Alors que les prédictions alarmistes fleurissent dans la presse, nous promettant la prise de pouvoir des robots sur les hommes, l'Observatoire des Métiers de la Banque, instance paritaire de la profession, produit (avec le cabinet Athling) un rapport utile afin d'évaluer de manière objective les impacts de l'intelligence artificielle sur le secteur.
Il ne sera pas question ici de synthétiser cet immense travail, dont, notamment, ses analyses détaillées des évolutions de compétences qu'imposera l'introduction de l'IA sur 9 métiers spécifiques. Je vous laisse plutôt le soin de le parcourir [PDF]. En revanche, je souhaite m'attarder et musarder sur deux ou trois des grandes conclusions qui en sont tirées : le foisonnement des projets dans les banques, l'idée qu'il reste du temps pour s'adapter et l'ampleur des transformations auxquelles il faut se préparer.
Tout d'abord, revenons donc sur l'état des lieux réalisé auprès des grandes institutions financières françaises, qui laisse entrevoir une explosion du nombre d'initiatives en cours. Cependant, l'étude nous confirme immédiatement qu'il s'agit essentiellement d'expérimentations, menées sur des périmètres circonscrits, ressortant le plus souvent de l'optimisation et de l'automatisation de processus existants (et rarement au plus haut de l'échelle de la sophistication technologique), en dehors de toute vision stratégique. Tous les ingrédients sont prêts pour une catastrophe à venir…
Il suffit en effet de combiner cette situation avec le sentiment rassurant, et difficilement contestable, que la véritable révolution de l'intelligence artificielle est encore lointaine pour créer un excès de confiance pernicieux et tragique, qui ressort déjà dans certains discours. Le risque n'est pas tant de se laisser surprendre par une transition plus rapide que prévue (ce qui ne peut être totalement exclu) que d'oublier que, face à des enjeux d'une telle dimension, rappelés par l'Observatoire, l'improvisation n'est pas de mise.
J'affirme donc avec force qu'il ne faut plus perdre de temps et que les banques devraient établir dès maintenant leurs plans pour la généralisation de l'intelligence artificielle dans leurs activités. Certes, l'exercice est extrêmement complexe, ne serait-ce que parce que les incertitudes règnent. Il faut alors envisager différents scénarios, en imaginer les conséquences et en déduire les actions qu'il conviendra d'entreprendre.
En se pliant à cette discipline, on se rendra probablement compte que certains changements seront dramatiques s'ils ne sont pas anticipés longtemps avant qu'ils ne surviennent. Naturellement, les effectifs des banques seront directement affectés et, sachant la difficulté qu'il y a toujours à faire évoluer les collaborateurs et leurs compétences (avec la culture d'entreprise), ils constituent une priorité absolue. Il faudrait donc arrêter de répondre à leurs angoisses (amplifiées par les organisations syndicales) par des paroles lénifiantes et commencer à les prendre en compte sérieusement.
Qu'ils croient ou non que l'intelligence artificielle bouleversera les métiers de la banque, qu'ils la prédisent pour demain ou dans 20 ans, la responsabilité des dirigeants des institutions financières est de disposer d'une stratégie qui leur permette d'affronter, sereinement et avec la coopération de tous, les différentes hypothèses susceptibles de se réaliser. Ne pas s'en préoccuper ou attendre pour agir qu'elles deviennent plausibles reviendrait à créer aujourd'hui les conditions futures d'une catastrophe prévisible.