection de la « Pléiade ». Un aboutissement !  À près de 90 ans, il est le seizième auteur à y entrer de son vivant !
Mais, alors qu’il mettait tout son cœur à aimer la vie ce dernier lâchera, dans la nuit du 4 au 5 décembre 2017.
Il décède dans la nuit du 4 au 5 décembre 2017.
Mais un immortel peut-il mourir ?
Désormais le fauteuil 12 est vacant sous la coupole. Michel Drucker le postulerait bien mais il doit d’abord organiser les différentes émissions panégyriques consacrées à un certain Jean Philippe…
Jean, le charmeur, le jouisseur de la vie, nous laisse une pléiade de chefs d’œuvre et le souvenir de sa malice… Du côté de chez Jean vivait saveur du temps Comme un chant d’espérance soufflant le vent du soir C’était bien, on contait l’histoire du juif errant La création du monde sous les grands arbres noirs
Jean caressait la vie tout au plaisir de Dieu Dans la conversation vibrait l’odeur du temps Et Dieu, sa vie, son œuvre dans le bleu de ses yeux La création du monde abreuvait ses printemps
Le Vagabond qui passe sous une ombrelle trouée Trouvait en ses pensées le guide des égarés C’est une chose étrange, à la fin, que le monde Vienne frapper chez vous à toute heure et seconde
Dieu, les affaires et nous, chronique d'un demi-siècle Du rapport Gabriel se sont lustré les ailes Qu’ai-je donc fait ici si ce n’est d’en parler ? La vie ne suffit pas pour cerner le sacré !
Garçon de quoi écrire pour une fête en larmes Jean qui grogne et qui rit aura donné ses armes A la philosophie du précieux carpe diem Ah voyez comme on danse quand on sait dire je t’aime
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle Tous les hommes en sont fous qu’elle soit douce ou cruelle L’enfant qui attendait un train blanc d’utopie Vous dira mieux que moi cette fièvre d’envie
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit, oui Mon dernier rêve sera pour vous, douce agonie Tant que vous penserez à moi je serai là C’est l’amour que nous aimons qui croisent nos pas
Au revoir et merci, l’amour est un plaisir Pas un amour pour rien, pour la gloire de l’empire De ces mots qui enflamment et les âmes fédèrent Sans embruns qui font les illusions de la mer
Je l’assure : mon dernier rêve sera pour vous Ni la douane de mer ni les armées debout N’entraveront ma nage dans les flots de vos yeux A vous qui m’aurez lu, me lirez amoureux
Presque rien sur presque tout : ma plume aura dit Qu’un certain Casimir mène la grande vie Pour trouver le bonheur à San Miniato Traits de philosophie sous de beaux fabliaux
Je dirai de là-haut : et moi je vis toujours Ou bien – et toi mon cœur pourquoi bats-tu d’amour ? C’est de vous voir me lire par des matins d’ivresse Loin des feux ardents, la fureur de lire la presse…



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