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Evidemment, il faudra donner du temps au temps....La fin de l'année pour une décision définitive, un "certain temps" pour les transpositions du texte communautaire dans les droits nationaux et la mise en place technique de dispositifs nouveaux. Mais, la "machine" est lancée: la Commission européenne propose cette semaine une nouvelle directive autorisant les patients à se faire soigner dans un autre pays européen que le leur, sans exiger une autorisation préalable. Et la France compte faire aboutir ce texte sous sa présidence. L'Europe des soins médicaux est en route. C'est très important notamment dans les régions frontalières.
Une meilleure coordination entre hôpitaux transfrontaliers
Etre hospitalisé outre-Rhin plutôt qu'à Paris lorsqu'on est alsacien, voilà l'exemple donné par la Commission européenne. Et il est bon. La Commission aurait même pu pousser l'exemple plus loin: l'idée d'une meilleure coordination entre hopitaux français et allemands, notamment.
Le droit d'accès à ces soins de santé transfrontaliers fait depuis une dizaine d'années l'objet d'arrêts de la Cour européenne de justice. Ce projet en reprend d'ailleurs la jurisprudence. mais il faut que ce qui est exeptionnel devienne "normal". Le principal changement tourne autour de l'absence de toute autorisation préalable pour aller se faire soigner ailleurs dans l'Union européenne. La liberté de circulation des personnes prime, y compris pour recevoir des soins de santé. Un principe qui doit être valable pour les soins non hospitaliers, notamment en pratique pour aller chez le dentiste, l'opticien, le pédiatre ou autre consultation et de manière générale, les soins non hospitaliers.
Remboursement selon le pays d'origine
Le patient qui choisit de recevoir ses soins ambulatoires ailleurs que dans son État d'affiliation doit, dans ce cas, avancer les frais. Mais il sera remboursé selon la couverture sociale dans son pays d'origine. En France, où ce principe est déjà reconnu, selon les tarifs de remboursement en vigueur. Ce qui suppose, bien sûr, que ces soins soient pris en charge dans ledit pays.
La Commission se défend de vouloir, à travers cette directive, harmoniser ce que couvrent les divers régimes nationaux de Sécurité sociale et leur niveau de remboursements. Elle vise surtout à procurer une « sécurité juridique » aux patients. mais il ne s'agit pas d'un outil pour contourner des lois de moeurs. « Une Irlandaise qui partirait pour avoir un avortement ne saurait ensuite prétendre à un remboursement », prévient-on dans les services bruxellois.
Transparence et mobilité des citoyens
La directive prévoit évidemment une meilleure information des traitements disponibles dans les autres États membres, de leur coût et de leur qualité, de ce qui est remboursable et à quelle hauteur. Elle entend aussi clarifier, en cas de soins reçus à l'étranger, qui est responsable d'un éventuel préjudice subi et de déterminer l'indemnisation correspondante. L'objectif de cette volonté de transparence est de faciliter la mobilité des patients en Europe. Reste le cas des soins hospitaliers.
La prise en charge est déjà prévue dans les cas d'urgence Selon le règlement européen de 1971 coordonnant les régimes de sécurité sociale, la prise en charge d'une opération à l'étranger est déjà prévue dans les cas d'urgence (exemple, accident survenu en vacances) ou si la Sécu à laquelle on est affilié (sa caisse primaire d'assurance-maladie en France) l'a au préalable autorisée parce qu'elle n'a pas les moyens d'assurer une telle opération dans les délais médicaux qu'exige l'état du patient.
Ou parce que, en particulier pour les maladies rares, un pays ne dispose pas des infrastructures de traitement nécessaires.« Chypre peut ainsi envoyer des patients en Grèce », indique une spécialiste du dossier à la Commission. L'avantage d'une autorisation préalable est qu'elle dispense alors le patient de l'avance des frais.
En Espagne, l'autorisation préalable comme garde-fou repose sur le maintien ou non d'exiger cette autorisation en amont que s'est cristallisée l'élaboration de cette directive, qui aurait dû être présentée avant Noël dernier.Du point de vue de la Commission, cette autorisation, qui entrave la liberté de choix des patients, doit demeurer le plus possible l'exception.
Préserver les services sociaux nationaux
Du côté des Vingt-Sept, en revanche, comme en Espagne, on tient à conserver ce garde-fou pour ne pas mettre en péril le financement de la Sécurité sociale. En particulier aussi au Royaume-Uni, où, compte tenu des listes d'opérations en attente, le National Health Service britannique redoute un flux plus important encore de patients allant sur le Continent pour être soignés et qu'il faudra rembourser.
Dans sa directive, la Commission se rallie à la jurisprudence européenne, qui reconnaît que la planification d'opérations lourdes et l'équilibre financier des régimes d'assurance-maladie justifient une autorisation préalable pour les soins hospitaliers les plus coûteux.
Pour le reste, à chacun d'aller se faire soigner librement où bon lui semble. À condition aussi d'en avoir les moyens. « Les Britanniques les plus fortunés, ceux qui peuvent avancer les frais, vont couper les files d'attente pour se faire soigner par exemple en Belgique, pays qui dispose de surcapacités hospitalières », dénonce une source bruxelloise proche du dossier, reconnaissant toutefois que telle est déjà la pratique.
La France, qui accueille des patients étrangers plutôt que de voir partir ses affiliés, ne craint pas cette directive. « Le texte ne remet pas en cause les coopérations transfrontalières bilatérales existant déjà », ajoute une source française, citant la construction d'un hôpital franco-espagnol près de la Tour de Carol (Pyrénées-Orientales).De fait, les autorisations préalables délivrées à des patients français pour des soins hospitaliers à l'étranger se borneraient à environ 200 par an. À la Commission, on précise aussi que les soins à domicile restent de loin la préférence.
Les soins à l'étranger représentent 1 % des dépenses de santé dans l'UE, selon l'estimation communautaire. Soit quand même dix milliards d'euros.