Les combats oubliés : ICCARRE ou le droit à une vie digne
ICCARRE, soit l’acronyme d’un protocole clinique qui vise à alléger la prise de médicaments pour les personnes atteintes du VIH– un autre acronyme.
Un traitement par intermittence en cycle court, apportant une note de lueur à une médiatisation du SIDA qui tend vers le tragique – et cela sans intermittence.
Le 1 er décembre à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre le SIDA, ICCARRE lance son site avec une campagne pleine d’espoir, à mille lieux de toutes niaiseries. Au rendez -vous Tilda Swinton, Nick Cave et la chorégraphe Blanca Li livrent une vision poétique de ce que devrait être l’accompagnement des personnes atteintes, et ce peu importe la maladie.
Le SIDA, une longue histoire et beaucoup de stéréotypes à dépasser pour procurer à la maladie une nouvelle image. Une image vivante , loin des stériles, chiffres, diagrammes et acronymes.
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Le Sida et le tourbillon médiatique
Le virus, fait irruption dans le panorama public dans les années 1980. La perception de la sexualité en restera à jamais altérée. Le sexe tue. La vie des gens séropositifs est pensée comme débridée. Hantée par la menace de mort, la stigmatisation devient un lieu commun dans les films, séries et campagnes publicitaires : « cancer gay », maladie de drogués. Des stéréotypes qui sont comme des poids supplémentaires dans la vie de patients qui vivent déjà avec la contrainte d’un traitement journalier.
Benetton, 1992 par Olivero Toscani
Tom Hanks dans Philadelphia. L’acteur reçoit un oscar : un film qui commence à faire bouger les choses.
Chloé Sevigny dans Kids de Larry Clark en 1995. Pour la première fois c’est un personnage féminin qui est atteint par le virus
Jared Leto et Matthew McConaughey en 2013, pour Dallas Buyers Club. Le personnage principale et un texan hétéro homophobe
Les nuits fauves, Philadelphia, Kids, Jeanne et le garçon formidable ou Dallas Buyers Club : au fil des années et des avancées de la recherche, les représentations évoluent et nous écartent du mélodrame même si ce scénario n’est jamais loin. Dans la campagne ICCARRE : pas de personnes amaigries au teint gris, mais la charismatique Tilda Swinton, qui se balance de danseurs en danseurs. Au fil des notes composées par Nick Cave, l’actrice ne s’agrippe plus, elle s’épanouit: son corps bouge en harmonie avec ceux des autres danseurs. Cela permet d’aborder la thématique de l’isolement; qui emprisonne tout une génération de personnes qui ne meurt plus de la maladie : ils vivent avec, ils vivent malgré. Si on ne peu pas ignorer la violence des chiffres de personnes encore tuées par le virus; comment parler de cette nouvelle génération qui survit ?
Une belle claque, une claque chorégraphiée
Tilda Swinton, Blanca li et Nick Cave réunient en un projet : cela attise la curiosité. Le point commun de ces prodiges touche à tout : ils sont inclassables. Rien ne lie leur célébrité au VIH, ou une maladie quelconque. Avant d’être des militants, ils sont des artistes aux carrières riches. Leurs noms transforment l’expérience spéctatorielle de ce spot: plus qu’une simple campagne, une démarche artistique. Un moment dans lequel on entre délivré d’ a priori tragiques.
Le corps est au coeur du travail artistique mené par Swinton et Li mais également de manière plus métaphorique dans le combat du docteur Jacques Leibowitch :un homme de convictions qui combat avec ses tripes.
Plus d’informations sur ICCARRE , un projet du Dr Leibowitch :
ICCARRE : les lettres d’un combat pour une vie meilleure
Un projet pour une vie digne. La trithérapie est un traitement lourd. Elle impacte le quotidien et rend plus dépendant de l’entourage . Plus de 100 000 personnes se lèvent chaque matin pour avaler leur traitement. Depuis 2003 les travaux du Dr Leibowitch et de son équipe ont permis de faire passer le traitement de sept à quatre jours par semaine. Avec 15 ans de recul, les résultats sont désormais suffisamment solides pour que ce protocole soit adopté. Un plan qui devrait être officiellement recommandé en France d’ici 3 ans. Ce projet montre autre chose que l’inéluctable mort -permet de souligner combien il est difficile d’être encore présent mais déjà absent dans les yeux des autres. La perte d’autonomie est souvent vécue comme une insulte pour ceux qui en sont les victimes. Ici la danse pallie la mièvrerie.
Améliorer la vie des patients et dépasser les images stigmatisantes. ICCARRE nous montre que les combats pour la maladie ne sont pas figés dans le temps. Une campagne qui par la danse empêche l’exercice d’une pitié de rigueur. Fin de l’ère de la victimisation. Vivons
« believing in a better future » « keeping hope alive » ICCARRE