Budapest attire tous les regards en Hongrie. Pécs, mérite pourtant plus qu’un détour. La ville est belle, agréable. Elle baigne dans une atmosphère de charme. Capitale européenne en de la culture, en 2010, Pécs a bien des atouts. Berceau de la manufacture de Zsolnay, Pécs est la ville à visiter pour les amateurs de céramique.
Vue de Pécs de puis la tour de la Mairie avec l’église mosquée sur la place Sczéchenyi et, au loin les quatre tours clochers de la cathédrale de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
A peine plus de 200 km séparent Pécs de Budapest, un trajet totalement autoroutier. Il ne faut pas laisser passer la chance de découvrir Pécs. Joli dépaysement entre les deux villes, Pécs ayant gardé un petit côté moyen-oriental, conséquence de sa longue occupation par les Turcs. Et Pécs a un statut un peu à part car Marie-Thérèse d’Autriche en a fait une ville libre à partir de 1780. Son centre historique est ramassé, pour partie piétonnier, ce qui le rend très agréable à sillonner. Parmi les célébrités nées dans cette ville universitaire : Marcel Breuer qui fit partie du Bahaus et dont la chaise Wassily a fait le tour du monde et Victor Vasarely dont la peinture est si personnelle.
Place Széchnyi, un joli condensé de Pécs
Le plus bel exemple de cette séduisante mixité liée à l’histoire de la ville est l’ancienne mosquée de Pasha Gazi Kassim construite entre 1543 et 1546, déjà bâtie sur une ancienne église. Agrandie et transformée en église, elle domine la place Széchenyi. La religion catholique a pris le pas avec des fresques religieuses de Ernő Gebauer. L’orgue fabriqué par Angster épouse les formes arrondies du bâtiment.
Eglise mosquée de Pécs, côté église.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
On peut voir à gauche de l’autel la bible et à droite le coran tandis que la lumière rouge symbolisant la présence du corps du Christ est dans une lampe ottomane. Symbole fort, à l’extérieur, la croix catholique surmonte le croissant.
Eglise mosquée de Pécs, dont l’arc encadre l’orgue.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
D’autres traces de l’occupation des Turcs sont visibles un peu partout dans la ville avec des mosquées ou des restes d’anciens bains.
L’impressionnant bâtiment du Comté hébergeait au départ une banque qui voulait rassurer ses clients par son opulence. Les céramiques de la manufacture Zsolnay, fondée à Pécs, à la fin du 19e siècle lui donnent de belles couleurs.
Immeuble du Comté rehaussé de céramique de Zsolnay.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
La ruche dont il est orné est le symbole du travail et de la prospérité. La mairie qui est juste en face est un vaste bâtiment néo-baroque, jaune.
La mairie de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Dans son hall d’entrée, sur le mur du fond, on peut admirer une pendule en céramique de Zsolnay aux lignes contemporaines.
Horloge en céramique de Zsolnay dans le hall de la Mairie de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
J’ai eu la chance de pouvoir monter tout en haut de sa tour. Un vrai exercice physique mais qui en vaut la peine. A l’extrémité de la place Széchnyi, l’un des joyaux de Pécs, la fontaine aux têtes de bœuf. C’est un cadeau de la famille Zsolnay. Réalisée avant la Première Guerre mondiale, elle ne fut installée qu’en 1930. Sur fond de marbre gravé, les têtes de bœufs en éosine verte s’irisent de tous les tons de l’arc-en-ciel sous le soleil. Un étudiant avait endommagé l’une d’entre elles mais elle a été restaurée.
L’un de symbole de Pécs, la fontaine ornée de têtes en éosine offerte par la famille Zsolnay.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Sur cette fontaine, on peut aussi voir des blasons avec la silhouette de cinq églises, en rappel du nom latin de Pécs, Quinque Ecclesiae, dessin qui sert aussi de signature à la manufacture Zsolnay. On y voit aussi les lettres J.u.M.T. pour Joseph II et Marie-Thérèse d’Autriche, en remerciement à cette dernière pour avoir fait de Pécs une ville libre. On retrouve ces lettres sur le fronton de la mairie.
