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Blow Out. Peut-on attaquer les machines à fable ?

Par Balndorn
Blow Out. Peut-on attaquer les machines à fable ?
« Le cinéma, c’est du mensonge vingt-quatre fois par seconde.» Brian De Palma serait-il un moraliste en croisade contre le mensonge et l’hypocrisie ? Au contraire. Et son personnage de Jack Terry dans Blow Out lui sert peut-être de figure-repoussoir : à trop vouloir jouer les puritains, on passe à côté des machines à fable.
JFK de nouveau
Inspiré de Blow Up (Michelangelo Antonioni, 1965), auquel il rend hommage, Blow Out s’en distingue néanmoins par son recentrement narratif, là où Antonioni prend plaisir à l’errance. Ce resserrement de l’intrigue sur l’enquête que mène l’ingénieur du son Jack Terry (John Travolta) sur un accident automobile, qu’il a par erreur enregistré, dans lequel meurt un homme politique célèbre – accident dont il pense qu’il s’agit d’un meurtre – fait pencher le film vers le genre policier. Et plus particulièrement, le film noir. À la différence toutefois des personnages de ce dernier genre, Jack Terry n’a pas la gueule de l’emploi. Le choix de John Travolta, alors principalement connu pour son rôle dans La Fièvre du samedi soir, est de ce point de vue signifiant. Beau gosse, charmeur avec Lisa (Nancy Allen), doué d'une bonne conscience qui plus est, il a tout du gendre idéal. C’est précisément ce qui causera sa perte. Car comme l’explique De Palma dans ses entretiens, en renvoyant à l’affaire Kennedy et son exploitation du film amateur d’Abraham Zapruder – auquel Blow Out fait référence –, plus on cherche à expliquer un mystère, plus on l’épaissit.En ne pensant qu’en termes binaires, le Bien et le Mal, la Justice et l’Injustice, la Vérité et le Mensonge, Terry ne saisit pas la complexité des machines à fable, qu’étudiera plus tard David Fincher (Zodiac, Millenium, Gone Girl...). Celles-ci ne reposent pas tant sur l’exposition ou la dissimulation d’une Vérité transcendante, que sur la construction d’une vérité immanente, appropriée au contexte médiatique.
Le cinéma comme art de la machination
Or, cette machination repose essentiellement sur l’usage de machines. Blow Out fait partie de ces films qui mettent en abyme le cinéma, ici présenté comme l’art de recomposer les faits. De Palma scrute avec grande attention le fonctionnement des machines : ici un gros plan sur un micro, là un travelling circulaire embrassant la salle où Terry fait jouer les disques de l'enregistrement, là encore le technicien annote ses pistes sonores... Le cinéma apparaît donc sous sa forme technique, loin de toute idéalisation artistique. Qui plus est, à une ère de l’appareillage analogique ; on est par instants proche de l’esthétique cyberpunk, qui dévoile les machines quand le numérique actuel cache ses effets sous le photoréalisme. En tant que technique, il participe à l’élaboration, sensorielle et idéologique, du réel.Toute idée de croisade ne peut alors qu’échouer, car elle ne voit pas le réel comme une fable. Ne reste que ce qui intéresse De Palma : non pas la Vérité, mais son processus de construction ; non la morale, mais un champ politique où s’affrontent des forces ; non l’art cinématographique, mais sa technique.Blow Out. Peut-on attaquer les machines à fable ?
Blow Out, de Brian de Palma, 1981Maxime
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