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Vincent Macaigne, le théâtre-clubbing

Publié le 18 décembre 2017 par Les Lettres Françaises

Vincent Macaigne, le théâtre-clubbingC’est la dernière boum à la mode, organisée par Vincent Macaigne qui a autrefois fait du théâtre. Il s’y est d’ailleurs fait un nom, à telle enseigne qu’avant même de présenter ce Je suis un pays, nombre de théâtres se sont précipités pour acheter et programmer l’«objet», et que le Festival d’automne l’a immédiatement pris sous son aile. Créé au très chic Vidy-Lausanne de Vincent Baudriller, qui a ses fidélités avignonnaises, le spectacle passe aujourd’hui à Nanterre et devrait être repris, fin mai, au Théâtre de la Colline, intra-muros, comme quoi la notion de Grand Paris n’est pas encore entrée dans nos mœurs…

Vincent Macaigne délaisse donc totalement les classiques, Shakespeare, Dostoïevski…, qu’il avait plus ou moins (plutôt plus) déconstruits, pour employer un terme et une notion à la mode, pour s’y coller seul et nous asséner sa propre pensée. Au moins ne pourra-t-on pas lui reprocher cette honnêteté-là ! Le voilà donc seul au milieu du bruit et de la fureur, comme d’habitude, et à vrai dire ce qu’il nous inflige n’est guère nouveau : nous l’avions déjà entendu, si on ose dire, dans ses précédents spectacles. Ainsi, l’entame en forme de harangue qui se passe dans le hall du théâtre pendant quelques minutes – cela devait durer plus longtemps, mais l’organisation très spéciale du théâtre ayant programmé plusieurs spectacles quasiment aux mêmes horaires, il a fallu faire plus bref, contrairement au TNB à Rennes où, avant d’avoir le droit d’entrer dans la salle, les spectateurs avaient dû patienter, autant que faire se peut, très longuement.

Donc, même prologue, pour le dire sobrement, que pour Idiot ! Parce que nous aurons dû nous aimer pour nous annoncer (on l’avait plus ou moins compris) que « nous sommes après la catastrophe » et que, au moment voulu, nous avons intérêt à entrer fissa dans la salle comme si nous avions des chiens à nos trousses… Et là commence la boum si chère à nos jeunes ados qui se trémoussent les bras en l’air, etc. On aura eu la charité, avant d’entrer, de nous offrir des boules Quiès, mais rien n’y fait, ça balance – boum-boum – terrible et… insupportable. Lavage de cerveau assuré, après quoi nous aurons droit aux discours, à la pensée du maître. Nous avions eu le théâtre-docu, le théâtre popu, le théâtre politique, le théâtre-récit, voici le théâtre-clubbing. Après autorisation de nous affaler dans nos fauteuils, la suite des événements arrive dans le même tempo hystérique. Il faut saisir ce que l’on peut saisir : heureusement, Éric Vautrin, savant universitaire passé dramaturge (entendez penseur) au Théâtre Vidy-Lausanne, nous en donne une brillante analyse dans le dossier de presse. Sauvé? Je retiens avec lui que Je suis un pays est un cauchemar, on ne le lui fait pas dire. « Le cauchemar d’une société confrontée à son absence de destin et livrée aux ambitions de différents pouvoirs », etc. On respire ! Brillant argument qui s’achève sur une citation de Brecht (bravo pour la galipette !), nous sommes sauvés.

Comme il faut quand même marquer le coup, et montrer que ça pense, la deuxième partie du spectacle nous inflige un texte de Vincent Macaigne lui-même, écrit dans ses années d’adolescence sans doute, Friche 22 66, histoire de montrer que, bien entendu, il pense (et souffre) le monde. C’est affligeant : c’est le degré zéro de la pensée tel qu’adolescents nous l’avons tous griffonné mais bien vite enfoui au plus profond de nos tiroirs. Vincent Macaigne a l’impudeur de ressortir ces productions, il n’en est pas à ça près dans son spectacle. Quant à ses pauvres partenaires, ils s’essoufflent, font le mieux possible, mais la foi n’y est pas toujours et cela sonne creux. On le regrette pour eux.

Jean-Pierre Han

Je suis un pays, de Vincent Macaigne.
Mise en scène de l’auteur.
Festival d’automne. Théâtre des Amandiers à Nanterre.
Jusqu’au 8 décembre. Tél. : 01 46 14 70 00.

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