Patrimoine et culture à Pécs
La richesse patrimoniale de Pécs ne se limite pas à la seule place Szcéchenyi. On peut aussi monter sur ses remparts, admirer sa barbacane, contempler des restes de la nécropole chrétienne ou admirer son étonnante cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, à côté du palais de l’évêque.
Le long des remparts de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Cette cathédrale dont la construction a commencé vers 1040 et a été reconstruite à de nombreuses reprises. Le bâtiment actuel, de style néo-roman a été érigé par l’architecte Friedrech von Schmidt entre 1883 et 1891. Si les décors intérieurs sont de grande qualité, c’est la silhouette de la cathédrale qui est la plus remarquable avec ses quatre clochers. Le pape Jean-Paul II en fait une basilique mineure en 1990.
Initiative intelligente, Pécs a regroupé la plupart de ses musées de part et d’autre de la rue Káptalan. C’est ainsi qu’on y trouve entre autres la Gallerie d’Art moderne hongrois, le Musée Ferenc Martyn, le Musée Vasarely ou le Musée Zsolnay. Ce dernier est abrité dans la maison la plus ancienne de Pécs dont l’origine remonte à 1324. Je n’ai pas visité les autres musées et institutions de la rue Káptalan, une rue à forte densité culturelle mais aussi très agréable pour une ballade au calme. Même si vous devez faire quelques pas de plus car il n’est pas localisé rue Káptalan, allez faire un tour au musée Csontváry qui se trouve dans un palais néo-renaissance. Tivador Kosztka Csontváry (1853-1919) est un peintre hongrois qui écouta le message de dieu qui lui murmura qu’il serait le plus grand artiste du monde. Tivador Kosztka Csontváry qui a beaucoup voyagé en Dalmatie, en Egypte, au Liban, en Grèce en Italie, en Palestine ou en Syrie s’est mis à peindre d’immenses tableaux saisissants avec une technique qui lui est propre. Une approche très particulière de l’art et de la peinture. C’est une chance de pouvoir voir ces œuvres car la famille de Tivador Kosztka Csontváry avait décidé de les vendre comme toiles de bâche. Ce n’est que, in extremis, que l’architecte Gedeon Gerlóczy les a rachetées et sauvées.
Théâtre National de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Autre atout culturel de Pécs, son théâtre national. Un bâtiment éclectique à ne pas manquer, la Poste de Pécs.
La Poste de Pécs avec ses toits en en tuiles vernissées et ses décors en céramique.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Pécs et Zsolnay, l’alchimie de la céramique
J’ai gardé le meilleur pour la fin. J’ai été attirée à Pécs car c’est la ville de la célèbre manufacture Zsolnay. A cette occasion, j’ai découvert une cité au charme lumineux auquel je m’attendais pas et qui m’a séduite et je suis loin d’avoir épuisé toutes les ressources de Pécs en quelques jours. La ville à elle seule une destination à recommander. Mais les amateurs de céramique, comme moi, seront subjugués par tout ce qui touche à la céramique de Zsolnay.
Maison Vasvary à Pécs, avec des panneaux monochromes en Zsolnay sur sa façade.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
J’ai déjà évoqué quelques bâtiments ornés de céramique architecturale de Zsolnay, comme celui du Comté, mais il y a aussi les extraordinaires panneaux en reliefs de la Maison Vasvary, 19 rue Kiralu. La famille avait aussi construit l’immense Villa Vasvary couverte de céramique à l’extérieur comme à l’intérieur construite en 1884 et qui héberge l’antenne de l’Académie nationale des sciences.
Villa Vasvary, dans les faugourbs de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Céramiques appliquées sur la façade ou statues, la villa Vasvary est une ode à la céramique Zsolnay.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Ces panneaux polychromes dans cette salle de la Villa Vasvary sont réalisés à l’identique à ceux qu’on voit sur la façade de la maison Vasvary en centre ville mais qui sont monochromes.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Les décors de la Maison Hoffmann, 12-14 rue Perczel sont aussi très colorés.
La Maison Hoffmann à Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
La fontaine d’angle en éosine contemporaine apposée sur la Maison des Dominicains (dont l’histoire mouvementée serait trop longue à rapporter), près du Théâtre national, les garnitures de l’immeuble de la Poste mais aussi la fastueuse fontaine de la place Széchenyi sont autant de rappels de Zsolnay dans sa ville.
Les amoureux de la céramique aimeront aussi jeter un coup d’œil au magasin du 1 rue Király ou se trouvait le Grand Bazar de Vilmos Zsolnay où il exerçait son activité de commerçant avant de se lancer dans la céramique. A Pécs, il y a relativement peu d’immeubles décorés de céramique architecturale de Zsolnay car c’était un produit cher, qui n’était pas à portée de toutes les bourses. Et pendant l’occupation par les communistes, de nombreuses maisons ornées ont été détruites. Cette céramique est visible en grande quantité à Budapest, à Subotica ou Oradea, par exemple.
Zsolnay, une famille d’artistes
Et maintenant passons au cœur du sujet. Pécs a su rendre honneur à cette manufacture avec le musée Zsolnay, dans la rue des musées, qui retrace l’histoire de la manufacture avec notamment une pièce qui reconstitue une partie de la maison de la famille Zsolnay. On peut notamment y admirer la célèbre fontaine aux canards en éosine, cette céramique chatoyante, que Zsolnay a su mettre au point ainsi que des cartons dessinés par l’architecte Béla Lajta pour l’immeuble Rózsavölgyi à Budapest.
Et ce n’est pas tout, le grand mérite de Pécs est d’avoir su conserver et aménager le Quartier culturel de Zsolnay, sur près de cinq hectares, à l’emplacement de l’ancienne usine et des maisons de la famille Zsolnay. A peine à l’extérieur du cœur de la ville, on y arrive à pied sans aucun problème. Amoureux de la céramique, vous allez avoir du mal à quitter cet endroit merveilleux.
Le parc du Quartier Culturel Zsolnay Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Pour ma part, j’aurais voulu y passer plus de temps, regarder tous les détails, comparer. Mais le lieu est d’une richesse incroyable. C’est tout d’abord un ensemble très agréable avec son parc à l’ambiance préservée. De belles maisons ont été construites au gré des besoins de la famille Zsolnay.
Encore de féroces gardiens devant des fenêtres soulignées de cabochons turquoise en céramique d’une des maisons du Quartier Culturel Zsolnay.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Pas de plan préétabli, mais des extensions, de nouvelles constructions, des fours qui ne sont plus en activité. En fait, il semblerait que 90% des matériaux utilisés sur le site –des dalles, aux tuiles en passant les briques et les décors- ont été fabriqués sur place. En outre, la manufacture Zsolnay créée en 1868, qui ne livrait que des produits de très grande qualité, avait l’habitude de fabriquer beaucoup plus que le volume commandé ou de réaliser en double les sculptures, au cas où il y aurait des problèmes au cours de la fabrication.
L’un des multiples ornements du Quartier Culturel Zsolnay à Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
C’est pour cette raison que le parc est habité de magnifiques sculptures (en parfait état) mais qui étaient le doublon des pièces vendues. Certains kiosques sont tapissés de carreaux de couleurs et de variantes différentes car il s’agissait d’échantillons ou de rebuts.
Passage ouvert bien gardé dans le Quartier Culturel Zsolnay de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Je ne savais plus où aller où regarder dans un environnement d’une telle richesse et d’une telle variété. Et il y a les musées. Le musée Zsolnay qui retrace l’implication des membres de la famille Zsolnay dans la manufacture et les différentes périodes de fabrication et de création.
Fontaine en céramique dans le parc du Quartier Culturel Zsolnay.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Une belle rétrospective. Il y a aussi le musée rose qui présente des pièces utilitaires de Zsolnay –des jarres aux pichets en passant par des coupes ou des objets plus utilitaires- en rose pour égayer le quotidien.
Petite construction très colorée au sein du Quartier Culturel de Zsolnay à Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Enfin, la collection de László Gyugyi que cet amateur a cédé à la ville est époustouflante. Elle regroupe les plus belles pièces de l’âge d’or de Zsolnay. Toutes les techniques mises au point par Zsolnay sont présentes et montrent la virtuosité des artisans de la fabrique.
La créativité des décors est étonnante. Et l’étage consacré à l’Art nouveau est éblouissant. Zsolnay et ses artistes ont su jouer avec les codes de ce mouvement et l’éosine, cette céramique aux reflets métalliques, donne aux pièces des reflets vibrants et les animent. (Article à venir pour montrer les plus belles pièces de Zsolnay).
Face au quartier culturel, sur une colline, le mausolée dédié au fondateur Vilmos Zsolnay, mort en 1900, par son fils Miklós est grandiose.
Allée conduisant au mausolée Zsolnay à Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
L’un des lions protégeant le mausolée Zsolnay.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Une allée encadrée par 42 lions amène au mausolée.
En bas, l’éosine du sarcophage de Vilmos représentant Minerve et des membres de la famille est caressée par la lumière qui vient des fenêtres du haut.
Premier niveau du mausolée Zsolnay tout en céramique.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Evidemment, les immeubles de la famille et le mausolée furent vandalisés pendant l’occupation des communistes.
Sarcophage de Vilmos Zsolnay en éosine.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Le tout a été restauré dans les règles de l’art et accueille d’autres équipements culturels. Actuellement, l’usine appartient à un investisseur syrien et il n’est pas possible de la visiter ni d’avoir la moindre information.
Shopping à Pécs
Deux rues se prêtent particulièrement bien au shopping à Pécs, la rue Király et la rue Ferencesek et, près de la place Jókai, la librairie Corvina particulièrement bien achalandée.
Gant Pécsi Kesztyű, une marque de gants originaire de Pécs et créée en 1993. Ces réalisés sur place sont réalisés avec beaucoup de soin et d’attention.
Des gants sophistiqués fabriqués à Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
Modèle classiques mais aussi très recherchés et plus originaux avec des détails qui font la différence. Ils sont appréciés à l’international. On peut les trouver soit à l’atelier dans le Quartier culturel de Zsolnay, soit rue Ferencesek.
Mon hôtel à Pécs
Pour résider à Pécs, je ne pouvais choisir que l’Hôtel Palatinus à cause de son emplacement central, rue Király, et de son architecture Art nouveau. Cet immeuble est assez étonnant car il est construit en U mais un U très profond.
Le Grand Hôtel Palatinus de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
L’entrée, se trouve au bout d’un genre d’allée. Il a été édifié en 1915 sous le nom de Grand Hôtel Pannonia par Imre Hamerlis, un industriel local. Il s’est avéré peu rentable, a été vendu en 1924 et nationalisé après la Deuxième Guerre mondiale avant d’être fermé en 1976. Ce n’est qu’à la fin des années 80 qu’il a été rénové et a pris le nom du Grand Hôtel Palatinus.
Détails des décors du Grand Hôtel Palatinus de Pécs.
Photo : City Breaks AAA+, Claude Mandraut©
L’entrée est grandiose avec ses colonnes, sa céramique de Zsolnay dans l’escalier. Celui-ci est éclairé par une toiture en vitraux qui conduit à sa grande salle Béla Bartók car cet artiste a joué en 1923 à l’Hôtel Palatinus. La salle à manger est restée dans l’esprit avec ses lustres et ses plafonds à caissons. Les tarifs sont très raisonnables.
Se rendre à Pécs
Depuis Bordeaux, j’ai utilisé la toute nouvelle ligne directe Bordeaux-Budapest assurée par WizzAir. J’ai loué une voiture pour aller jusqu’à Pécs qui est reliée à la capitale par une autoroute.
J’ai reçu l’aide précieuse de Kinga Rippl, de l’Office de Tourisme de Pécs, et de Laszlo Kehidai, un spécialiste de la céramique de Zsolnay et de l’histoire de la famille Zsolnay, qui m’ont guidée à Pécs, m’ont montré des aspects peu connus de cette belle ville et m’ont fait apprécier encore plus la céramique.
Renseignement sur Pécs et ses différents aspects culturels et patrimoniaux, à l’Office du tourisme.